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Magal de Touba : retour sur l’opération séduction des candidats à la présidentielle

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A quatre mois du scrutin de février 2019, l’événement religieux, qui attire près de 5 millions de pèlerins, a été un passage obligé pour tout politique en campagne.

Cette année encore, la cité religieuse de Touba, où a été célébré le magal, dimanche 28 octobre, a été le théâtre d’un ballet de personnalités politiques. Parmi elles, le chef de l’Etat Macky Sall, le coordinateur général du Parti démocratique sénégalais (PDS), Oumar Sarr, venu représenter Karim Wade en exil au Qatar, mais aussi Madické Niang et Idrissa Seck ont été reçus par le calife général des mourides, Serigne Mountakha Bassirou Mbacké, la semaine ayant précédé les festivités. Mais à moins de quatre mois de la présidentielle de février 2019, l’objectif affiché était particulier : obtenir soutiens et prières, voire le blanc-seing du guide spirituel de cette communauté de plus de 3 millions de fidèles.

« On s’achemine vers des élections. Je sollicite vos prières pour une victoire et un bon déroulement du scrutin », n’a pas hésité à demander Macky Sall lors de sa visite. Même requête de la part des autres candidats qui se sont rendus chez le calife général. Pour autant, aucun d’eux n’a eu la chance du président Abdou Diouf, qui avait bénéficié en 1988 d’une consigne de vote claire du guide spirituel, ayant contribué à sa réélection : au lieu du ndigel (« ordre » en wolof) tant convoité, le porte-parole de Serigne Mountakha Bassirou Mbacké s’est contenté d’une réponse diplomatique indiquant que celui-ci se refusait à toute politisation de l’événement religieux.

Sifflets, pancartes et tee-shirts

Le Grand Magal commémore chaque année le départ en exil forcé du fondateur de cette confrérie musulmane soufie, Ahmadou Bamba, déporté par les Français en 1895. Et c’est d’ailleurs pour en préserver le caractère sacré que le calife général a décidé de se tenir au-dessus de la mêlée politique. Ainsi a-t-il ordonné d’accueillir chaleureusement le chef de l’Etat, qui a séjourné les 25 et 26 octobre dans la ville sainte, traditionnellement acquise au PDS d’Abdoulaye Wade. L’arrivée de Macky Sall a donc été saluée par la foule des grands jours, à grand renfort de sifflets, pancartes et tee-shirts à son effigie.

Même sans obtenir de consigne de vote ou de soutien politique clair, la visite à Touba n’aura pas été inutile pour le chef de l’Etat comme pour les autres candidats. La délégation du PDS y a réaffirmé la candidature de Karim Wade, malgré le rejet par la Cour suprême, le 30 août, du pourvoi contre sa radiation des listes électorales. Madické Niang, lui, est venu rappeler sa fidélité de longue date à l’ancien président Abdoulaye Wade, dont il fut le numéro deux mais avec qui il est en conflit depuis qu’il a annoncé, le 3 octobre, sa candidature au scrutin du 24 février 2019. Du côté d’Idrissa Seck, l’enjeu était de conforter sa place dans la communauté mouride dont il se réclame désormais.

Enfin, pour Macky Sall, l’heure est au bilan et à la promotion de ses réalisations. Et, pour séduire les 46 % de pèlerins venant de Dakar, rien de tel que le nouveau tronçon d’autoroute à péage reliant la capitale à la cité religieuse, qui devrait être livré sous peu. Malgré l’absence de panneaux de signalisation, de marquage au sol et de barrière de sécurité, cet axe appelé Ila Touba, long de 114 km, a donc été provisoirement ouvert pour l’occasion. Une expérience qui a tourné au cauchemar pour certains usagers, restés bloqués des heures à cause des nombreux accidents qui n’ont pas manqué de s’y produire.

Plus de 150 000 bêtes sacrifiées

Au-delà de l’événement religieux et politique, le Grand Magal est aussi une machine économique qui génère beaucoup de profits : 250 milliards de francs CFA (381 millions d’euros), estime Souleymane Astou Diagne, docteur en sciences économiques qui a publié en décembre 2017 une étude sur l’impact de cette fête sur l’économie sénégalaise. Selon ses travaux, la célébration devrait accueillir 5 millions de personnes cette année. « En moyenne, un fidèle dépense 105 000 francs CFA pour sa consommation. Et les ménages qui vivent à Touba, près de 1,5 million pour l’accueil des pèlerins », explique le chercheur.

Car la fête la plus populaire du Sénégal est marquée par des repas de réjouissance, les berndel, offerts par les habitants de la ville, les marabouts des familles religieuses ou encore les dahiras, c’est-à-dire les cellules de rassemblement des fidèles. Le plus gros poste de dépenses est donc l’alimentation, avec plus de 150 000 bêtes sacrifiées. « Pour certaines entreprises, le magal représente la moitié de leur chiffre d’affaires. Mais il y a une fuite des capitaux parce que la majorité des produits sont importés de Dakar ou de l’étranger », déplore le chercheur. Les retombées financières de l’événement ne profitent donc guère à la région de Diourbel, où se trouve Touba et dont le taux de pauvreté est l’un des plus élevés du Sénégal. Mais de ce sujet il n’a pas été question lors de l’opération séduction des candidats, d’ores et déjà en précampagne électorale.

Salma Niasse (M.A)

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