Du fait de sa démographie, le continent africain a besoin de créer des emplois. Le think tank américain Brookings Institution a repéré deux secteurs prometteurs.
Le début des années 2000 marque un tournant en Afrique. Pour de nombreux pays, c’est le début d’une forte croissance économique, synonyme entre autres de progrès considérables en matière de lutte contre l’extrême pauvreté. Plus de quinze ans plus tard, le constat est un peu amer pour certains. Car la dynamique a laissé de côté un facteur indissociable à l’enrichissement d’un pays : l’emploi. La croissance n’a en effet pas profité à la population en âge de travailler, trop importante par rapport au nombre d’emplois créés. C’est le constat des dernières recherches sur le sujet du think tank américain Brookings Institution.
Le secteur informel, ce vivier d’emplois dont il faut tenir compte
Au cours de la période 2000-2014, l’élasticité moyenne de l’emploi dans les pays africains – qui mesure la réactivité de l’emploi à la croissance de la valeur ajoutée – était de 0,41, inférieure à l’idéal de 0,7 qui permet la croissance à la fois de l’emploi et de la productivité. Pour absorber les jeunes entrant sur le marché du travail, l’Afrique doit créer 12 à 15 millions d’emplois par an. Face à cette situation, les Africains se tournent donc vers l’informel. Pour les analystes, une tendance est même en cours sur le continent. Les jeunes employés dans l’agriculture sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les services informels, à faible productivité.
Le poids du secteur, s’il est difficile à mesurer, est indéniable : selon la Banque africaine de développement (BAD), il représenterait près de 55 % du produit intérieur brut (PIB) cumulé de l’Afrique subsaharienne. Au Cameroun et au Sénégal, il emploierait près de 90 % des personnes actives, 80 % en Afrique du Sud, et 50 % en Éthiopie selon une enquête de l’Agence française de développement (AFD) réalisée en 2006. Le poids du secteur fait de l’ombre au secteur manufacturier, un domaine pourtant « essentiel à la transformation structurelle » d’une économie, comme cela l’a été en de l’Asie de l’Est, estime Brookings Institution. Depuis les années 1970, la production manufacturière de l’Afrique a stagné à environ 10 % du PIB. La part de l’emploi dans le secteur manufacturier, elle, est encore plus faible.
Tourisme et TIC, ces secteurs prometteurs à suivre
Le tournant de l’industrie manufacturière est donc mal engagé sur le continent. Mais ce retard peut être rattrapé grâce au développement d’autres secteurs, que les chercheurs de Brookings appellent « les industries sans cheminées ». Des secteurs qui partagent les mêmes caractéristiques que le secteur manufacturier, comme le fait d’être commercialisable, d’employer une main-d’œuvre peu ou moyennement qualifiée, ou d’être ouvert au changement technologique et à l’innovation. « L’agro-industrie, l’horticulture, le tourisme, les services aux entreprises, le commerce de transit et certains services basés sur les technologies de l’information et des communications (TIC) » constituent d’après l’Institut mondial pour la recherche en économie du développement de l’Université des Nations unies (UNU-WIDER), cité par l’étude, une alternative réaliste. À terme, ces industries pourraient même jouer le même rôle dans la transformation structurelle de l’Afrique que celui du secteur manufacturier en Asie du Sud-Est.
Pour le think tank américain, qui a évalué ces secteurs à la loupe, le tourisme et les TIC sont parmi les plus prometteurs. La raison ? L’augmentation assurée de valeur ajoutée du PIB, de 6 % en 2000 à plus de 10 % en 2015 pour les TIC d’après le pays échantillon. Autre point positif, l’élasticité des deux secteurs, à 0,7. Soit le chiffre idéal, qui montre aussi l’intérêt croissant des investisseurs pour ces deux secteurs d’activité. Le tourisme, en particulier, se porte de mieux en mieux. L’an passé, le continent a accueilli sur son sol 67 millions de visiteurs, d’après le dernier rapport sur le sujet publié par Jumia Travel fin septembre. Le chiffre, en hausse de 7 % par rapport à 2017, fait de l’Afrique la deuxième région du monde où la croissance du secteur est la plus forte, après l’Asie-Pacifique.
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Si pour les TIC, l’intérêt est tout aussi grandissant, les compétences de la population y ayant accès sont encore insuffisantes, explique l’Union internationale des télécommunications (IUT) dans un rapport publié il y a un an. Un frein au développement du secteur, où les opportunités de travail ne manquent pas. Informatique, agriculture, santé, énergies renouvelables, ou encore éducation… Un étudiant formé aux TIC pourra mettre à contribution ses compétences dans de nombreux domaines. En Afrique, les deux secteurs n’emploient en revanche que 5 % de la population active. Soit une marge de progression considérable à exploiter par les autorités.