La démission de l’ambassadeur de France à Dakar réclamée par un ex-conseiller français de Wade

Il s’appelle Emmanuel Desfourneaux. Il a été choqué par l’attitude d’Amadou Tidiane Wone « ex-démissionnaire », pour des raisons « in » avouées, de la médaille de l’ordre national de la légion d’honneur de France. Et pour cela, Desfourneaux a chauffé, pardon, a sorti sa plume pour mitonner sa colère contre l’ambassadeur de France à Dakar et son « confus capitulard » d’une honorification française. Ci-dessous le cri de coeur de petit-fils d’un « récipiendaire de la distinction de Chevalier de la légion d’honneur à titre posthume » publié, en premier, sur Seneplus. Desfourneaux a été conseiller au Commissariat aux Droits humains, alors logé à la présidence de la République et dirigé pr l’avocate Mame bassine Niang, du temps du régime Abdoulaye Wade.

DÉMISSIONNEZ AU NOM DE L’HONNEUR ET DU DROIT À LA VIE !

C’ est en ma qualité de petit-fils d’un récipiendaire de la distinction de Chevalier de la légion d’honneur à titre posthume que je m’adresse à l’ambassadeur, Philippe Lalliot.

Par l’Editorialiste de Seneplus, Emmanuel DESFOURNEAUX

Un de vos prédécesseurs a fait remonter une liste de futurs décorés dont fit partie l’ancien ministre de la culture de Me Abdoulaye Wade, Amadou Tidiane Wone. Ce dernier a démissionné à grand fracas de l’ordre national de la légion d’honneur et s’apprête à rendre insignes et attestations à votre ambassade.

Que diable contenait le mémoire de proposition en termes de services éminents rendus à la nation française par cet ancien ministre ? Aujourd’hui, reconverti en webactiviste selon ses propos, Amadou Tidiane Wone s’inscrit dans une jacquerie internétique et assumée contre la France. Il est coutumier du fait, incorrigible récidiviste, se laissant porter par le ressentiment anti-français et l’hostilité aux valeurs occidentales soi-disant « décadentes », rejoignant ainsi le club fermé de Jamra et de Pastef.

Monsieur Philippe Lalliot, je vous tiens pour responsable du déshonneur de cette restitution : vous êtes garant de la continuité de l’Etat français. Vous achetez la conscience et la loyauté de certaines personnalités africaines au nom de la politique étrangère de la France. Ces légions d’honneur, vous les dispensez, selon la citation Napoléonienne, à « vos militaires et vos savants » africains comme si vous étiez un distributeur automatique de boissons. Amadou Tidiane Wone, dans sa lettre à l’attention d’Emmanuel Macron, fait offense au droit à la vie, et donc aux héros morts pour la France. Vous lui avez permis d’être un demi-héros des médias sociaux. C’est impardonnable !

Alors que vous êtes muré dans le silence de votre fonction, je dois par votre faute sortir du bois pour défendre le droit à la vie. Amadou Tidiane Wone batifole avec l’amalgame sémantique. Il ne parle jamais d’attentat ! A l’endroit du décapiteur, il ne lui colle à aucun moment l’étiquette de terroriste. Seulement la qualification d’assassin de droit commun, ni meilleur, ni pire que les autres ! Il propage même la thèse complotiste selon laquelle cet « adolescent (sic) » aurait été illégalement abattu par les forces de police : il affiche sa préférence pour le droit à la vie d’un décapiteur au grand dam de celui d’une victime décapitée, avec un corps séparé de la tête à présenter à sa femme et son enfant ! Pour le démentir, quelques jours plus tard, à Nice, un nouveau terroriste ayant fait trois victimes innocentes a été appréhendé en vie par les forces de l’ordre. A fortiori la Cour Européenne des Droits de l’homme de Strasbourg veillera, si elle est saisie, à la conformité de l’usage de la force avec l’article 2 de la Convention.

Le droit à la vie est l’un des plus importants droits de l’homme, il ne saurait être mis en balance avec la liberté de la religion et la liberté d’expression. Toutes les civilisations, au-delà de leurs particularités cultuelles et culturelles, ne peuvent que partager cet axiome à défaut de tomber dans la déshumanisation et la bestialité. Pour ce qui concerne Amadou Tidiane Wone, je ne suis pas étonné qu’il n’en fasse peu de cas. Déjà lors du procès d’Hissène Habré, il avait placé le droit d’asile de la Teranga au-dessus du droit à la vie des victimes tchadiennes. Il avait même réclamé l’abandon des charges contre le bourreau au motif qu’il serait « une victime expiatoire de toute la déraison humaine qui a fait que l’Afrique est embourbée dans la pauvreté ». Amadou Tidiane Wone implorait le pardon et la réconciliation aux victimes tchadiennes ! Je n’ai pas vu une telle requête de mansuétude dans sa démission de l’ordre de la légion d’honneur.

