Libre ! Et après ?

En ce paisible dimanche 29 septembre, Macky Sall a reveillé l’actualité habituellement léthargique du dernier jour de la semaine  : le chef de l’Etat a signé ce jour le décret de remise totale de peines des condamnés Khalifa Sall et compagnie, épinglés dans la controversée affaire dite de la caisse d’avance de la mairie de Dakar. L’ex édile de Dakar, 63 ans, cité comme « professeur d’histoire et de géographie » dans le décret présidentiel de grâce,   sortira dans quelques heures de la prison de Rebeuss, certainement ce dimanche paisible, de même que ses co-condamnés Mbaye Touré et Yaya Bodian, ses collaborateurs aux services financiers de la ville de Dakar.

Avec ce geste de clémence politique, Macky Sall poursuit une séquence de main tendue à  l’opposition, dans le rôle de père de la Nation qui l’aura vu aussi se réconcilier avec son prédécesseur Abdoulaye Wade, en marge de l’inauguration de la mosquée mouride Massalikoul Djinaane. Avec cette phase de détente, Macky Sall se pose en maître des horloges et en métronome du tempo du jeu politique nationale : cette bouffée d’air qu’il souffle sur ses relations jusque là tendues avec l’opposition, augure d’une poursuite réussie du dialogue national que le président a initié à la suite de sa réélection.

Macky Sall aura préservé la dignité de ses opposants : Abdoulaye Wade n’a pas été demandeur des retrouvailles vendredi, pas plus que Khalifa Sall n’a sollicité de grâce, capitulation symbolique à laquelle il avait indiqué se refuser.  L’heure est donc à la décrispation politique.

Reste l’équation Karim Wade. L’hypothèque sur la tête de Wade fils pourrait être levée par le vote d’une loi d’amnistie à l’Assemblée nationale. Cette hypothèse est probable suite au rapprochement entre Maky Sall et Wade père.  Macky Sall, qui ne recherchera plus de mandat présidentiel en 2024, laisse les prétendants à sa succession reprendre le cours de leurs ambitions politiques et les rênes de leur vie.

Cette décrispation  politique est partie pour être plutôt bien accueillie par l’opinion publique sénegalaise. Aux yeux de la majorité des citoyens sénegalais, Khalifa Sall passait pour un détenu politique, victime d’avoir exprimé son ambition présidentielle. Khalifa Sall sort au moment où son parti qui l’a exclu, le PS, est orphelin de leader depuis la disparition de son secrétaire géneral Ousmane Tanor Dieng. Nul doute que Khalifa Sall se battra pour sa réintégration dans les rangs du parti socialiste et participera à la bataille pour la prise de contrôle du plus vieux parti du Sénégal. Le « professeur d’histoire et de géographie » n’ira certainement pas enseigner dans des salles de classe qu’il a quitté depuis ses années de trentenaire pour entrer dans le gouvernement d’Abdou Diouf. Si Khalifa Sall n’a plus de mandat électif, il peut compter toutefois sur sa respectable fortune personnelle et son fortcapital sympathie auprès  de l’opinion pour remettre en selle sa carrière politique. Cet élargissement de Khalifa Sall, qui annonce une amnistie de Karim Wade, augure de manoeuvres serrées entre  ces deux protagonistes et les autres acteurs qui prétendent à incarner le rôle de leader de l’opposition sénegalaise : Ousmane Sonko et Idrissa Seck.

Enfin, avec le renforcement prochain des rangs de l’opposition par d’autres figures à la stature de présidentiables crédibles, dont Khalifa Sall, il est fort à parier que le président Macky Sall qui a choisi de se passer de Premier ministre ne pourra plus trop longtemps s’exonérer de désigner un(e) dauphin(e) dans son camp, ou à tout le moins un numéro deux. L’échéance des prochaines locales, en janvier 2020, est l’horizon indépassable pour toutes ces recompositions.

Additif rajouté le 30/09/2019 à 07h21 : une demande de grâce a bien été introduite par Me Khassimou Touré, ancien conseil de Khalifa Ababacar Sall, sans l’aval de ce dernier.  Mis au courant, Khalifa Sall a dans un premier temps refusé de quitter la prison de Rebeuss hier dimanche, avant d’être persuadé de le faire par ses avocats Me Khoureichi Ba et Me Demba Ciré Bathily. Me Khassimou Touré dit « assumer sa démarche et avoir pris ses responsabilités. »