Pire que Trump ? Le rappeur bipolaire milliardaire Kanye West, qui se compare à Jésus, lance sa campagne pour la présidentielle américaine, en larmes

Le Mozart du rap est marié à Kim Kardashian et au succès. Mais sa candidature à la Maison-Blanche tourne au naufrage. Paris Match, lu par Tract, relate son lancement de campagne pour la présidentielle américaine.

« Je ne vais pas mettre ma réputation au service d’un type pareil, déjà milliardaire et qui n’a pas besoin de moi. » Shakem Akhet est noir et ex-militant Black Lives Matter. Régulièrement, il organise des soupes populaires dans son foyer, le Community Resource Center North Charleston. Il y a quelques semaines, un proche de Kanye West le contacte pour lui proposer de rejoindre la cause du rappeur qui, le 4 juillet, jour de fête nationale américaine, a déclaré sa candidature à la présidentielle.

« Je connais beaucoup de monde dans le coin, nous raconte Shakem, et mon interlocuteur me demandait si je pouvais l’aider à créer un mouvement de soutien en sa faveur. J’ai dit d’accord. » Il est alors persuadé que la star peut « apporter quelque chose de positif » au débat national. « En ce moment, nous avons deux candidats, Trump et Biden, qui sont blancs et âgés, poursuit-il. Kanye est noir et jeune. Il a des idées nouvelles qui peuvent élargir l’électorat et pousser les jeunes à se rendre au bureau de vote le 3 novembre prochain », jour du scrutin. Mais, aujourd’hui, Shakem a changé d’avis. Et il n’est pas le seul : tous les soutiens potentiels de Kanye que nous avons contactés se sont défilés. L’un d’eux, Steve Kramer, président de Get Out the Vote (« Pousser les électeurs à aller voter »), association basée en Louisiane, nous a même répondu par un « No thanks ! » courroucé, avant de nous raccrocher au nez.

C’est bien la première fois qu’on doute du talent de Kanye West. Jusqu’à présent, tout lui avait réussi. « C’était un enfant à part », confie à Paris Match Ulysses Blakeley, qui, au début des années 1980, a vécu trois ans avec lui et sa mère, Donda, dont il était le compagnon. A l’époque, Donda vient de divorcer du père de Kanye, Ray West, ancien membre des Black Panthers devenu photojournaliste à l’« Atlanta Journal-Constitution », le grand quotidien de l’Etat de Géorgie. Elle décide de refaire sa vie à Chicago. Kanye a 3 ans ; son beau-père l’accompagne au parc. Ingénieur, il lui apprend aussi à dessiner. « Il n’avait pas 5 ans quand il a réalisé ses premiers dessins en trois dimensions, se souvient Ulysses.

A cet âge, d’ordinaire, les enfants en sont encore à gribouiller. Un jour d’été où nous l’emmenions en voiture chez son père, il a commenté le paysage pendant tout le trajet. Il improvisait des vers, comme un rappeur, en free-style. Je me souviens de l’avoir entendu dire : “The trees are moving fast and become the past” [“Les arbres disparaissent et appartiennent au passé”]. Donda et moi l’écoutions, admiratifs. » Kanye est un enfant facile. « Il ne demandait jamais rien, il voulait tout faire tout seul », poursuit Ulysses qui se rappelle que, voulant accéder à un placard trop haut pour lui, le petit garçon avait ouvert les tiroirs d’une commode de façon qu’ils lui servent d’échelle.

Il se compare à Steve Jobs et parfois même à Jésus, surtout depuis qu’il est devenu « born again » (« chrétien régénéré »)

Kanye rêve alors de devenir joueur de base-ball. Contrairement à la légende selon laquelle tous les rappeurs viennent de quartiers difficiles, il vit à Blue Island, un quartier sans histoires de la petite bourgeoisie noire de Chicago. « Il n’y avait ni drogue ni drame et je n’ai jamais entendu de dispute à la maison », témoigne Ulysses. Sa relation est fusionnelle avec Donda, sa mère, femme brillante et indépendante. Professeure d’anglais à l’université d’Etat de Chicago, elle est bien décidée à ce que le génie de son fils soit reconnu. Quand elle l’inscrit à l’académie artistique de Chicago, le directeur demande au gamin : « Veux-tu devenir artiste plus tard ? » Réponse de Kanye : « Monsieur, je suis déjà un artiste. » Il a 5 ans et ne doute de rien. Dix ans plus tard, il compose ses premières chansons. A 21 ans, rêve réalisé : il devient une star dès son premier album, « The College Dropout », suivi de neuf autres qui lui vaudront une pluie de récompenses, dont 21 Grammy Awards.

Celui que la critique qualifie de « Mozart américain du rap » se vit comme un touche-à-tout. Il se compare à Steve Jobs et parfois même à Jésus, surtout depuis qu’il est devenu « born again » (« chrétien régénéré »), il y a quelques années. Il s’intéresse depuis toujours à la mode et s’allie à Adidas pour créer la marque Yeezy, ce qui fait de lui un milliardaire. Roi du buzz, Kanye est aussi devenu une star de la télé-réalité, en mai 2014, en épousant Kim Kardashian : les préparatifs du mariage, à Paris puis à Florence, font l’objet de l’épisode final de la neuvième saison de « Keeping Up with the Kardashians » (« L’incroyable famille Kardashian », qui continue à fasciner les Américains). En 2015, juste avant la cérémonie des Michael Jackson Video Vanguard Awards, où il doit être récompensé, Kanye a une nouvelle révélation… sous la douche, cette fois. « D’habitude, j’y trouve l’inspiration pour mes futures chansons, racontera-t-il. Mais là, tout à coup, je me suis dit : “Tu vas te présenter à la présidence des Etats-Unis.” Et je me suis mis à rire de façon hystérique. » Lors de la cérémonie, diffusée en direct sur MTV, il annonce sa décision. Tout le monde croit à une nouvelle foucade.

