[Tract] – Tract »And Morning Will Come » est une anthologie de fiction courte et non-fiction créative qui présente le prix Writivism Short Story « Stolen Pieces » de Munachim Amah, lauréat 2017, ainsi que des nouvelles en français de Regine Gwladys Lebouda et Dondedieu Richtel Ollier, lauréat du Prix Koffi Addo Writivism 2017 pour la création non-fiction, « Meat Bomb » de Charles King en plus d’autres histoires présélectionnées et longtemps listées pour les deux prix. Writivism est une initiative basée à Kampala qui promeut la littérature africaine. Ce, à travers des prix littéraires ainsi qu’un programme annuel de mentorat pour les écrivains émergents qui vivent dans les pays africains.
Par Baltazar Atangana Noah
Publiée dans l’anthologie de Writivism Literary Initiative de 2017, la nouvelle de la journaliste et nouvelliste camerounaise Glwadys Lebouda, intitulée « Möbache, L’enfant de joie », raconte l’histoire d’une enfant de quinze ans, formée à la prostitution par sa mère, rudoyée par la vie, mais qui refuse le statut de fille de joie pour forger son propre destin. Le prendre en main. Et lui donner un sens.
Au commencement était la parole…
« Je vous raconterai l’épopée de ma vie et de ceux qui l’ont construite. Vous
y découvrirez les détails croustillants de mon enfance au carrefour « Baise moi si tu peux»; les fragments délicieux de mon quotidien de nourrisson d’une prostituée qui s’assume; les contours compliqués qui m’ont menée ici, devant vous, à la porte d’une nouvelle aventure. Si vous prenez la première partie, je vous ouvrirai les portes de mes rêves. Je vous livrerai tous mes plans pour choisir son destin coûte que coûte. Je remplirai vos esprits d’un éventail de possibles et d’impossibles possibles. Vous comprendriez que « toujours » et « jamais » n’existent que dans les livres et dans vos têtes. Je n’ai rien à cacher. J’assume tous mes démons et mes tiroirs de péchés. Ceux qui prendront la deuxième partie n’auront choisi qu’une demi-vie; le vécu dans sa version élémentaire. »
Cette nouvelle est, à côté des autres actes d’écriture qui constituent cette anthologie, un texte lumineux, inclusif, plein de vie, d’espoir et d’amour. Ecriture volcanique. Style éruptif qui, deconstruisant l’étiquette essentiellement mortifere du « cancer-gay »(SIDA), parvient à faire rire-pleurer et à consoler à la fois. Le personnage Möbache, nerf de la nouvelle, est le simili, presque parfait, à partir duquel Lebouda reussit à introduire ce que je postule de désigner la « défatalisation du SiDA », et du monde de la prostitution et tous ses satellites, dans un siècle agité et brutaliste frappé et marqué par les violences sicaires généralisées et les crises sanitaires et securitaires.
Tout au long de la lecture de cette nouvelle, page après page, souffle ininterrompu, on voit, en filigrane, de la revolte et de la sincérité dans l’ecriture. L’intrigue. Les mots. Le ton.Tout ceci devient, de facto, don au lecteur… au monde. À la vie. Et permet ainsi à Lebouda de nous saisir et de nous attacher, une fois pour toute, la vivacité et le caractère éruptif de son style aidant, à Möbache, à la vie…à nos vies parsemées de frustrations, de blessures, de peurs et de stigmatisations, capables d’être surmontées, mais qui finissent par nous faucher, démolir et détruire parce que irriguées par certains « clichés et stéréotypes sociaux ».
D’un trait, c’est un texte coup de poing, arme de main, qui, tirant à lettres réelles, se positionne comme moteur pour une reconfiguration de l’ordre social (notamment en Afrique en general) autour de la prise en charge des personnes seropositives et, plus loin, des minorités sexuelles dans un contexte africain atroce.
Baltazar Atangana Noah, dit Nkul Beti, est écrivain, critique littéraire et chercheur-associé à l’Institut Mémoires de l’Edition Contemporaines (Caen-France). Il a publié Mixture(2014); Aux Hommes de tout…(2016) et Comme un chapelet(2019).
