L’ex- Déléguée générale du Québec au Sénégal, dit n’avoir interdit l’usage du wolof « que lors des séances de travail »

L’ex-déléguée générale du Québec au Sénégal, congédiée, brise le silence. Fatima Houda-Pepin, est en désaccord avec les allégations du ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF). Qui a pris la décision de mettre fin à son mandat. Elle est revenue, entre autres,  sur l’interdiction de,  parler wolof, sa résidence, la publication du rapport de l’administrateur expert…

Voici in extenso son pamphlet contre sa tutelle, dont Tract a eu copie.

“Vous êtes nombreux à vous interroger sur mon silence depuis février dernier alors que je fais l’objet d’allégations graves et que le ministère des Relations internationales et de la Francophonie (MRIF) a pris la décision de mettre fin à mon mandat de déléguée générale du Québec à Dakar.

Je suis en profond désaccord avec cette décision, laquelle a été prise sans justification valable et alors que le ministère reconnaît ma compétence et le fait que je n’ai commis aucune faute.

Depuis mon entrée en poste, j’ai assumé les responsabilités de ma charge avec honnêteté, loyauté, et intégrité dans l’intérêt public et en conformité avec les orientations et les objectifs définis par le gouvernement du Québec.

Si je n’ai pas réfuté les allégations faites à mon égard, c’est par souci d’obtempérer aux instructions du MRIF de ne faire aucun commentaire. Le poste de déléguée générale est soumis à une obligation de discrétion qu’il m’importe de respecter par éthique professionnelle. L’ampleur des attaques publiques et leur impact sur mon intégrité, ma famille et mes proches me forcent, en l’absence de réponse du MRIF, à rectifier les faits compte tenu des dommages irréparables à ma réputation.

Redresser une situation préoccupante

D’entrée de jeu, je tiens à préciser que c’est moi qui, le jour même de ma prise de poste à la Délégation générale du Québec à Dakar (DGQD), le 25 novembre 2019, face aux constats préoccupants que j’y ai faits, ai écrit à la sous-ministre pour demander deux choses:

  1. l’envoi dans l’immédiat d’un administrateur expert pour faire l’état des lieux quant à la gestion administrative et financière prévalant à la DGQD pour «contribuer à redresser la situation de notre organisation»;
  2. l’embauche, dans les plus brefs délais, d’un administrateur permanent à la DGQD, comme cela est le cas dans d’autres délégations générales.

À force d’insistance, j’ai réussi à avoir le directeur adjoint des ressources humaines du MRIF, qui a effectué une mission à la DGQD du 6 janvier au 7 février 2020 et remis son rapport à la sous-ministre du MRIF dans la semaine du 10 février. La venue de cet administrateur expert, à ma demande, était nécessaire non pas pour enquêter sur le «climat toxique» que j’aurais instauré à la DGQD, mais plutôt pour documenter des pratiques constatées et faire des recommandations de nature à assurer le respect des normes attendues d’une délégation générale au niveau de la gestion administrative et financière.

Une résidence officielle non sécurisée

En juin 2019, avant mon entrée en fonction au MRIF, un professionnel du ministère avait été envoyé à Dakar pour évaluer la sécurité de la résidence officielle, et un rapport concluait qu’elle n’était pas sécurisée. Cette situation prévalant toujours à mon arrivée à Dakar, mon séjour à l’hôtel a été autorisé par le ministère. La résidence était de plus dans un état insalubre en dépit du fait que deux femmes de ménage étaient rémunérées par la Délégation pour en faire l’entretien quotidien.

Une économie de 70 000$

Dès mon arrivée, j’ai exprimé mon malaise par écrit face aux coûts très élevés du loyer (14 000$ par mois) plus les frais afférents liés à la résidence. Avec l’accord du MRIF et par souci d’économie, j’ai opté pour un appartement de fonction et non une villa coûteuse. J’ai entamé les recherches dans ce sens, le lendemain même de mon arrivée, pour quitter l’hôtel le plus rapidement possible. Des rapports quasi quotidiens ont été faits au ministère.

J’ai réussi à trouver un appartement dans un immeuble sécurisé. Ceci a permis des économies récurrentes annuelles de 70 000$. J’ai agi dans un souci de saine gestion des fonds publics.

Interdiction de parler wolof à la délégation

Il est faux de prétendre que j’aurais empêché les employés de la Délégation d’échanger en langue wolof. Il est tout à fait raisonnable par contre, dans un milieu de travail où le français est la langue officielle tant au Québec qu’au Sénégal et où il est compris par tous les employés, que les échanges reliés au travail se fassent dans cette langue, surtout durant les séances de travail avec la déléguée générale. Le contraire aurait pour effet d’empêcher certains membres de la Délégation de pleinement participer à ces échanges professionnels.

Un rapport à rendre public

Mes efforts pour implanter des mesures de contrôle et une saine gestion des fonds publics à la Délégation auront malheureusement donné naissance à des réactions négatives de la part de certains individus. Les allégations et les accusations publiques dont je fais l’objet en sont la conséquence. Je suis en mesure de réfuter chacune d’entre elles.

Il ne m’a pas été permis de prendre connaissance du rapport de l’administrateur expert pourtant venu à ma demande et remis au MRIF, bien que celui-ci porte directement sur la délégation dont je devais assurer la gestion.

Je n’ai pas à porter l’opprobre d’une situation que j’ai souhaité réformer. Le fait de mettre fin à mon mandat ne règle pas la situation. Les Québécois ont le droit de connaître les véritables circonstances de la gestion de cette délégation, lesquelles apporteront des réponses aux allégations qui ont été rapportées par plusieurs médias à mon endroit. Je suis soumise à une obligation de protéger les informations confidentielles acquises dans l’exercice de mes fonctions. Ma capacité de m’exprimer librement sur divers sujets en est d’autant limitée.

Aussi, je demande à la ministre du MRIF, Mme Nadine Girault, de rendre public le rapport de son propre administrateur.

Par ailleurs, si des auditions sont organisées par l’Assemblée nationale, je souhaiterais être entendue si le président de la commission parlementaire lève l’obligation de confidentialité qui m’est imposée par le MRIF afin que je puisse rendre publics les documents et les informations dont je dispose.

Merci pour votre appui

Malgré ce contexte difficile, je suis fière du travail accompli avec mon équipe, des professionnels québécois et des employés locaux dédiés à leur mission. Je les remercie et leur souhaite la meilleure des chances.

Je remercie aussi les membres du gouvernement du Sénégal, l’ambassadeur du Canada à Dakar et son équipe, l’ambassadeur du Sénégal à Ottawa ainsi que tous les partenaires locaux, nationaux et internationaux qui m’ont offert leur collaboration pour promouvoir les intérêts du Québec et le partenariat économique Québec-Sénégal”.