Cour pénale internationale: élection du prochain procureur sur fond de controverses

La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, lors d'une conférence de presse à Kinshasa, le 3 mai 2018, en RDC - AFP/Archives

[Tract] – Les 123 pays membres de la Cour pénale internationale (CPI) ont commencé vendredi à voter à bulletins secrets à l’ONU à New York pour élire leur prochain procureur général, un poste exposé qui vaut à la titulaire actuelle d’être sous sanctions américaines.

Source Courrier International avec AFP

 

Quatre candidats masculins européens – un Britannique, un Irlandais, un Espagnol et un Italien – sont en lice afin de succéder à la procureure générale sortante, la Gambienne Fatou Bensouda, qui a mené des enquêtes controversées, notamment sur le conflit israélo-palestinien ou encore l’Afghanistan.

Il faut une majorité absolue de 62 voix pour l’emporter. L’ONU compte 193 membres au total mais plusieurs d’entre eux ne sont pas membres de la CPI, comme les Etats-Unis ou Israël.

© AFP/Archives
Le Britannique Karim Khan, le 27 juillet 2019 à Bagdad

Le Britannique Karim Khan est un avocat spécialiste des droits humains. Il a récemment dirigé une enquête spéciale de l’ONU sur les crimes du groupe Etat islamique et appelé à des procès semblables à celui qu’ont connu les dirigeants nazis à Nuremberg.

 

 

 

© POOL/AFP/Archives
L’avocat irlandais Fergal Gaynor à la CPI, le 8 octobre 2014 à La Haye

L’Irlandais Fergal Gaynor a pour sa part déjà représenté des victimes de crimes à la CPI, notamment dans le cadre de l’enquête sur la guerre en Afghanistan ainsi que dans une affaire contre le président kényan Uhuru Kenyatta.

 

 

 

© AFP/Archives
L’Espagnol Carlos Castresana en juillet 2010 à Guatemala

L’Espagnol Carlos Castresana est un juge qui a dirigé dans sa carrière un groupe onusien sur la lutte contre la criminalité et la corruption au Guatemala mais a démissionné en 2010, se disant victime d' »attaques systémiques » de fonctionnaires avides de pouvoir.

 

 

Enfin, l’Italien Francesco Lo Voi, procureur, a quant à lui traité d’affaires contre la mafia italienne et un important réseau de passeurs de clandestins.

Malgré plusieurs tentatives ces dernières semaines, les Etats membres de la CPI ne sont pas parvenus à un consensus pour cette nomination, n’ayant eu d’autre choix que de recourir à un vote.

Le poste est à pourvoir à partir du 16 juin et le mandat du procureur est de neuf ans. La CPI est basée à La Haye.

Celui qui doit devenir le troisième procureur de la Cour depuis sa création en 2002 aura en charge des dossiers volumineux et des affaires complexes, dans un tribunal dont la légitimité est en permanence remise en cause.

© AFP/Archives
Le procureur italien Francesco Lo Voi en juillet 2019 à Palerme

« Il y a beaucoup d’endroits dans le monde où la Cour pourrait agir », estime toutefois un ambassadeur sous couvert d’anonymat, en espérant que l’élection ne prendra pas plusieurs jours. C’est « une institution jeune » et « nous n’avons pas besoin de moins (de justice internationale) mais de davantage » de mise en responsabilité, ajoute-t-il.

 

Sanctions « inacceptables »

 

Les premières responsabilités du nouveau procureur consisteront à décider des prochaines étapes de l’enquête sur les crimes de guerre en Afghanistan et de l’enquête particulièrement controversée sur le conflit israélo-palestinien de 2014 à Gaza.

L’an dernier, l’administration de l’ex-président républicain américain, Donald Trump, avait pris pour cible Fatou Bensouda et un autre haut responsable de la CPI, leur imposant des sanctions, notamment une interdiction de voyager et un gel de leurs avoirs, en raison d’une enquête sur des crimes de guerre américains présumés en Afghanistan.

Israël et les Etats-Unis se sont également fermement opposés à une autre enquête sur des crimes de guerre présumés par les forces israéliennes et les groupes armés palestiniens.

La semaine dernière, les juges de la CPI ont cependant déclaré la Cour compétente pour les faits survenus dans les territoires palestiniens occupés, ce qui ouvre la voie à une enquête pour crimes de guerre.

L’administration du nouveau président démocrate Joe Biden n’a pas encore dit si elle comptait abandonner les sanctions à l’égard de Fatou Bensouda, qualifiées par cette dernière « d’inacceptables ».

© ANP/AFP/Archives
La procureure générale de la CPI Fatou Bensadou en juillet 2019 à La Haye

Mme Bensouda a derrière elle un bilan mitigé, même si, selon des spécialistes, elle a élargi la portée de la CPI.

Sous sa direction, l’ex-président ivoirien Laurent Gbagbo a été innocenté de crimes contre l’humanité, tandis que l’ex-vice-président de la République démocratique du Congo, Jean-Pierre Bemba, a été acquitté en appel.

Le Kényan Uhuru Kenyatta a également vu des accusations de crimes contre l’humanité abandonnées.

Mais Mme Bensouda a récemment obtenu des condamnations très médiatisées à l’encontre de Dominic Ongwen, un enfant soldat ougandais devenu commandant de l’Armée de résistance du Seigneur, et du chef de guerre congolais Bosco Ntaganda.

La CPI est la seule cour permanente pour les crimes de guerre au monde. Elle a souvent été critiquée pour avoir essentiellement pris en charge des affaires de pays africains.