Accueil A la Une Où en est la construction des 18 autoponts de Dakar à 137...

Où en est la construction des 18 autoponts de Dakar à 137 milliards ?

Les  travaux des autoponts de Dakar vont bon train malgré le contexte de la Covid-19. Déjà, l’autopont de la Cité Keur Gorgui est ouvert à la circulation, celui de Saint-Lazare le sera d’ici fin juin, tandis qu’à Yoff, les travaux évoluent dans les délais alors que celui de Pikine sera bientôt lancé. Ces ouvrages, une fois achevés, amélioreront sensiblement le trafic à Dakar.

Jeudi 21 mai. Sur le chantier de l’autopont de Saint-Lazare (situé exactement à hauteur du cimetière catholique du même nom), malgré le jour férié, le contexte de la pandémie de la Covid-19 et les rigueurs du Ramadan, le rythme des travaux n’a pas ralenti. Les ouvriers sont à l’ouvrage, les machines à plein régime. Par-ci on met la dernière couche de bitume sur les bretelles de raccordement, par-là on fait l’étanchéité sur le pont pour pouvoir étaler le revêtement de béton bitumineux. Là-bas, cinq ouvriers polissent les blocs en béton appelés «corniches» et qui vont habiller la paroi extérieure des rampes.

L’œil vif, le coordonnateur du projet des autoponts à Ageroute, Cheikh Tidiane Thiam, a le souci du détail. Il ne laisse rien passer. Il n’hésite pas interpeler et à demander à corriger une aspérité. Il sait aussi encourager ces braves ouvriers qui restent un dispositif central dans la course contre la montre engagée par l’Ageroute et l’entreprise en charge des travaux «Matières». L’objectif est d’ouvrir l’ouvrage à la circulation au plus tard à fin juin afin de pouvoir engager les travaux d’aménagement paysager au sol. «Tout ce qui est structurel sur les deux ponts adjacents, c’est fini ; on est en train de faire les revêtements sur les rampes et l’étanchéité sur le pont pour pouvoir faire la dernière couche de revêtement de béton bitumineux.

Il restera ensuite la partie esthétique, c’est-à-dire la pose des garde-corps et l’habillement de la paroi extérieure avec les corniches. On va démarrer cette phase mercredi prochain», explique l’ingénieur Thiam, par ailleurs chef de la Division ouvrages d’art à Ageroute. Dans les projections, il était prévu d’ouvrir l’autopont de la Cité Keur Gorgui à fin mars. Cela a été fait.

À Saint-Lazare dont le chantier a commencé deux mois après celui de la Cité Keur Gorgui, la dynamique d’ouvrir à fin juin est maintenu malgré le contexte. «Nous essayons de maintenir les équipes et de travailler mêmes les jours fériés pour respecter les délais. Avec le couvre-feu, les heures de travail ont été modifiées pour éviter des contraintes de mobilité à nos équipes. Il y a aussi le souci du respect de la distanciation sociale. Cela nous retarde sur pas mal de postes. Finalement, on a des journées tronquées. Il n’empêche, sauf surprise, on respectera les délais», ajoute M. Thiam.

Yoff, la contrainte du réseau souterrain

À Yoff, les travaux sont moins avancés. Cela se comprend, le chantier n’a démarré qu’en janvier 2020. Et pourtant, le rythme d’évolution est satisfaisant, estime le chef du projet. Cela, nonobstant le retard dans la livraison de l’ensemble des piles métalliques (ils doivent venir de France, or la Covid-19 a causé quelques restrictions dans le fret maritime), le trafic et le dense réseau souterrain des concessionnaires (Sen’Eau, Senelec et Sonatel) auxquels il a fallu faire faire face. « On était obligé de dévoyer ces réseaux et cela prend du temps. La principale conduite d’eau qui alimente les Almadies et les quartiers environnants passe par ici. De même que l’assainissement d’Ouest Foire ainsi que le réseau de télécommunications », explique Cheikh Tidiane Thiam. Sur ce point, le site de Yoff s’est révélé plus compliqué que ceux de Cité Keur Gorgui et Saint-Lazare. Mais, comme ces deux derniers chantiers, celui-ci est dans les clous ; le délai étant de 18 mois, donc en juin 2021. Les fondations des piles qui doivent supporter le tablier ont été terminées et les rampes finalisées. Il ne reste plus qu’à monter les éléments métalliques et couler le tablier pour que les gros œuvres soient bouclés.