La France, quant à elle, honore ses morts ; il était impensable qu’un professeur décapité en plein exercice de ses fonctions soit enterré en catimini ; la République lui a accordé la place qui lui était due surtout au nom du droit à la vie, non pas mort l’arme à la main, mais le stylo à la main. Il est vrai qu’au Sénégal les jeunes, sur pression des familles, inactions de l’Etat et duplicité internationale, se noient au large des côtes dans une indifférence au droit à la vie. Je préfère mille fois la théâtralisation républicaine des morts français avec le risque de récupération politique que la Place des Souvenirs transformée en bazar, d’après ce qui m’a été rapporté.

Je ne crois pas en l’acte héroïque de la démission de l’ordre de la légion d’honneur. J’ai plus de respect pour Jean-Paul Sartre qui l’a rejetée dès le début au nom de la liberté. Je ne reproche pas à Amadou Tidiane Wone sa colère légitime de musulman mais son absence d’acceptation supérieure du droit à la vie.

Monsieur Philippe Lalliot, je vous tiens pour responsable du déshonneur de cette restitution : vous représentez la politique française à l’étranger. Ne vous méprenez pas sur mes intentions, je ne défends nullement Emmanuel Macron (même si certains djinns mal intentionnés souffleront le contraire à l’oreille). Je me range derrière les propos sages du président sénégalais tenus lors du Forum de Paris sur la Paix. Je suis un homme de principe, je suis au milieu d’un segment et lutte contre ses extrémités.

Une majorité de musulmans, contrairement à un post confus d’Ousmane Sonko, pratique en toute quiétude leur religion en France. Seulement, nous partageons une singularité avec le Sénégal, nous débattons quotidiennement de religion. La loi sur les séparatistes est revenue mettre sur le tapis des palabres séquestrés par les extrémistes et leurs stigmatisations. Nous finissons par être prisonniers de la bataille des extrémistes et nous nous y engouffrons dangereusement. Tout ceci révèle une peur d’évoluer, de s’ajuster à un monde qui change. Les minorités en France issues de l’histoire coloniale bousculent l’ordre établi de l’homme blanc laïc. Sans approuver toutes leurs revendications, traitons-les avec plus de considération ! Il est possible de constater ce même processus au Sénégal où le féminisme conteste une société machiste. Le danger à moyen terme pour ces deux pays serait une jonction de circonstance entre les extrémistes connus et les néo-extrémistes défenseurs de l’ordre présent. Ces derniers se cachent sous les traits d’intellectuels, et se dénichent jusque dans les gouvernements et les administrations.

Je ne souhaite pas discuter ci-présent de religion même si à Dakar j’ai vécu les plus beaux moments de ma vie spirituelle. J’ai le souvenir d’une avant-veille de Tabaski à Ngor avec les ruelles drapées de linge blanc, les odeurs d’encens, sur fond du chant du muezzin et du soleil couchant. Permettez-moi d’insister plutôt sur le thème principal de mon édito : le droit à la vie. Il est inconvenant de requérir la reconnaissance au droit à la vie par nos partenaires historiques africains, si la France dans sa politique étrangère n’en a cure. Il est temps que l’ancienne puissance coloniale mette au cœur de sa politique étrangère ce droit, avant-même l’égalité des genres. Il est temps que nous soyons du côté des peuples africains. Avec la Côte d’Ivoire et la Guinée, nous avons manqué à notre devoir du droit à la vie après la mort de plusieurs manifestants. Il est temps que la France admette qu’elle a porté atteinte, dans son histoire, au droit à la vie des peuples colonisés. La colonisation doit être qualifiée de crime contre l’humanité. Cela demande du courage, mais dans la période actuelle nous avons besoin d’hommes politiques persévérants et nobles.

Les soldats de mon grand-père, des tirailleurs sénégalais, montèrent une garde pieuse de son corps en témoignage de sa bravoure alors que les combats faisaient toujours rage. Fort de son modèle, je vais sur le terrain pour apporter la réplique malgré les critiques acerbes auxquelles je m’expose sur un sujet si clivant. Je n’écris pas pour le présent hystérique mais pour un avenir apaisé où la raison humaine reprendra le dessus ! Et vous, monsieur Philippe Lalliot ? Allez-vous vous conduire en homme courageux et réagir à la démission humiliante d’Amadou Tidiane Wone : renoncer à vos charges pour l’honneur de la communauté diplomatique française (qui a commis une erreur d’appréciation).

Je suis ma liberté !