Levée record de 125 millions d’euros réussi par le Sénégalais Tidjane Dème (Partech Africa) pour ériger un marché panafricain de la Tech

Après un premier tour de table de 57 millions d’euros réalisé en 2018, le fonds Partech Africa double la mise en finalisant une seconde levée record qui vient surpasser tous les objectifs de départ.

D’une taille cible initiale de 100 millions d’euros, Tidjane Deme et Cyril Collon, les deux general partners du fonds Partech Africa, ont réalisé lors du second tour un closing final à 125 millions d’euros, devenant de facto le fonds de VC dédié aux start-up technologiques le plus important en Afrique sur les tours de financement en série A et B.

Un closing avec d’importants bailleurs de fonds

Au premier rang de la quarantaine de souscripteurs ayant participé au closing figurent plusieurs gros bailleurs de fonds traditionnels tels que la Banque européenne d’investissement (BEI), l’IFC (membre du groupe de la Banque mondiale), Averroès Finance III (fonds géré par Bpifrance et Proparco), ainsi que la Banque africaine de développement (BAD), la Banque allemande de développement KfW et enfin la Banque néerlandaise de développement (FMO). « Nous assistons aujourd’hui à la validation de l’opportunité tech africaine par tous ces bailleurs de fonds, qui n’avaient jamais investi dans cette classe d’actif-là auparavant. Je constate que ce sont des acteurs qui s’engagent généralement sur le long terme et qui aujourd’hui regardent l’écosystème et se disent : il y a quelque chose à faire et nous souhaitons y participer. L’implication de ces bailleurs de fonds permet aussi de mettre en lumière l’impact des entrepreneurs africains et nous sommes très fiers d’avoir contribué à positionner la tech africaine dans leur stratégie », explique ainsi Tidjane Deme.

Les investisseurs privés ne sont pas en reste

Côté corporate, Partech Africa est parvenu à intégrer dans son closing plusieurs grands comptes actifs en Afrique et dans les marchés émergents comme Orange, Edenred, JCDecaux, Bertelsmann, L’Oréal ainsi que les grandes entreprises africaines Axian. « Le marché accélère beaucoup plus rapidement que ce que l’on anticipait il y a trois ans au moment où nous lancions ce projet. L’ambition africaine est aujourd’hui réelle pour tout le monde. Pas seulement pour les entrepreneurs africains qui construisent des start-up incroyables, mais également pour les corporates qui voient en l’Afrique un terrain aux perspectives de développement important, où la tech est en train de chambouler beaucoup de pré-carré et des segments de marché », avancent Cyril Collon et Tidjane Deme pour analyser cet engouement.
Pour décrocher des contrats commerciaux et des partenariats stratégiques pour le compte des entreprises du portefeuille, Partech Africa se dotera également d’un pôle de business développement dont la mission sera d’exposer les start-up africaines aux marchés européens et américains à travers des mises en relation au quotidien. Le fonds s’appuiera également sur un pool d’expertise composé de plus de 25 entrepreneurs à succès qui se sont engagés à soutenir, via le fonds, une nouvelle génération d’innovateurs. « Il s’agit d’entrepreneurs qui viennent des écosystèmes africains, européens ou américains, qui ont réussi et qui veulent investir en retour pour contribuer à l’émergence d’une nouvelle génération d’entrepreneurs. Certains sont des entrepreneurs dont les sociétés ont été financées par Partech, d’autres non. »

Miser sur les jeunes pousses de la Tech

Pour Partech Africa, la thèse d’investissement est demeurée la même depuis le début de l’aventure commencée en 2016 : miser sur des start-up africaines qui utilisent la technologie pour transformer en profondeur des secteurs restés largement informels et peu efficients. De l’éducation à la mobilité, de la finance à la logistique en passant par l’énergie. C’est ainsi que le premier investissement réalisé par Partech Africa en 2018 (pour 3 millions de dollars ) le fut dans Trade Depot, une start-up nigériane spécialisée dans le retail B2B, qui aide les commerçants informels du Nigeria – de la petite échoppe de rue au centre commercial – à gérer leurs stocks et leurs livraisons logistiques de manière très fine. « La tech agit comme un enabler dans beaucoup de secteurs. Quand on investit dans Trade Depot, on sait que cela a un impact stratosphérique sur des dizaines de milliers de commerçants qui deviennent autonomes. »

Partech Africa signera la même année une seconde prise de participation beaucoup plus importante dans Yoco. Une fintech sud-africaine qui produit des terminaux de paiements et des logiciels de caisse pour les PME africaines informelles. Cette fois-ci, pour la bagatelle de 16 millions de dollars. « Nous croyons fortement que ce sont les entreprises informelles qui constituent toute l’économie africaine. Cette capacité des start-up à digitaliser les secteurs informels, à utiliser les données pour structurer les secteurs informels, impactera toute l’économie », prédit Tidjane Deme. Dans la foulée de son closing final, Partech Africa en a profité pour annoncer l’inauguration, après Dakar au Sénégal, d’un second bureau africain à Nairobi, avec l’arrivée de l’investisseur Ceasar Nyagah, le nouveau directeur d’investissement Partech Africa qui sera basé au Kenya. L’ouverture prochaine d’autres bureaux africains n’est pas exclue même si Partech Africa souhaite inscrire son expansion dans un temps long. « Nous avons comme projet de former plus de monde aux métiers de l’investissement en Afrique, cela fait partie de notre ambition », conclut Tidjane Deme. Une vision de très long terme que les deux investisseurs veulent exécuter méthodiquement en l’inscrivant sur plusieurs années.

Par Samir Abdelkrim*
Fondateur de la plateforme EMERGING Valley et de l’entreprise de conseil StartupBRICS, a parcouru une vingtaine d’écosystèmes numériques africains et en a tiré un livre, “Startup Lions, au coeur de l’African Tech”.