Les vies de feue l’incandescente Winnie Mandela, ‘Mama South Africa’

Aussi célèbre pour son combat contre l’apartheid que pour sa liberté de parole, Winnie Mandela est décédée ce lundi de Pâques, à l’âge de 81 ans, après une longue maladie.

« C’est avec une grande tristesse que nous informons le public que Mme Winnie Madikizela Mandela est décédée à l’hôpital Milpark de Johannesburg ce lundi 2 avril », a déclaré Victor Dlamini, le porte-parole de l’icône de l’ANC dans un communiqué.

Mère de la nation sud-africaine

Plus qu’une icône, Winnie Madikizela Mandela a sacrifié sa vie pour la liberté de l’Afrique du Sud. Égérie de la lutte antiapartheid durant les 27 années d’emprisonnement de Nelson Mandela, libéré en 1990, elle était cependant devenue une figure controversée.

Dans le Soweto des années 80, Winnie, qui était surnommée la « mère de la nation », aurait notamment encouragé la violence pendant la lutte contre le régime ségrégationniste à travers le Mandela United Football Club. Elle se retrouve accusée de violence et de meurtre : en 1988, son club, qui est en fait un véritable gang, tue un jeune militant de 14 ans, Stompie Sepei, semble-t-il sur les instructions de Winnie. Elle sera jugée et condamnée à six ans de prison. Assignée à résidence à Brandfort – « un tombeau vivant » –, l’opposante, courtisée par les médias internationaux, assume d’être prête à tuer pour la liberté. Ne craignant rien ni personne, Winnie, qui recrute avec Chris Hani et Oliver Tambo les soldats d’Umkhonto we Sizwe, la branche militaire du Congrès national africain, joue aussi les courroies de transmission entre le terrain et le prisonnier légendaire dont le monde entier exige la libération.

Une figure toujours en lutte

Mariés en 1958, Nelson et Winnie ont divorcé en avril 1996, plusieurs années après leur séparation. Bien que Winnie ait été aux côtés de son mari lors de sa libération en 1990, les relations du couple s’étaient très vite dégradées. « Nous – Nelson et moi – n’avons jamais vraiment donné une chance à notre couple. Voyez-vous, je comprends vraiment les femmes d’autres prisonniers. Certaines ne pouvaient pas faire face à la situation. Affonter la vie en prison. Personne n’a jamais accordé une pensée à ces femmes », estime Winnie. « Moi, d’un autre côté, je sentais qu’il était de ma responsabilité de maintenir le nom, l’héritage de Nelson Mandela, tout. »

En 1969, Winnie Mandela est aussi emprisonnée. Mandela écrit alors des mots poignants à ses filles, Zeni et Zindi, 9 ans et 10 ans, privées de leur mère et de leur père. Les lettres évoquent ses relations parfois orageuses avec Winnie qui lui rappelle, un jour, qu’elle a dû élever seule leurs enfants.

Pourtant dans son testament, Nelson Mandela, qui fut le premier président de l’Afrique du Sud démocratique de 1994 à 1999 et est décédé en 2013, ne lui a rien laissé. Car comme le démontre le film entrelaçant archives et témoignages précieux, dont celui de Winnie et celui de sa fille Zindi, ce portrait dense et très documenté éclaire le rôle majeur – et souvent sous-estimé – de cette militante engagée en première ligne dans la lutte antiapartheid. Il montre surtout comment le régime sud-africain s’est ingénié à opposer « le saint » Nelson Mandela à la « pécheresse » Winnie, redoutée pour son intransigeance, jusqu’à leur séparation et sa diabolisation.

Nomzamo Winifred Madikizela-Mandela aura donc été un des piliers de la lutte des Noirs pour l’égalité de droits en Afrique du Sud.

Elle avait été hospitalisée plusieurs fois depuis le début de l’année 2018.

Née à Bizana, dans le Cap-Oriental, en 1936, elle s’installe à Johannesburg pour étudier le travail social après sa scolarité.Elle a rencontré l’avocat et militant anti-apartheid Nelson Mandela en 1957 et ils se sont mariés un an plus tard.

Cependant, sa vie conjugale avec Mandela a été de courte durée, puisqu’il a été arrêté en 1963 et condamné à la prison à vie pour trahison, avant d’être libéré en 1990.Durant le séjour de Mandela en prison, Madikizela-Mandela n’a pas été épargnée par les forces de l’apartheid. Elle a été placée en résidence surveillée et exilée à un moment donné à Brandfort.En 1969, Madikizela-Mandela devint l’une des premières détenues en vertu de l’article 6 du tristement célèbre Terrorism Act de 1967. Elle fut détenue pendant dix-huit mois dans une cellule à la prison centrale de Pretoria avant d’être inculpée en vertu de la loi sur la répression du 1950. Controverse En 1991, elle a été reconnue coupable d’enlèvement et d’être un complice de l’agression de Stompie Seipei, un jeune activiste qui a été tué par un membre de ses gardes du corps, le Mandela United Football Club.Les gardes du corps de Madikizela-Mandela avaient enlevé Seipei, 14 ans, en 1989, avec trois autres jeunes, de la maison du ministre méthodiste Paul Verryn.Sa peine d’emprisonnement de six ans a été réduite à une amende et à une peine de deux ans avec sursis en appel.Son mariage avec Mandela a commencé à patauger quelques années après sa libération.Une lettre qu’elle a prétendument écrite à son jeune amant s’est retrouvée dans les journaux.«Tu couches avec des femmes à gauche et à droite », y écrit-elle. « Le fait que je n’ai pas parlé à Tata [Nelson Mandela] depuis cinq mois maintenant n’est pas ta préoccupation. Je ne cesse de te dire que la situation se détériore à la maison. Cela ne te dérange pas parce que tu te satisfait chaque nuit avec une femme « , aurait écrit Madikizela-Mandela.

Dans son livre Odyssey to Freedom, l’avocat chevronné George Bizos décrit comment Mandela a refusé d’assister aux consultations juridiques que Bizos a eues avec Madikizela-Mandela au cours du procès Seipei. »Il a tracé une ligne rouge et refusé d’assister à nos consultations, principalement parce que ces rencontres ont également été suivies par le jeune avocat … son amant pendant la dernière partie de l’emprisonnement de Nelson et après sa libération », écrit Bizos dans son livre.Le couple a divorcé en 1996, 37 ans après leur mariage. Après les premières élections démocratiques en 1994, Madikizela-Mandela est devenue députée et a été nommée Ministre déléguée chargée des arts et de la culture. Elle a été limogée par Mandela après un voyage non autorisé au Ghana.Elle a été députée depuis lors, malgré des apparitions limitées au Parlement ces dernières années.