[Contribution] Retour de Khalifa Ababacar SALL, utopie ou réalité? (Par Momar-Sokhna DIOP)

[Tract] – Le 29 mars 2021, « Autour du Micro », émission animée par le célèbre journaliste d’investigation, Pape-Alé Niang, Khalifa-Ababacar Sall leader de « Taxawou Sénégal » semble vouloir reprendre sa place sur la scène politique. Il a tiré la sonnette d’alarme sur la gestion calamiteuse de l’Etat et sur la dégradation des institutions. Il a également longuement insisté sur la nécessité de réorganiser l’Etat.

 

Mais, sa situation judiciaire rend son retour très compliqué car gracié et non amnistié, il n’a toujours pas retrouvé ses droits civiques. Il ne peut être ni électeur ni éligible c’est-à-dire candidat aux élections dont les municipales, les législatives voire les présidentielles prévues en 2024.

 

Ceci dit, au-delà de tout ce que l’on peut lui reprocher, Khalifa SALL reste un homme intègre, compétent et patriote. Il est l’un des maires qui ont contribué à renforcer la démocratie et surtout la décentralisation grâce à une « gestion moderne de la collectivité locale ».

 

En tant que témoin, je l’ai personnellement toujours entendu dire qu’il mobilisera toutes les ressources nécessaires pour que « Dakar redevienne une ville comme nous l’avions connu lorsque nous étions des gosses » et c’est une vision que tout sénégalais peut entendre.

 

C’est une tâche à laquelle lui et ses collaborateurs municipaux se sont attelés. En effet, ils ont courageusement pris des mesures certes impopulaires, mais qui méritent d’être expérimentées par ses collègues qui ambitionnent de proposer aux Sénégalais un projet sérieux pour développer les collectivités locales très affectées par des difficultés.

 

Parmi ces mesures nous avons, l’occupation anarchique des espaces et voies publics. Grâce à son équipe municipale mobilisée, Dakar commence à avoir des avenues pavées, nettoyées et correctement entretenues. La rénovation des marchés publics a permis de garantir de meilleures conditions d’hygiène et de sécurités aux consommateurs mais également aux commerçants. C’est une mesure à encourager, à organiser et à poursuivre pour l’intérêt de tous.

 

Il s’agit également de permettre aux collectivités d’organiser et de contrôler le secteur informel et de mieux collecter des recettes fiscales locales nécessaires. La rénovation et la modernisation des établissements scolaires publics ont également été engagées de même que celle des établissements de santé. C’est la raison pour laquelle le plateau technique médical s’est relevé de manière significative.

 

La liste des réalisations et des actes posés par la mairie sous la gouvernance de Khalifa SALL pourrait être longue mais nous disons tout simplement que, toute idéologie mise à part, Khalifa Sall nous lègue une vision patriote à laquelle nous devons nous inspirer pour consolider les collectivités locales et pour renforcer la décentralisation qui a du mal à être mise en œuvre de manière efficiente.

Les slogans dont l’émergence prolifèrent mais les résultats ne suivent pas. Tout le monde attendait, par exemple, de l’acte 3 de la décentralisation et de la mise en place du Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) un occasion de consolider les acquis à travers une meilleure rationalisation des échelles de gouvernance locale et surtout une territorialisation efficiente des politiques publiques et un réel transfert de compétences et de ressources, mais il n’en est rien. Cette institution, comme le constate Ousmane SONKO «  constitue une infrastructure créée uniquement pour placer une clientèle politique d’alliés ». Elle continue de provoquer une hausse irrationnelle des dépenses publiques et de fonctionnement des collectivités locales.

 

Politiquement, le retour de Khalifa Sall pourrait être utile. Pour cela, il faut qu’il retrouve ses droits civiques et qu’il évite les pièges du passé dont celui des alliances politiciennes établies en 2019 avec Rewmi d’Idrissa Seck qui comme je l’ai souvent exprimé n’est qu’un opportuniste obnubilé par le pouvoir. Sa transhumance vers le poste de Président du Conseil Economique, Social et Environnemental (CESE) atteste nos propos. Que Khalifa n’oublie pas non plus qu’il est social-démocrate, une vision qui n’est pas compatible avec celle libérale incarnée par Idrissa Seck et ses collaborateurs.

 

Khalifa doit également tirer des leçons de son parcours au sein du parti socialiste. Nul ne doute du rôle primordial qu’il avait joué au développement du parti socialiste. Toutefois, voulant trop montrer sa loyauté et sa fidélité à la discipline du parti, il s’était fait piégé par ses adversaires internes qui ont tout mis en œuvre pour l’affaiblir et l’écarter de la course au leadership. Pourtant il avait d’énormes opportunités pour accéder à la direction du parti. Il avait le choix entre affronter le secrétaire général de l’époque et la prise de son propre bâton de pèlerin pour conquérir le pouvoir. Il fallait rompre avec le PS et créer son propre parti. Il en avait les moyens et le soutien politique.

 

Voilà en résumé notre contribution alerte à l’actualité et aux débats préélectoraux qui vont s’engager dans les mois à venir.

 

Momar-Sokhna DIOP : Professeur d’économie-gestion et Auteur de plusieurs ouvrages dont : Sénégal, diagnostic d’un pays candidat à l’émergence, Paris l’Harmattan, 2019. Quelles alternatives pour l’Afrique ?, 2009.