Aly Ngouille Ndiaye, ministre de l’Intérieur, en déjeuner de presse : « 14 milliards pour organiser la présidentielle. Zéro bureau fictif »

A quelques jours du début de la campagne électorale, le ministre de l’Intérieur et de la sécurité publique a échangé avec la presse sur le processus électoral.

Au cours d’un déjeuner, Aly Ngouille Ndiaye, accompagné du Directeur général des élections (Dge), du Directeur de l’automatisation des fichiers (Daf), de membres de la Cena (Commission électorale nationale autonome) et d’autres agents de son département, a abordé plusieurs questions.

L’objectif était de «discuter de l’ensemble des actes posés relativement à l’organisation des élections, passer en revue les discussions avec l’opposition, l’audit du fichier électoral, la modification de la Constitution, du Code électoral jusqu’à la mise à disposition de la carte électorale aux plénipotentiaires des candidats».

Le ministre de l’Intérieur assure que le processus se déroule on ne peut mieux, avec un taux de distribution des cartes d’électeurs jamais atteint de plus de 97%. «Mon département est à pied d’œuvre pour relever le défi de l’organisation matérielle et de la sécurisation de ce scrutin.» Par ailleurs, Aly Ngouille Ndiaye a annoncé l’implantation d’une compagnie de police au niveau de l’Arène nationale, pour renforcer la sécurité.

Près de 14 milliards pour organiser la Présidentielle

Budget. «Pour l’organisation de cette élection, nous sommes autour de 14 milliards FCfa, si on y introduit la part des cartes d’électeurs qui fait à peu près 5 milliards. Mais mis à part les cartes d’électeurs, nous sommes à environ 9 milliards.

L’impression des bulletins, qui a démarré, a été confiée à des sociétés nationales, aucune société étrangère. En principe, à partir de lundi, nous devrons envoyer les bulletins à l’extérieur, et d’ici à la fin de la semaine, les bulletins devraient être prêts pour être distribués à l’intérieur du pays. Nous voulons prendre suffisamment de recul pour que les bulletins soient acheminés dans les circonscriptions à temps.»

Retrait des cartes d’électeurs. «Nous n’avons jamais atteint ce niveau de distribution de cartes à la veille d’élections. Globalement, nous sommes à 95,26%, si nous prenons la refonte et la révision. A l’élection présidentielle de 2007, nous étions à moins de 26% de taux de distribution, au début de la campagne électorale.

J’avais constaté qu’il y avait un problème de dispatching, nous avons demandé à toutes les Sous-préfectures de faire un inventaire physique de l’ensemble des cartes, et d’envoyer à la Daf toutes les cartes qui ne sont pas de leur circonscription.

Cela a été fait et la Daf a reventilé ces cartes. Il n’y a pas de rétention de cartes, sur les 6 050 075 cartes issues de la refonte du fichier, plus de 5,9 millions ont été distribuées, ce qui représente un taux de 97,56%. Ce qui est différent des cartes issues de la révision, qui s’élèvent à plus de 416 889, et qui ont été distribuées à hauteur de 61,74%. Si on fait l’addition des cartes issues de la révision et celles de la refonte, on arrive à 6 466 964.

Et sur ces cartes, 6 160 000 ont été distribuées, soit 95,26%, et les cartes restantes représentent 4,64%, soit 306 839 cartes. Vu qu’au niveau de la refonte, nous avons atteint 97%, et pour la révision, dont nous venons de démarrer la distribution, nous sommes à 61%, avec les 3 semaines qui nous reste d’ici à l’élection, nous pensons pouvoir atteindre le taux de 97% ou plus. Cela veut dire que c’est un bon taux de distribution jamais atteint.»

«Ce qui explique les changements sur la carte électorale»

Modifications carte électorale. «Les modifications ne se font généralement pas sur décision du ministre ou de la Dge, c’est fait généralement de façon concertée avec les acteurs sur le terrain. Pour le cas de Touba, nous avons beaucoup de personnes qui sont très éloignées des lieux de vote, il y a une partie de la ville où il n’y a pas de bureaux de vote. Rien qu’à l’Université, il y avait 150 bureaux dans 3 lieux de vote, là on les délocalise physiquement, mais ça n’entraîne pas d’édition de cartes.

Il y a aussi beaucoup de gens qui habitaient pratiquement la périphérie et qui allaient voter au niveau de la sous-préfecture de Ndame, pour ces gens, nous avons créé des bureaux à Sicap-Touba. Sur les plus de 200 000 inscrits dans la commune de Touba-mosquée, il n’y a que 15 000 qui sont concernés par la modification de la carte électorale.