Cité Keur Gorgui, focus sur les aménagements paysagers

Pour avoir une idée de ce que seront les ponts de Saint-Lazare et de Yoff, il suffit de regarder celui de la Cité Keur Gorgui. De loin, l’ouvrage métallique donne à voir l’image d’une superstructure monolithique en arc de cercle, alors qu’en réalité, il s’agit de deux structures distinctes accolées. Pour faire simple, chaque sens du trafic a son propre pont. Pour des soucis d’esthétique, les parois sont pavoisées de corniches en alucobond (matière en aluminium réalisée par une entreprise sénégalaise). Ceci donne à l’ouvrage un beau mariage de teintes vert dégradé et de graphisme. Sur le chantier de Cité Keur Gorgui, l’ouverture du pont a fait basculer le trafic principal sur l’ouvrage. Cela a permis de s’attaquer aux aménagements paysagers au sol où seule une dorsale entre Mermoz et Keur Gorgui a été maintenue pour atténuer la gêne occasionnée par les travaux aux usagers. Il y a encore le giratoire à refaire, les raccordements routiers et les aménagements paysagers à réaliser, tels que des aires pavées avec des bancs publics, des arbres à planter pour l’embellissement, et l’assainissement à revoir. Les travaux au sol devraient se terminer d’ici fin août. Mieux, de part et d’autre, une bretelle d’insertion de 4,5 à 5 mètres de large sera réalisée sur l’ancienne route, le reste de la voierie sera utilisée pour faire des places de parking et de larges trottoirs en pavé de 3 mètres.

Des ponts adaptés en milieu urbain

Contrairement à ce que nous avions l’habitude de voir à Dakar, les autoponts en construction sont de type mixte. Autrement dit, il s’agit de structures à moitié béton et moitié métallique. La majeure partie de l’ouvrage est fabriquée en usine et est transportée sur le site pour montage. Cela offre une souplesse dans les travaux et fait éviter le blocage de la circulation. «On ne pouvait réaliser ces ouvrages en imaginant bloquer carrément la circulation. Pour travailler sur des sites encombrants, le maximum qu’on peut faire, c’est de réaliser une bonne partie des travaux en usine. C’est pourquoi nous avons opté pour une solution mixte», explique Cheikh Tidiane Thiam. Cette solution impose un type de pont unibridge développé et breveté par la société «Matières» chargée des travaux. Tout ce qui est fondation en béton est fait sur le site, tandis que les rampes et les murs de soutènement sont fabriqués dans une usine développée par ladite société à Diamniadio et où travaillent une centaine de personnes. «Les éléments massifs en béton sont à Diamniadio. Ils sont amenés ici pour le montage. Le tablier, c’est-à-dire la partie pont constitué de poutres mixtes de type unibridge, est réalisé en France. La peinture est faite en usine pour avoir une certaine qualité et une certaine durabilité. Le type de pont mixte nous fait gagner au minimum 50 % de temps par rapport à ce qu’on faisait avant », précise le coordonnateur du projet des autoponts.

Le défi de l’entretien des aménagements paysagers

La composante «aménagement paysager» est désormais au cœur des projets d’Ageroute. C’est d’ailleurs l’une des spécificités du projet des autoponts. «On ne vient plus faire des ouvrages et passer, on insiste désormais sur son intégration dans son environnement. C’est pourquoi d’ailleurs on parle d’ouvrage d’art. Il y a le volet à la fois architectural et esthétique. On essaie donc de faire un aménagement paysager conséquent», explique l’ingénieur Thiam. C’est la raison pour laquelle à Yoff, la Place Mamadou Diop qui avait été démolie pour créer une déviation sera entièrement refaite et améliorée. De même, une autre place publique ainsi qu’une aire de sport, de jeux et de repos seront aménagées aux alentours du pont. Cependant, là où le bât blesse, c’est au niveau de l’entretien de ces aménagements paysagers. Au Sénégal, cela pose un sérieux problème. À Ageroute, une réflexion est en cours pour voir comment trouver une solution. «Dans le passé, on a essayé de travailler avec les collectivités locales pour la préservation de l’espace paysager, mais on a vu les limites. On est en train de voir comment le ministère de l’Urbanisme pourrait prendre en charge cette question. Cependant, si une commune nous propose quelque chose de consistant pour assurer la durabilité et la viabilité des aménagements paysagers, on sera preneur», souligne Cheikh Tidiane Thiam.

18 ponts pour 137 milliards de FCfa sur financement de l’État

Le projet des autoponts s’inscrit dans le cadre du volet «Infrastructures» et met l’accent sur deux points: le désenclavement et l’amélioration de la mobilité urbaine. Le désenclavement concerne 5 ponts à réaliser à Saint-Louis (reconstruction du pont Moustaph Malick Guèye et extension du pont de Halwaar), Ziguinchor (deux) et Sédhiou (pont de Marsassoum). En ce qui concerne l’amélioration de la mobilité urbaine, elle prend en compte la réalisation de 13 autoponts à Dakar au niveau des carrefours où est noté un taux de saturation du trafic très élevé. «L’option est d’ériger sur l’axe principal un ouvrage qui permet aux automobilistes de passer au-dessus tandis que le flux de l’axe transversal passera en dessous. Ainsi, on n’aura plus de cisaillements sur ces routes», explique le chef de la Division ouvrages d’art à Ageroute. Ainsi, en dehors de la Vdn et de Yoff, des autoponts seront construits au carrefour Lobat Fall de Pikine, à la station Shell de Keur Massar, au croisement Front de terre de l’avenue Bourguiba, au giratoire de Cambérène, au Carrefour Jvc, etc. Le financement total de ces 18 ponts et autoponts est estimé à 137 milliards de FCfa sur fonds propres de l’État du Sénégal.

Tract