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Éloge funèbre pour Abdoulaye Wade

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Alors que la clameur de la vindicte peu à peu s’élève et grossit, qu’à l’humiliation de la défaite s’ajoute l’ironie ravageuse des moqueries et des pitiés assassines, Abdoulaye Wade goute ce soir l’amère réclusion des destins meurtris. Dans un dernier souffle de grandeur, celle-là qu’au cours d’une décennie entière pourtant, il  aura mise au supplice, il a appelé son adversaire victorieux pour le féliciter ;  préservant ainsi les derniers morceaux de notre démocratie.  Au moment où son œuvre démocratique, tant gangrenée, tant bafouée de  son propre fait de surcroît, tient malgré  des derniers jours houleux pour offrir une belle expression de fin, lui,  vit seul, reclus dans la magnificence douloureuse de son palais, dans la communion esseulée d’une famille endeuillée d’honneur et exclue des liesses du peuple.

Héros à la fleur de l’âge pour les engagements précoces, noble et sage avec la maturité dans des batailles qui fleurissent paradoxalement aujourd’hui, l’histoire , la cruelle histoire, s’attardera hélas sur une postérité entachée de faiblesse, une faiblesse humaine.

Je veux mes chers compatriotes, peuple grand quand les circonstances l’exigent, que ce grand moment que nous vivons soit étoffé par notre magnanimité commune. Il ne sied plus, pour les vertus d’élégances et de courtoisie, sans lesquelles aucune démocratie ne s’ancre dans la pérennité, que le vaincu le soit sans acharnement comme toutes les rumeurs collectives semblent prêtes à faire.

Il ne s’agit pas de blanchir un Homme. Ses fautes suffisent à l’accabler et à couvrir sa postérité du tissu maléfique des fautes impardonnables. Mais la singularité de notre nature humaine, admet le halo sombre, les tentations obscures ; c’est au final la condition même de l’homme que d’être ainsi constamment tiraillé par des mobiles ténébreux. Il serait simpliste voire laxiste de tout passer par invocation de cette décharge, il serait tout aussi bas et inconvenant de cracher dans un cercueil politique.

Dans cet Homme aux grandeurs hélas souillées, dans ce guide que nous avons eu, dans ce Macky Sall qui avait dopé notre espoir en 2000, porté notre fureur contre les rigidités des années de glace socialistes ;  dans ce crâne majestueux auquel nous avions confié le sabre de notre lutte, dans la folie des grandeurs de cet homme qui plaça notre petit pays sur un piédestal par son dynamisme ;  dans l’émission d’idée et de projet qui péchèrent de retard autant qu’ils scintillèrent de brio, dans la nature même physique de cet homme qui offre les plus belles formes de résistance physique, d’opiniâtreté, de ténacité, de vivacité, dans la somme de toutes ses vertus, nous ne devons, nous ne pouvons, condamner cet homme irréversiblement , tout balayer et jeter le bébé avec l’eau du bain. La grandeur d’âme  à laquelle nous sommes tenus à l’issue de nos liesses et de nos auto-gratifications, nous le commande, nous en conjure.

Ce qui conduit des Hommes politiques, à se soustraire des égoïsmes quotidiens de l’existence, à soumettre leurs âmes nues aux versatilités de l’opinion, est complexe à cerner et de fait, grandiose. A ces gens qui se nient et s’oublient, on doit de la courtoisie. La raison qui poussent ses hommes ordinaires dans sphères où ils ne le sont plus, est autant inexplicable que noble. Nous devons du respect à défaut d’admiration aux hérauts et aux bouches du peuple.

Nous avons, dans une attitude machinale que notre posture de profane nous fait adopter, le loisir de juger et de condamner, de commenter et d’encenser, des Hommes aux prises avec des fonctions délicates et des sujets sensibles. L’hommage qu’on peut leur rendre quelque soit la profondeur des abîmes qu’ils ont creusés, c’est de leur redonner leur costume d’homme banal, sujet aux faillites et aux échecs.

Je ne veux pas que la République, la grande royale qui veille à nos destinées, soit abonnée à toujours destituer dans le fracas et le retentissement, ceux qu’elle avait pourtant encensés et promus. Notre deuxième président Abdou Diouf, mis au placard en plein règne, désavoué et vaincu par l’exaspération nationale, a été gracié par la postérité et vanté comme modèle de probité. Un grand héros de la magnanimité en somme. Les peuples ont les mémoires ponctuelles, le souffle immédiat, le souvenir aussi rétrospectif que la longueur de leur cri de joies et de douleurs ; et au milieu de ce torrent, des hommes, assumant les charge au milieu de la furia, tanguent, tombent, meurent ;  il sied à mon goût qu’on ne haïsse pas les gens au-delà de la mort. Ça a le goût d’une petitesse d’âme qui ne cadre pas avec les belles conquêtes démocratiques que nous savourons aujourd’hui.

Le vieux ne s’était pas suffisamment assagi. A ses grandes œuvres palpables pour les édificateurs de bilan justes et lucides, il avait adjoint les grandes détresses des flores déracinées qui tombent. Tout dans le dernier semestre politique suggérait ce chaos de fin,  cette défaite aux allures pathétiques, isolant un Homme, pire sa famille, dans la retraite aux majestés vaines d’où elle mâchera la vie avec la plus collantes des souillures, la honte jusqu’au pied de la tombe. Le chemin n’est plus long hélas.

La nature le vainc. Le suffrage l’accable. Les songes et les pensées l’ensevelissent. La honte le ravage. La solitude, non son enfant renié, l’esseulement, l’achève et un destin d’Homme, s’abat dans le noir silence bruyant de la déception.

Pour ma part, je voudrais, un temps, me dissocier de la fureur collective, des joies gauches quoique nobles, des mots hostile qui percent comme un dépeçoir la  douceur d’un cœur. Je veux saluer l’entité humaine qui vit en cet homme. Il n’aura pas enjambé d’un entêtement final, le pas de non retour. Le coup de fil précoce à son adversaire, sentiment qu’il dut avoir dès le premier tour et bien avant, maintient la flamme de sa vie et de sa grandeur. Son regard que je me refuserais de voir, où des douleurs doivent baigner dans le lit des larmes, dans l’ensemble cadavéreuse de sa figure affecté déjà par le temps, est un portrait de fin. Plus éloquent que mille mots savants. Dans les introspections pour une fois lucides où il verra l’inconséquence de ses soutiens courtisans jusqu’au-boutistes, dans ses voix intéressées qui l’invitaient au malheur, il verra la mesure de l’abcès. Du formidable architecte, bâtisseur de la démocratie au destructeur fou, il y a une trajectoire riche qui s’ouvre vers des perspectives qu’aucun verdict ne peut trancher.

Il s’en va. Comme des voix proches qui s’éloignent dans le voile de la nuit noire avec des échos insoutenables. Gardez votre pitié, chers compatriotes – le plus horrible des sentiments humains c’est la pitié – domptez l’hostilité que vous lui portez, et sans excès, sans complaisance, jugez sa douzaine au trône. Il en jaillira sans nul doute, des perles.

Il est question de grandeur et de décadence, qui se sent légitime pour trancher ?

Que la vie vous soit légère Monsieur.

Elgas ©Tract Quotidien 2018 – www.tract.sn

(publié pour la 1èe fois le 26 mars 2012)

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