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Au Ghana, ce projet de cathédrale qui suscite la polémique dans un pays qui compte 0% d’athées

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La symbolique est forte. L’arche de l’Indépendance, le Parlement, le centre international de conférence. C’est entre ces monuments de l’histoire ghanéenne qu’il est prévu de bâtir la future cathédrale nationale d’Accra, imaginée par l’architecte ghanéo-britannique David Adjaye. Au cœur de six hectares de jardin, devrait s’élever une église futuriste capable d’accueillir 5 000 fidèles de toutes confessions chrétiennes confondues, mais aussi un centre de documentation religieuse et le premier musée africain de la Bible.

Mais ce n’est ni le design original, ni l’emplacement archi-central, ni le coût du projet toujours noyé sous les points d’interrogation qui pose problème. Depuis plus d’un an, quand le président Nana Akufo-Addo a lui-même exprimé la volonté de voir naître une cathédrale interconfessionnelle, la controverse se cristallise sur le respect de la laïcité.

Un projet anticonstitutionnel ?

James Kwabena Bomfeh est un homme à plusieurs casquettes. Chef d’entreprise, membre d’un parti d’opposition et adventiste pratiquant, il a intenté un procès devant la Cour suprême pour faire reconnaître l’inconstitutionnalité du projet de cathédrale. « La Constitution garantit que j’ai le droit de croire, d’exprimer ma foi, mais personne ne peut m’imposer de soutenir une croyance. La loi est très claire : l’État n’a pas le droit de s’impliquer dans les affaires religieuses ! » s’indigne-t-il. Même si en tant que chrétien engagé, James Kwabena Bomfeh pourrait profiter d’un tel édifice cultuel, l’homme s’oppose à cette promiscuité entre pouvoir et religion. « Si les chrétiens veulent bâtir une cathédrale, qu’ils en ont le budget, et qu’ils ont leur propre terrain, je n’ai aucun problème ! Mais l’État n’a pas à soutenir ou promouvoir une religion plus qu’une autre. »

L’État prévoit en effet de céder un terrain public pour cet édifice. Quant au financement global du projet, les questionnements restent en suspens : à combien s’élèveront les travaux ? Seront-ils financés par l’argent du contribuable ? Les treize membres du comité pour la cathédrale nationale, désignés par le chef de l’État, entretiennent le flou.

Le financement du pèlerinage à La Mecque critiqué

Leur président, le révérend Paul Frimpong Manso, soupire. « Les gens n’arrêtent pas de me demander : mais combien va coûter la cathédrale ? Nous ne savons pas encore. Nous venons de terminer la première phase du projet qui était de dessiner les plans de la cathédrale. Nous n’allons pas tarder à entamer les estimations », assure ce pasteur des Assemblées de Dieu qui se veut pourtant rassurant : « Ce que je sais, c’est que ce seront les églises et les particuliers qui seront encouragés à donner pour soutenir ce projet. » Puis le religieux marque une pause. « Après… si le gouvernement souhaite nous aider, nous n’allons pas dire non, reprenez votre argent. Je ne considérerais pas ça mal d’ailleurs. Au Ghana, l’État aide nos frères musulmans à organiser leur pèlerinage à La Mecque depuis des années. Et personne ne s’y est opposé. »

Cette année, 5 700 Ghanéens ont effectué le pèlerinage, soutenus financement par le gouvernement via le Conseil pour le hajj à hauteur de 4 500 cédis par fidèle, soit plus de 800 euros. Mais à la Coalition des organisations musulmanes basée à Accra, ces pratiques font grincer des dents. L’organisme, d’habitude discret, a signé une tribune en août dernier pour rappeler que l’État n’avait pas à s’impliquer en religion. Une position qui ne fait pourtant pas l’unanimité au sein de la communauté musulmane. « Le gouvernement n’a pas à utiliser l’argent du contribuable pour financer le hajj, ni pour bâtir une cathédrale, martèle Alhaji Manan, son secrétaire général. En finançant le hajj, l’État soutient les musulmans et laisse les autres religions de côté. Mais céder un terrain public pour une cathédrale, ce n’est pas juste non plus. Nous avons beaucoup de religions au Ghana, qui ont coexisté dans la paix. Accorder des privilèges à une seule est une injustice. »

La religion fortement ancrée

Alors que la discorde s’accentue, les autorités semblent bien décidées à poursuivre. Le révérend Paul Frimpong Manso insiste : « Il ne s’agira pas seulement d’un site réservé aux chrétiens. Ce sera un édifice dédié au partage et à la démocratie. Dans la capitale, nous n’avons pas de monuments dignes de ce nom pour célébrer des événements nationaux, comme dernièrement, les funérailles de Kofi Annan par exemple. La cathédrale nationale serait ce symbole d’unité pour le pays. » Mais bon nombre de citoyens s’interrogent sur l’utilité d’un tel projet, considérant la baisse du chômage ou la refonte des infrastructures médicales comme une priorité majeure.

Le débat a depuis dépassé les frontières. Chika Okeke-Agulu, professeur d’histoire de l’art à l’université de Princeton aux États-Unis, a défendu ce projet dans les colonnes du New York Times, se désolant qu’il y ait « quelque chose d’inquiétant dans l’idée que tant que chaque maison en Afrique ne sera pas équipée d’une moustiquaire et que chaque village n’aura pas son école, il serait inimaginable de donner vie aux rêves et de bâtir des structures inspirantes. »

En attendant, le projet inspire surtout un grand questionnement sur la fragilité de la laïcité. Et ce, même dans un pays à majorité chrétienne (plus de 70 % de la population) où les confessions pentecôtistes, protestantes mais aussi catholiques, sont très présentes. Selon une récente étude menée par l’institut de sondage WIN-Gallup International, le Ghana s’affichait comme le seul pays parmi les 57 analysés, comptant 0 % d’athées.

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