- Accusation de harcèlement et d'agressions sexuelles -

« Inconsciente sur le sol » : au procès Weinstein, Annabella Sciorra témoigne à la barre

Annabella Sciorra arrivant au procès d'Harvey Weinstein au tribunal de Manhattan, New York -AFP

La déposition d’Annabella Sciorra est un élément important du procès d’Harvey Weinstein, accusé de harcèlement sexuel et de viol… Au total, plus de 80 femmes, parmi lesquelles des vedettes comme Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou Léa Seydoux, ont depuis octobre 2017 accusé Weinstein de harcèlement et d’agressions sexuelles.

 

L’actrice Annabella Sciorra, la plus connue des femmes appelées à témoigner contre Harvey Weinstein lors de son procès à New York, a raconté ce jeudi 23 janvier en détails le viol et le harcèlement sexuel que l’ex-magnat d’Hollywood lui aurait fait subir dans les années 90, dans une déposition cruciale pour ce procès emblématique du mouvement #MeToo.

Interrogée d’abord par la procureure de Manhattan Joan Illuzzi-Orbon, l’actrice connue pour son rôle dans la série “Les Soprano” a expliqué par le détail sa première rencontre avec Harvey Weinstein, lors d’un dîner à Los Angeles au début des années 90, jusqu’à l’hiver 1993-94 où elle affirme qu’il l’a violée à Manhattan, puis ses efforts pour oublier ce qui lui était arrivé.

S’exprimant d’une voix posée pendant plus de trois heures, ravalant brièvement quelques larmes, l’actrice de 59 ans a expliqué comment le producteur – qu’elle a montré du doigt au début de sa déposition, assis en costume sombre au milieu de ses avocats – s’est d’abord montré courtois avec elle, dont la carrière commençait alors à décoller.

Mais les choses ensuite se gâtent, selon elle: il la presse d’accepter un rôle dont elle ne voulait initialement pas. Puis la menace de l’attaquer en justice si elle ne tourne pas le film rapidement. Il lui envoie du valium, qu’elle se met à consommer pour la première fois.

Weinstein pointé du doigt

L’agression supposée intervient après un dîner à Manhattan avec d’autres personnes, à une date non précisée: il propose de la raccompagner chez elle avec son chauffeur. Peu après avoir été déposée, alors qu’elle est en chemise de nuit et se prépare à aller dormir, on toque à la porte. Harvey Weinstein a alors forcé son entrée dans l’appartement, a-t-elle relaté. Elle assure lui avoir dit qu’elle ne voulait pas avoir de relation sexuelle avec lui, en vain.

Harvey Weinstein sort du tribunal de Manhattan. (New York, le 10 janvier 2020.) -Getty Images

Devant des jurés très attentifs, elle a levé les bras pour montrer comment Harvey Weinstein les aurait bloqués pour l’empêcher de se débattre. Elle dit avoir crié. Elle ajoute ne pas se souvenir exactement ce qui s’est passé ensuite, sinon qu’elle a repris ses esprits couchée sur le plancher.

Elle sombre dans la dépression, commence à boire et à se blesser volontairement en se coupant. Elle affirme avoir mis longtemps à comprendre qu’elle avait été violée. “Je voulais faire comme si cela n’était jamais arrivé. Je croyais que (Weinstein) était quelqu’un de gentil, qu’il était normal. J’étais troublée. Je me disais que je n’aurais pas dû ouvrir la porte”, a-t-elle expliqué. “À l’époque, je croyais que le viol était quelque chose qui se commettait dans des allées sombres….par quelqu’un qu’on ne connaît pas”, a-t-elle ajouté.

Un contre-interrogatoire ferme

La redoutée avocate de la défense, Donna Rotunno, a enchaîné avec un contre-interrogatoire, cherchant à semer le doute sur son témoignage et sur la crédibilité de cette accusatrice-clé.

Reprenant le récit d’Annabella Sciorra, Donna Rotunno a mis en avant des incohérences apparentes et imprécisions, comme les dates de cette agression présumée et d’autres rencontres avec Harvey Weinstein citées par Annabella Sciorra. Et souligné qu’elle était “actrice professionnelle”, et habituée à se présenter pour ce qu’elle “n’est pas”. Son contre-interrogatoire, courtois mais ferme, devait continuer jeudi après-midi.

Harvey Weinstein, resté tête baissée pendant l’interrogatoire de la procureure, s’est redressé pendant le contre-interrogatoire, observant attentivement son avocate. Le producteur de 67 ans risque la perpétuité s’il est condamné à l’issue de ce procès, prévu pour durer jusqu’au 6 mars.

Aussi essentiel que soit le témoignage d’Annabella Sciorra, son viol présumé est prescrit et ne fait pas directement l’objet de poursuites lors de ce procès, sinon pour convaincre les jurés que Harvey Weinstein était un prédateur “expérimenté”. Il est poursuivi pour deux autres agressions, une agression sexuelle forcée en 2006 sur une ex-assistante de production, Mimi Haleyi, et un viol en 2013 sur une actrice dont l’identité a été révélée mercredi, Jessica Mann.

Ces deux femmes devraient témoigner ultérieurement, ainsi que trois autres actrices. Au total, plus de 80 femmes, parmi lesquelles des vedettes comme Angelina Jolie, Gwyneth Paltrow ou Léa Seydoux, ont depuis octobre 2017 accusé Weinstein de harcèlement et d’agressions sexuelles. La plupart des faits sont cependant prescrits.

Tract (avec média)