[Enquête] 5,5 milliards : La SODAV ‘‘clean’’, le ministère (Culture) auteur de la pagaille pro-informel

De gauche à droite : Ngoné Ndour, PCA de la SODAV; Ali Bathily, directeur de la SODAV; et Abdoulaye Diop, ministre en charge de la Culture

Tract – L’éditorial du fondateur de Tract.sn et directeur général d’Axes & Cibles Com, Ousseynou Nar Gueye, sur la question de la répartition ubuesque des 3 milliards et celle à venir des 2,5 milliards octroyés par l’Etat au secteur culturel (LE PAATHIO IRRESPONSABLE ET INCONSÉQUENT DES ACTEURS CULTURELS SÉNÉGALAIS AVEC LES 5,5 MILLIARDS OFFERTS PAR L’ETAT) a suscité de nombreuses réactions dans le milieu des acteurs culturels.

Et aussi des messages en direction de la rédaction de Tract et demandes d’entretiens avec nous. De nos recoupements, il ressort que sur les premiers 3 milliards octroyés en juin 2020 aux acteurs culturels, desquels 1,5 milliard avait été remis à la SODAV comprenant 500 millions pour la filière musique, voici ce qui s’est passé : après que la SODAV ait commencé à distribuer à ses ayant-droits la somme très exacte et égalitariste (donc inéquitable) de 127 500 FCFA, le ministère en charge de la Culture lui a demandé d’arrêter la répartition et de lui restituer le reliquat. C’est ainsi que la SODAV a retourné par chèque au ministère de la Culture et de la Communication plus de 500 millions de FCFA, soit exactement un chèque de 532 570 673 FCFA libellé au nom de MANIFESTATIONS CULTURELLES/CABINET. Toutefois, on peut reprocher à la SODAV d’être restée muette sur cette restitution de chèque au ministère. Toutefois, il s’avère que la SODAV n’a jamais été pour cette répartition tong-tonguesque aux montants misérabilistes, mais plutôt pour la mise en place de mécanismes structurants avec ces milliards de l’Etat.

C’est ainsi qu’il il nous revient de source fiable et proche du dossier que lors de l’audience accordée par Mahmoud Saleh, directeur de cabinet du président Sall, la hiérarchie de la SODAV avait demandé que ces premiers 3 milliards servent à mettre en place un fonds de garantie, qui permettrait de faciliter la demande de prêts pour des projets bancables par les acteurs culturels. Les demandes déraisonnables de certains acteurs, notamment celle de l’OMART (Observatoire de la Musique et des Arts du Sénégal) présidée par Abdoulaye Mamadou Guissé , et celle de l’AMS fondée en 1999 et successivement présidée par le guitariste-producteur Aziz Dieng (désormais un habitué du fonctionnariat dans les cabinets du ministère en charge de la culture) puis actuellement par le lead vocal du groupe Oriazul, Daniel Gomez, ont conduit à cette situation ubuesque : distribuer des milliards en des montants égaux à un paquet de cacahuètes à des milliers d’ayant-droits, pour qui cela ne bouche aucun trou.

La Sodav, qui comptait 7 683 membres à sa création en 2015, si elle abrite en son sein les acteurs (et les œuvres) relevant des domaines Dramatique, Arts graphiques et photographiques, Littéraire , Audiovisuel , Musical, n’est pas moins totalement dépendante de la musique, qui représente 90% de ses entrées de redevances. Il est donc injuste que le monde musical pâtisse ainsi, dans cette aide de l’État qui finit en coup d’épée dans l’eau et en pantalonnade. De plus, si cette première aide de 3 milliards a été rendue possible, c’est assurément grâce à la mobilisation du secteur musical, qui à travers la CAM (Coalition des Acteurs de la Musique) a réussi à tordre le bras à Macky Sall. En 2019, pour les membres auteurs, il y avait 6792 appartenant à la section musicale, 493 membres appartenant à la section Arts visuels, 612 membres appartenant à la section littéraire/littéraire en émission, et 360 membres appartenant à la section dramatique/audiovisuel. Injuste donc ! Et pourtant, la musique est un intrant dans tous les autres arts vivants !

La CAM et ses membres ont dénoncé le comportement des associations du secteur culturel auxquelles le ministère de la Culture et de la Communication a choisi de remettre fin juin 2020 les chèques d’un total de 3 milliards d’appui : ces associations n’en ont fait qu’à leur tête, ponctionnant l’argent à remettre aux ayants-droits ou accordant de l’argent à des personnes qui n’ont rien à voir avec le secteur culturel (voir article par ailleurs) ! C’est ainsi qu’échaudé par la première distribution (ou non-distribution plutôt !), la SODAV a décliné de recevoir de l’argent pour les 2,5 milliards octroyés par le président Sall le 24 décembre dernier. Elle a demandé au ministère de prendre ses responsabilités pour remettre l’argent lui-même aux bénéficiaires, insisté pour la mise en place d’une commission de veille composée des acteurs culturels qui vérifierait la bonne répartition des sommes et demandé que rien ne soit donné par le canal des associations (à la représentativité discutable) du secteur culturel.

Làs, rien de tout cela n’a été fait : le ministère en charge de la Culture est passé outre et la toute nouvelle directrice des Arts Khoudia Diagne qui étrennait ses fonctions, est venue parader dans la presse pour expliquer que se passera exactement comme la première fois. Morale de l’histoire : le ministère en charge de la Culture a promu l’informel et le maintien dans l’informalité du secteur culturel Pourtant, s’il y a un sous-secteur qui pouvait bien devenir une industrie culturelle au Sénégal, avec une chaîne de valeur complète, c’est celui de la musique. En 2006, déjà, sous le président Abdoulaye Wade, dans le cadre d’un accord avec la Banque mondiale, il était prévu par l’Etat du Sénégal d’installer dans notre pays une sorte de « Nashville » (à l’image de cette capitale de la musique américaine dans l’Etat du Tennessee).

Quinze ans plus tard, rien de tout cela ne s’est réalisé. Et comme pour le football sénégalais dont les stars brillent dans les championnats européens alors que le championnat sénégalais est une vaste blague par son insignifiance, nous avons le triste record de détenir plusieurs stars internationales de la musique venant de notre pays sans qu’une industrie musicale digne de ce nom n’arrive à se mettre définitivement sur pied au Sénégal.

Damel Mor Macoumba Seck

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