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Lettre ouverte à SEN TV : Les cerveaux des femmes doivent servir pour le développement du Sénégal (Salimata Ndoye Sall)

Publié le

Cette lettre ouverte s’adresse à l’animatrice madame Aissata Ndiathié de l’émission Ndoumbélane sur SEN TV, mais aussi  à toutes les chaînes de télévision du Sénégal : « Les cerveaux des femmes doivent servir pour le développement du Sénégal »

Après avoir reçu trop de suggestions d’amis à propos de l’émission Ndoumbélane du 30 mars 2018 sur SenTv dont le thème est : « 58 ans d’indépendance, à qui la faute si le pays n’émerge pas? », j’ai fini par l’écouter sur YouTube le lendemain. Comme mes amis, j’ai bien apprécié la qualité des échanges sur des enjeux déterminants dans une des langues nationales du pays, le wolof. Très salutaire. Contrairement à mes amis tous de sexe masculin, mon appréciation est ternie par une observation qui me semble chronique pour finir par devenir aveuglante pour beaucoup de Sénégalaises et de Sénégalais, l’invisibilité des femmes sur les espaces de réflexion, sur les enjeux développementaux de ce pays. Leur espace dédié est celui du divertissement pour la plupart du temps.

Ma remarque n’est pas une critique mais un cri d’urgence que j’adresse à la société entière, à toutes les chaînes sénégalaises, aux animateurs et animatrices d’émission, pour régler la question de l’invisibilité des femmes dotées de capacités de réussite, d’imagination, de créativité et d’ingéniosité sur le Sénégal. On se doit, au XXIème siècle, d’être sensibles à la visibilité des femmes à côté de celle constante des hommes, à l’expression du potentiel des femmes à côté de celle des hommes. Faisons place aux femmes dans les sphères de débats, de décisions sociales, politiques, économiques et culturelles. Je conçois très mal qu’on puisse parler de bilan d’après l’indépendance à aujourd’hui, de développement, d’échec, d’avenir du Sénégal, sur un plateau d’invités exclusivement masculins. Où sont les femmes de ce pays? Et ne me dites pas que l’animatrice est une femme. Elle n’est pas là pour répondre sur les enjeux de ce pays, comme son collègue ne serait pas à la barre de l’animation pour le faire, non plus, elle est là pour poser des questions et donner la parole à ses invités. Nous avons, au Sénégal, des femmes ayant de grandes responsabilités, des modèles pour les filles et les garçons, des femmes cheffes de ménage, des femmes d’affaires, des actrices de développement, etc. Toutes les femmes n’étaient pas occupées à faire la parade dans les cérémonies, à gaspiller de l’argent et à cultiver le culte de l’apparence lors de l’enregistrement de l’émission? Ce point de futilité de l’apparence au féminin a été soulevé par monsieur Amadou Tidiane Wone dans l’émission. Certes, il existe et il est à combattre par la sensibilisation et l’éveil du potentiel des femmes, mais toutes les femmes ne tissent pas leur vie avec cette toile d’inutilité et de carence d’ambition pour elles-mêmes et leur propre pays. Personne n’a dit que c’est le cas d’ailleurs, mais la seule fois où j’ai entendu une allusion faite aux femmes, c’est sur ce point très réducteur. J’aurais aimé voir des invitées pertinentes nous démontrer le contraire, puisque des femmes qui partagent les réflexions ingénieuses, créatives, stimulantes et riches de certains parmi les invités existent dans ce pays. Tous les sujets débattus à l’émission n’échappent à aucun cerveau humain qui réfléchit et qui est sensible au développement du Sénégal. Ce cerveau-là peut être celui d’une femme comme celui d’un homme.