Comme Trump, il a compris que, dans l’Amérique d’aujourd’hui, le capital le plus important est celui de la célébrité

Kanye West va finalement s’abstenir de se présenter, pour une raison simple : il est littéralement fasciné par Donald Trump, qui vient de lui griller la politesse. Dès novembre 2016, Kanye vient le voir à la Trump Tower et pose devant les photographes, sans dire un mot. Il n’est pas au mieux de sa forme, car il sort d’un hôpital où on lui a révélé qu’il est bipolaire, trouble mental qui se caractérise par une alternance de phases de surexcitation et d’abattement. Deux ans plus tard, il s’affiche de nouveau avec le président, dans le bureau Ovale. Cette fois, il porte une casquette rouge « Make America Great Again » et fait le show devant un Trump ravi, qui se sert de lui et de son influence auprès de l’électorat noir.

A cette époque, Kanye se sent tout-puissant et n’a peut-être pas tort. Comme Trump, il a compris que, dans l’Amérique d’aujourd’hui, le capital le plus important est celui de la célébrité. Or, Kanye est suivi par plus de 30 millions d’abonnés sur son compte Twitter, tandis que Kim Kardashian en compte 66 millions. Comme Trump, Kanye est riche. Il roule en Lamborghini Urus noir mat et possède une flotte de jets privés. Et, comme Trump, il s’est toujours distingué par ses choix politiques atypiques. Il ne vient pas du sérail, n’a jamais voté, et il déteste le Parti démocrate, qui, selon lui, considère le « vote noir » comme acquis, alors que rien n’a changé sous la présidence Obama pour la communauté afro-américaine. Certains, comme le milliardaire Elon Musk, soutiennent les ambitions présidentielles de celui qui se rêve en Trump noir. Sauf que n’est pas Trump qui veut.

Il promet, s’il est élu, de gérer l’Amérique comme la nation du Wakanda du film « Black Panther »

Kanye West pilote aujourd’hui sa campagne depuis le West Lake Ranch, aussi appelé « Yeezy Campus », domaine de 1 600 hectares dans le Wyoming où il s’est réfugié seul, sans Kim, mais en compagnie de quelques amis – dont Justin Bieber, passé le voir à la fin de la semaine dernière. Il a nommé sa vice-présidente : Michelle Tidball, parfaite inconnue qui se présente comme conseillère spirituelle « portée sur la Bible et les maladies mentales », et qui habite à côté de son ranch. Il a délégué à un comptable fiscal, un certain Andre Bodiford, établi en Pennsylvanie, le soin d’officialiser sa campagne auprès des autorités électorales, sauf que l’adresse indiquée sur son document officiel n’existe pas : le courriel que nous avons envoyé nous est revenu.

Quelques jours après sa déclaration de candidature, il a appelé Randall Lane, rédacteur en chef de « Forbes », le journal de référence du business. Il aime bien ce magazine, qui l’a consacré milliardaire dans son classement des grandes fortunes. De son interview, on retient surtout une étrange déclaration : il promet, s’il est élu, de gérer l’Amérique comme la nation du Wakanda du film « Black Panther », de Ryan Coogler. On note ses lacunes, notamment en matière fiscale (« Je n’ai pas encore étudié le sujet mais je vais m’entourer des meilleurs experts ») et en politique étrangère (« Je n’ai pas d’avis mais je veux protéger l’Amérique »). Plus grave, on découvre sa méfiance vis-à-vis des vaccins contre le Covid-19. Kanye West est donc sensible aux théories du complot qui pullulent sur Internet.

Kim Kardashian implore le public de faire preuve de clémence à l’égard de ce Mozart bipolaire

Le premier meeting de campagne qu’il organise, le dimanche 19 juillet à North Charleston, en Caroline du Sud, tourne au désastre. Vêtu d’un bizarre gilet pare-balles estampillé Security, Kanye se lance dans un singulier discours contre Harriet Tubman, héroïne noire de la lutte contre l’esclavage, avant de s’effondrer en larmes en confiant qu’il a, en 2012, empêché Kim d’avorter de leur fille North. Les jours suivants, il ajoute à la confusion dans une série de Tweet – vite effacés – dans lesquels il attaque sa belle-famille et déclare qu’il va demander le divorce… En fait, il se contentera de faire un tour à l’hôpital local pour « soigner son anxiété », dixit un proche…

Ulysses Blakeley, son ex-beau-père, affirme que Kanye ne s’est toujours « pas remis » du décès brutal de sa mère, Donda, en 2007. Kim Kardashian implore le public de faire preuve de clémence à l’égard de ce Mozart bipolaire et semble avoir été entendue puisque, dimanche dernier, Kanye s’est excusé auprès d’elle sur Twitter… tout en affirmant, dans un autre message : « Je battrai Biden. » Sa candidature est créditée de 2 % des voix par Redfield & Wilton, le seul institut de sondage à s’y intéresser. Le milliardaire Elon Musk le pousse désormais à plutôt tenter sa chance en… 2024. Pour Shakem Akhet, notre activiste noir, la messe est dite. « J’ai refusé de lui parler après son meeting, en backstage. Je suis retourné dans mon “foyer”. J’avais mieux à faire. »