Khalifa Sall : condamné aujourd’hui, libre d’être candidat demain

L’ET DIT TÔT D’O.N.G – Verdict attendu donc aujourd’hui dans l’affaire Khalifa Sall. Il ne fait aucun doute que le premier magistrat de Dakar, 62 ans, sera condamné ce vendredi. Le Procureur de la République a requis 7 ans de prison ferme. La peine minimale en cas de condamnation pour ces faits est de 5 ans. Modibo Diop de l’ASER, poursuivi pour détournement de deniers publics sous le magistère du Président Abdoulaye Wade avait été condamné à 5 ans de prison. Karim Wade l’a été par la CREI a 6 ans de prison, mais a conservé ses droits civiques, ainsi que l’a précisé l’alors ministre de la Justice Sidiki Kaba. Sauf que le candidat-par-voie- épistolaire Karim Wade se trouve depuis sa libération par grâce présidentielle dans un exil (forcé ? ) dont on ne sait quand il prendra fin. 5 ou 6 ans de prison, la condamnation de Khalifa Sall devrait être dans ces eaux là.

A la différence de ce qui s’est passé avec la CREI, où les décisions de la cour sont insusceptibles de recours, à la suite de sa condamnation annoncée, Khalifa Sall conservera toutes ses possibilités de faire appel du verdict. Verdict qui ne sera donc que la première étape d’une longue procédure, car les avocats de l’Etat comme de Khalifa Sall ont d’ores et déjà annoncé qu’ils feraient appel s’ils n’en sont pas satisfaits.

Khalifa Sall a d’ailleurs commencé les recours devant les autres cours compétentes sur son affaire. Il a ainsi saisi le tribunal de la CEDEAO, pour statuer sur sa détention qu’il estime arbitraire. Il aura le loisir d’aller demander une révision de ce verdict inéluctable devant bien d’autres cours, africaines et internationales. La condamnation attendue ne le déchoira pas de ses droits civiques, car cette condamnation ne sera pas définitive. Khalifa Sall, condamné aujourd’hui  après 5 semaines de délibération des juges, mais toujours libre d’être candidat à l’échéance qui obnubile toute le monde : la présidentielle du 24 février 2019.

 A cet égard, Khalifa Sall semble être le seul candidat, de l’opinion générale,  qui peut empêcher cette prochaine présidentielle d’être un règlement de comptes à OK Corral exclusif entre les enfants d’Abdoulaye Wade que sont Macky, Idy, Karim Wade, et autres Pape Diop. Et forcer le Président sortant à un deuxième tour. Second tour éventuel dont Khalifa Sall ne sera pas forcément le bénéficiaire. Idrissa Seck a d’ailleurs bien compris, depuis les législatives où il a été en coalition avec le maire de Dakar, qu’il y a avait une alliance objective d’intérêts entre l’opposition radicale dont il est le chef de file par défaut et Khalifa Sall.  Les autres challengers déclarés que sont Malick Gackou, Abdoul Mbaye, ou encore l’avocat Mame Adama Gueye ne sont pas crédités d’intentions de votes importantes et n’impriment pas dans l’opinion. On cherche encore l’outsider qui serait le Macron de cette élection : Ousmane Sonko ? Moustapha Guirassy ? L’affiche de la présidentielle de 2019 n’est pas encore cristallisée. Les jeux restent ouverts, malgré l’immixtion des juges dans le champ politique. Et en dépit de toutes les restrictions que le Gouvernement Macky Sall s’attelle à mettre en œuvre pour limiter les candidatures ou n empêcher certaines qui sont susceptibles de lui prendre beaucoup de voix : projet de loi sur les parrainages citoyens, casier judiciaire entaché pour les candidats Karim Wade et Khalifa Sall….

Le maire condamné de Dakar, clé d’un second tour en 2019 ?  Il reste à savoir comment il mènera campagne du fond d’une cellule à Rebeuss. Et si les Sénégalais sont prêts à voter en masse pour un candidat qui se trouve derrière les barreaux d’une cellule de prison. Conduire quelqu’un des barreaux de prison aux grilles du palais, il y a un pas que le bon sens des électeurs sénégalais ne leur permet pas forcément de franchir. La présidentielle de 2019 ne devrait pas être un référendum pour ou contre Khalifa Ababacar Sall, après que celle de 2012 ait été un référendum pour ou contre Abdoulaye Wade. La condamnation de Khalifa Sall sera bel et bien une entrave à sa résistible ascension. Tout le monde n’est pas Mandela.

Ousseynou Nar Gueye