Par ailleurs, monsieur Cheikh Yérim Seck a parlé d’un problème bien sénégalais, notre manque de leadership comme une explication de notre retard en comparant le Sénégal au Rwanda, le bel exemple de développement fulgurant africain qui a aussi ses excès d’autorité peu enviable. J’ai envie de lui souligner un élément qu’il n’a pas vu, qu’il n’a pas nommé, notre manque de modèle de leadership avec une épithète que rares sont les yeux d’un homme qui le voient. Car tous les hommes n’ont pas les yeux d’Elgas ni ceux de Mohamed Mbougar Sarr, ces brillants écrivains très sensibles aux inégalités sociales à travers l’expression de leur humanité profonde, leur plume, envers les plus vulnérables à savoir les enfants et les femmes. Pour ne répondre qu’à ce point parmi ceux soulevés dans l’émission, je dis à l’ensemble des invités de sexe masculin qu’on manque non seulement de leadership mais surtout de leadership féminin. Au fait, j’argue ce qui pourrait être considéré opposé à la pensée de monsieur Cheikh Yérim Seck, on a eu trop de leadership masculin avec le résultat qu’on connait au passé et au présent. Alors, il est temps de changer la donne en faisant place aux femmes sur le leadership sénégalais pour un futur meilleur, en mettant à contribution le potentiel des femmes et celui des hommes. Il est temps de renverser la tendance coutumière de non-représentativité féminine sur les débats sociopolitiques.

 Qui dit absence des femmes verra forcément absence de réflexion sur les inégalités entre les sexes. Nul, parmi les invités intellectuels, n’a abordé la question des inégalités en dignité et en droit entre les femmes et les hommes, nul n’a abordé l’impact des femmes sur le développement. C’est à la fois frappant et révélateur de voir au Sénégal l’état des mentalités et l’état des idées en matière d’analyse de développement à travers les régimes présidentiels de messieurs Senghor, Diouf, Wade et Sall tout en faisant fi des femmes actrices de développement à part entière. C’est choquant de constater qu’il est possible de couvrir plus d’une heure d’émission, d’après ma source YouTube, avec des esprits instruits sans aborder les rapports de sexes, la contribution des femmes au développement, ou l’impact du manque de contribution de certaines femmes dépendantes des hommes, celles qui ont tu ou ont laissé taire leur potentiel au détriment du Sénégal.

Comme nous le savons, au Sénégal, certaines des inégalités flagrantes entre les sexes ne sont abordées qu’au mois de mars avant de demeurer aux oubliettes le reste de l’année. Pourtant, inscrites dans nos rapports quotidiens, les inégalités méritent qu’on s’y attarde constamment si on veut réellement être en cohérence avec le développement rêvé de ce pays. Leur occultation n’est que leurre sur le rêve des invités masculins de l’émission. L’autonomisation des femmes, leur empowerment, est la clé du développement dans une société républicaine. À mon avis de femme mais surtout d’humain, la dépendance, la vulnérabilité des femmes, demeure l’une des principales causes, pour ne pas dire la grande cause de notre sous-développement et de celui de beaucoup de pays africains. Les données scientifiques existent à cet effet. Tant qu’on n’a pas rompu le rapport de dépendance d’un humain adulte et en âge de travailler sur un autre humain adulte actif, ici le sexe importe peu, on ne pourra pas parler de développement au Sénégal. Le jour où les femmes et les hommes régleront cette problématique définitivement, on aura franchi un pas de géant. D’ici là que les femmes sénégalaises réclament et prennent leurs places, afin de contribuer au développement de ce pays en toute visibilité et de constituer des modèles pour la jeunesse. On ne peut pas se passer du poids démographique et cérébral des femmes, 52% de la population nationale, et penser faire dans le développement de ce pays. C’est impossible. C’est un mirage. On ne veut pas de l’exemple des pays « riches » et inégalitaires de ce monde, n’ayant pas la dignité des femmes comme préoccupation.

En espérant porter attention et sensibilité sur la représentativité des femmes et l’usage des cerveaux des femmes sur l’avenir du Sénégal avec ceux des hommes. La clé de notre développement.

Salimata Ndoye Sall

Travailleuse sociale

salimata.ndoye.sall@gmail.com

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