Note de lecture: « Cahier nomade » de Abdourahman Waberi ou hymne à Djibouti !

« Cahier nomade » a été publié en 1996, et réédité par les éditions serpent à plumes en octobre 2002. Il est le deuxième recueil d’une trilogie sur Djibouti, après « Pays sans ombre » et avant « Balbala », « Traces » et « Trames » sont les deux parties qui constituent cette œuvre composée de treize nouvelles. 

Par Baltazar ATANGANA Noah

La plume de Waberi déambule rageusement dans les entrailles de sa « mère-nation ». Mais elle n’oublie point sa mission régalienne, c’est-à-dire, déterrer la mémoire historique et culturelle que la colonisation avait enterrée. De fait, le cynique « …gouverneur avait pratiqué une lobotomie sur tous les hommes pour qu’ils n’aient plus jamais à chuchoter les secrets douloureux de cet aout 1966 ». L’écrit profondément stylisé de Waberi crache également du feu sur les « … étudiants formés dans les meilleurs écoles étrangères avec les boyaux de la mère-nation ». Ces Djiboutiens que l’ingratitude travaille, ont pour hobbies la mauvaise gouvernance et la gabegie financière : « le président, taureau géniteur de la population, passe le plus clair de son temps à l’étranger… » Pendant que, le « premier ministre a pour coutume de manger (…) avec une fourchette et un couteau en argent portant ses initiales… ». Toutefois, la distance n’empêche pas à la plume, Waberi donc, de s’épanouir. Au contraire, elle attise sa flamme pour son Djibouti natal. La plume bien qu’incisive n’est pas folle, elle prend sur elle le mal-vivre et le bien-être de sa patrie-nation. Elle est consciente que « Quel que soit le nombre d’années passées à l’étranger et les charmes de l’exil, la nostalgie te tisonnera et l’appel du pays est plus fort que les tentations du tout-monde ». Quelle plume fidèle !

Waberi mélange tout à la Dany Laferrière, pour étaler sa pensée et son engagement. Le passé et le présent sont mis en dialogue, et les genres s’accouplent sans inceste. De cet esthétique du mélange et de ce que nous postulons de nommer écrit qui surpasse les canons qui légitiment la « frontièrisation » entre les différents genres littéraires, se dégage l’exhumation d’un passé morose, mis en balance avec un présent boiteux, afin que le futur soit en forme sur ses guêtres. Dès lors, le lecteur est invité à regarder au-delà des pages : méditer ou prendre parti.

Par ailleurs, les paroles poétiques et l’écriture imagée rendent liquoreuse la lecture de ce recueil, et lui donnent la saveur d’une recette aux cent ingrédients mystiques. Cette œuvre est donc un bon livre, pour ne pas parler comme l’académicien Laferrière pour qui « un bon livre, au contraire, ne cherche pas à vous captiver, il vous fait regarder vers le haut (le ciel sans nuage d’été), tout en plongeant au fond de vous-même ».

En considérant les enjeux critique, historique et stylistique qui habitent ce « Cahier nomade », il en ressort qu’il serait d’un apport capital dans l’exploration des thèmes tendances : la quête d’identité et l’exhumation des mémoires. L’examination de ces thèmes se veut impérative puisqu’elle aidera Djibouti mieux, l’Afrique à recouvrer sa vraie voix-voie. À méditer !

Baltazar ATANGANA Noah est critique littéraire, écrivain et chercheur associé à l’Institut Mémoires de l’édition Contemporaine. Il a publié Aux Hommes de tout…(2016) et Comme un chapelet (2019).