Toutes les dispositions seront prises pour que le vote se déroule normalement, il n’y aura pas de problème à Touba, on votera correctement. En France également, les Sénégalais de Nantes, Creil, Mantes-la-jolie, Mulhouse, Lille, Strasbourg… devaient aller jusqu’à Paris pour voter, on leur a créé de nouveaux bureaux, cela va forcément demander l’édition de nouvelles cartes, qui seront distribuées jusqu’au 23 février. C’est donc ce qui justifie les changements, et à chaque fois que l’on fait cela, les autorités communiquent.

Pour Touba par exemple, dans tous les centres de vote, nous avons mis une commission, différente de la celle communale, pour distribuer les cartes. Il est possible que des électeurs se retrouvent dans un bureau de vote différent. Quand il y a refonte, il y a de nouvelles inscriptions, et entre-temps, il y a la loi qui limite le nombre d’inscrits par bureau de vote à 600, alors que c’était 900. J’ai moi-même été changé de bureau à Linguère.

On est obligés de reventiler ou de créer de nouveaux bureaux de vote, quand il y a plus de 600 inscrits. Il est possible que l’on change de lieu de vote, mais la motivation n’est rien d’autre que de rapprocher l’électeur de son lieu de vote. Dans le monde rural, les gens font parfois plus de 15km pour aller voter, et s’ils sont au nombre de 200 généralement, on leur crée un nouveau lieu de vote, plus proche, qui polarise également les villages environnants. Et une fois que c’est fait, ils sont informés.»

Fichier électoral. «J’ai jusqu’au 8 février au plus tard, pour remettre le fichier aux candidats, je ne suis pas obligé de le faire avant.»

«Rien ne justifie le recrutement de nervis»

Sécurité. «Avez-vous déjà vu un candidat à une élection, même locale, qui n’organise pas sa sécurité ? Les gens organisent leur sécurité, mais l’objectif, ce n’est pas de recruter des gros bras. Pour ce qui est d’assigner des agents de sécurité à chacun des cinq candidats, nous n’avons pas encore pris la décision de le faire. Nous sommes un pays bien organisé, avec des lois et des textes.

Et ce n’est même pas évident que ce soit accepté, les candidats ne sont pas tenus d’accepter qu’on leur colle des policiers. Parce que la sécurité, c’est avant tout une question de confiance, et d’ailleurs, personne d’entre eux n’en a fait la demande. Dans certains pays, l’offre a existé et a été refusée.

Nous appelons les gens à la retenue, cette élection présidentielle sera la onzième au Sénégal, et tout devrait bien se passer. C’est vrai qu’il y a toujours beaucoup de bruit, mais jusque-là, nous avons des comportements meilleurs que ce que nous avons eu en 2012, où il y avait beaucoup de morts. Il faut que les gens sachent raison garder, rien ne justifie le recrutement de nervis et autres pour assurer la sécurité. Il y a suffisamment d’espace dans ce pays pour cinq candidats.»

«En 2018, nous avons un taux de manifestations interdites de 2,2% sur l’ensemble du territoire»

Manifestations interdites. «En 2018, nous avons un taux de manifestations interdites de 2,2% sur l’ensemble du territoire. C’est cela la vérité et pas ce que les gens disent. Pour Dakar, nous avons reçu 2 155 demandes de manifestations sur la voie publique, 36 ont été refusées, soit 1,67%. Pour les réunions publiques, 501 demandes ont été reçues et 23 refusées.

Au total, en 2018, à Dakar, 2 656 demandes ont été reçues et seulement, 59 interdites. Pour aujourd’hui (hier), les jeunes (de l’opposition) ont déposé pour faire une marche, le Préfet leur a demandé de changer d’itinéraire, mais ils ont refusé et ont renoncé. Donc, ce n’est pas le dialogue qui a manqué, s’ils voulaient marcher, ils pouvaient le faire, mais c’est peut-être parce qu’il y avait d’autres intentions derrière.

Quand il y a une demande de manifestation, c’est la police qui instruit et qui, tenant compte des informations dont elle dispose, donne un avis au Préfet. Et dès fois, ce dernier va même à l’encontre de ces avis pour autoriser la manifestation. Pour cette fois, le Préfet leur a demandé de changer d’itinéraire pour éviter qu’ils ne passent devant l’Hôpital Abass Ndao.»

Bureaux fictifs

«Nous avons publié la répartition de tous les bureaux, il n’y a pas de bureau fictif, cela n’existe nulle part. La carte électorale est publiée et tout le monde peut savoir ce qu’il en est. Et même si par extraordinaire, il y a un bureau fictif, au niveau de la Commission de recensement, on ne décompte pas un bureau, s’il n’est pas signé par le président de la Cena. Et même pour les bureaux qui existent réellement, si pour une raison ou une autre, la délocalisation est faite et que ce n’est pas sur la carte électorale signée par le ministre de l’Intérieur, ce bureau n’est pas comptabilisé. Donc il ne peut pas y avoir de bureaux fictifs.»