Enfin ! Une preuve de vie « fiable » de Paul Biya, après son absence publique de 35 jours et 848 cas de coronavirus au Cameroun

C’est le très sérieux quotidien Washington Post qui posait la question hier jeudi 16 avril, date de la réapparition du président- fantôme du Cameroun : « Paul Biya était-il calfeutré à la maison dans son village de Mvomekaa ? Ou était-il dans son hôtel suisse préféré ? »  Le pays helvète étant jusqu’à peu sa résidence de longue villégiature à l’étranger préférée, avant que des manifs d’opposants camerounais devant son hôtel à Genève stoppent ces séjours suisses.

Cela faisait 35 jours que personne n’avait vu le président du Cameroun – ou, du moins, 35 jours que personne n’avait révélé où il se trouvait – et les habitants du pays de Roger Milla avaient des questions.
« Président, êtes-vous vivant? » a ainsi demandé un internaute sur Twitter.

 

L’absence publique de Paul Biya – qui, à 87 ans, est le chef d’État le plus âgé en Afrique – en pleine pandémie de coronavirus a alimenté l’indignation, l’inquiétude et les théories les plus loufoques avant que l’homme fort du palais présidentiel d’Etoudi n’apparaisse ce  jeudi 16 avril, sur une photo où il pose avec l’ambassadeur de France au Cameroun.

« Au menu de notre échange cet après-midi: la gestion de la pandémie de COVID-19 au Cameroun, en France et dans le monde », a tweeté Biya.

« Vous vous êtes levé de votre lit? » a écrit un Twitto en réponse.

« Nous ne vous demandons pas de recevoir des gens », a déclaré un autre. « Nous vous demandons de vous adresser à la nation. »

La photo a fait surface un jour après que Maurice Kamto, principal rival politique du président, a appelé le parlement camerounais à déclarer une vacance de pouvoir et à organiser de nouvelles élections.

L’éminent opposant, qui a défié Biya lors de la course présidentielle de 2018, a cité la constitution du pays, qui stipule qu’une élection doit se tenir dans les 40 jours suivant la mort, la démission ou «l’incapacité permanente» du président.

« Les Camerounais s’attendent à ce qu’il s’adresse à la nation, leur dise exactement ce qui se passe, partage sa vision », a déclaré Kamto au Washington Post. «Cette photo est-elle réelle? Authentique? Je ne sais pas. »

Christophe Guilhou, l’ambassadeur de France, a retweeté l’image, qui montrait les hommes assis sur des canapés crème séparés.

Ni lui, ni la présidence camerounaise n’ont répondu aux demandes de commentaires du Washington Post.

Les scandales de photos photoshoppées impliquant le président Biya ont nui à la confiance dans le passé, a déclaré Doris Toyou, une avocate camerounaise installée à New York.

Une photo manifestement manipulée de Biya lors des funérailles de soldats tombés au combat est apparue sur le site Internet présidentiel en 2015 (il était en Europe, pas au Cameroun lors de l’événement).

« La photo a été modifiée illégalement par quelqu’un qui a réussi à pirater le site », avait alors déclaré le ministre camerounais de la Communications à France 24.

Les gens veulent plus que des preuves d’une rencontre avec l’ambassadeur de France, a déclaré Toyou. « La question reste la même », a-t-elle poursuivi « Est-il capable et désireux d’exercer une fonction présidentielle? »

Les citoyens se demandaient: la main de Biya est-elle vraiment celle qui signe ses décrets présidentiels? Qui se cache derrière ses publications sur Facebook?

Sur les réseaux sociaux, les Camerounais ont exigé de l’entendre parler de l’épidémie croissante sur leur sol. La nation a enregistré 848 cas et 14 décès. Les aéroports sont fermés. Les écoles et les lieux de culte ont fermé.

Les ministres de Biya ont pris la parole depuis que le premier cas est apparu le 6 mars. Le ministre de la santé tweete des mises à jour quotidiennes en anglais et en français.

Le silence est un contraste frappant avec d’autres approches présidentielles de covid-19.

Le président sénégalais Macky Sall a dévoilé une vidéo de lui-même se lavant les mains. Le président ougandais a publié des images de son entraînement en salle. Le président guinéen Alpha Conde a prononcé un discours avec des masques faciaux protégeant ses microphones.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson, qui a passé une semaine en soins intensifs avec un cas grave de virus, a autorisé des caméras à le filmer ce mois-ci dans un lit d’hôpital.

«Pendant cette pandémie, chaque pays du monde doit entendre son chef d’État», a déclaré Kamto, le chef de l’opposition camerounaise.

Les chances du Cameroun de déclarer une vacance de pouvoir sont minces, voire nulles. L’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, qui traitent ces questions, sont sous la coupole de membres du parti de Biya.

Ils l’ont défendu au fil des décennies – Biya a pris ses fonctions en 1982 – malgré des allégations de brutalité militaire, d’élections truquées et d’un temps extraordinaire consacré à des voyages privés à l’étranger – alors même qu’un soulèvement séparatiste et des attaques de Boko Haram ont secoué le pays.

Biya a passé un tiers de son temps à l’étranger en 2006 et 2009, selon un rapport largement partagé de l’Organized Crime and Corruption Reporting Project, un groupe international de journalistes d’investigation.

Lors de certains de ses séjours en Suisse, les Camerounais du pays ont manifesté devant son hôtel préféré: l’InterContinental Geneva. At-il été là récemment?

« Je n’ai aucune information », a déclaré une réceptionniste au Washington Post avant de raccrocher.

Biya est connu pour prendre de longues pauses loin des yeux du public, a déclaré Jeff Smith, directeur fondateur de Vanguard Africa, une organisation à but non lucratif pro-démocratie.

« Il n’est pas rare d’entendre des Camerounais se plaindre du fait qu’ils ont un » président fantôme «  », a-t-il déclaré.

Cependant, Smith a ajouté: « son absence est vraiment assez choquante à une époque où le Cameroun a connu le plus de cas et de décès dus au coronavirus dans toute l’Afrique centrale ».

Tract, qui a visité le fil Twitter de Paul Biya, a constaté que sa publication était likée plusieurs milliers de fois et des partisans du président camerounais saluaient avec des mots enthousiastes « la maestria » (celle du silence bavard et des réapparitions sans tambours ni trompette) avec laquelle il réagit à cette énième tempête dans un verre d’eau : « le silence n’est pas une faiblesse » a pu déclarer Paul Biya dans le passé. Un silence de cathédrale donc en direction de ses mandants, comme souventes fois, chez Paul Biya, qui dans sa jeunesse, était promis à la carrière de prêtre. Il aurait fait un magnifique cardinal.