Coronacrise : le baril de pétrole coté à New-York tombe sous les zéro dollar. Comment est-ce possible ?

Ce sont les mystères de la cotation en bourse, où seule prévaut la loi de l’offre et de la demande. Souvent au mépris de toute logique économique : la valeur du baril coté à New York pour livraison en mai a chuté ce lundi 20 avril en dessous de zéro dollar, les investisseurs et spéculateurs cherchant désespérément à se débarrasser de certains barils de pétrole américain dans un marché saturé. Les investisseurs payent désormais pour trouver preneur.

Le baril de 159 litres de pétrole brut coté à New York, qui s’échangeait encore à 60 dollars en début d’année et à 18,27 dollars vendredi soir, a finalement terminé à -37,63 dollars. Il n’était jamais tombé en dessous de 10 dollars depuis la création de ce contrat en 1983. Les prix du baril étaient déjà tombés dans le négatif à certains endroits aux États-Unis et au Canada.

La situation devrait toutefois s’améliorer dans les jours à venir, estiment plusieurs analystes.

Il est un peu trompeur de se focaliser sur le contrat de mai, souligne ainsi Matt Smith, expert du marché pétrolier pour ClipperData. Il y a beaucoup plus d’échanges sur le baril pour livraison en juin.

Et ce dernier résistait beaucoup mieux : il évoluait en baisse d’environ 11 % lundi à 22 dollars. Le baril de Brent de la mer du Nord, référence européenne cotée à Londres, était aussi beaucoup moins affecté puisqu’il ne cédait que 6 %, à 26 dollars environ.

Le marché inondé de pétrole à bas coût

Reste que le marché du pétrole connaît de fortes chutes depuis des semaines alors que les restrictions de déplacements dans de nombreux pays et la paralysie de nombreuses économies à cause de la crise du coronavirus ont fait fondre la demande. Et les investisseurs s’attendent à pire encore puisqu’une profonde récession s’annonce dans le monde.

Côté offre, le marché a été inondé de pétrole à bas coût après que l’Arabie Saoudite, membre éminent de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep), a lancé une guerre des prix avec la Russie pour obtenir un maximum de parts de marché.

Les deux pays ont mis un terme à leur différend au début du mois en acceptant, avec d’autres pays, de réduire leur production de près de 10 millions de barils par jour pour stimuler les marchés touchés par le virus.

Mais les prix ont continué à dégringoler quand il est devenu clair que les réductions promises ne suffiraient pas à compenser l’effondrement de la demande.

Dans ce contexte de marché extrêmement déséquilibré, entre la chute de la demande et une offre surabondante, les gens se précipitent pour se décharger de leurs achats de pétrole, a relevé Craig Erlam d’Oanda.

Une faible demande

Les États-Unis, en tant que marché enclavé, ont les plus importants problèmes de stockage, a renchéri Jasper Lawler, analyste pour London Capital Group.

La demande est tellement inférieure à l’offre que les réserves pourraient déjà avoir atteint 70 % à 80 % de leurs capacités, a-t-il ajouté.

L’Agence américaine de l’information sur l’énergie a indiqué la semaine dernière que les stocks de brut de la plus grande économie mondiale avaient augmenté de 19,25 millions de barils la semaine précédente, ajoutant aux malheurs d’un marché qui débordait déjà d’or noir avant la pandémie de Covid-19.

Sukrit Vijayakar, analyste pour Trifecta Consultants, souligne aussi que les raffineries américaines ne parviennent pas à transformer le brut assez vite, ce qui explique qu’il y ait moins d’acheteurs et des réserves qui se remplissent.