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Post- présidentielle : l’opposant camerounais Maurice Kamto, 64 ans, propulsé chef de l’opposition

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LES AFRIQUES – Plus encore que la victoire de Paul Biya, l’élection présidentielle camerounaise a consacré un homme, Maurice Kamto, de fait propulsé à la tête de l’opposition.

La voix est éraillée. Elle ne surprend personne. Si les Camerounais n’entendent leur président que trois ou quatre fois par an, à l’occasion des vœux du Nouvel An ou de la fête de la Jeunesse, ils savent tendre l’oreille pour recevoir sa parole. Respectueusement. Religieusement. Il y a quelques minutes, avant que Paul Biya n’entame son discours, ce 29 septembre à Maroua, dans l’Extrême-Nord, un notable local est tombé dans les bras de son voisin. Il avait effleuré la main présidentielle.

Derrière son pupitre, le chef de l’État remercie, salue « la chaleur de l’accueil », promet de gagner la « bataille du développement », fait miroiter énergie solaire et chemin de fer. Il glisse enfin son slogan, « La force de l’expérience », pied de nez à ses détracteurs, qui glosent sur son âge et sa longévité. Paul Biya pose son texte, jette un rapide regard sur les quelques milliers de partisans rassemblés à bonne distance, sécurité oblige. Sa campagne et son unique meeting sont terminés. Son discours aura duré douze minutes et vingt secondes.

Est-ce la « force de l’expérience » ou les faiblesses de l’âge, que personne ne saurait lui reprocher ? Pour cette présidentielle, et comme il le fait depuis 1997, Paul Biya, 85 ans, s’est mis en retrait. En 2011, il avait tenu meeting à Maroua, avant de prendre la route de Douala. Il a cette fois réduit un peu plus la voilure, annulant un passage à Buéa, dans le Sud-Ouest, sans raison officielle. Problèmes de sécurité liés à la crise anglophone ? Préférence donnée à la réception à Yaoundé d’Ahmad Ahmad, président de la Confédération africaine de football, en prévision de la Coupe d’Afrique des nations 2019 ?

Le Sphinx d’Etoudi, obsédé par une stabilité dont il s’estime l’incarnation, a préféré envoyer ses fidèles au front. Samuel Mvondo Ayolo, directeur du cabinet civil, a géré la campagne, tandis que le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, s’assurait que tel ou tel candidat ne dépassait pas une ligne rouge tracée par lui. Surtout, la machine du RDPC a tourné à plein régime.

Pour l’unique meeting du candidat, bus et particuliers ont transporté les militants, moyennant finance et parfois sur des centaines de kilomètres. À Maroua, loin des regards internationaux, focalisés sur les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’élection s’est gagnée à l’ancienne, avec des billets de 1 000 F CFA pour rassurer la foule.

L’opinion mobilisée derrière Maurice Kamto

Sur la route de la capitale de ­l’Extrême-Nord, où la résidence du gouverneur avait été transformée en quartier général de la garde présidentielle, le bitume avait refait son apparition. Pendant ce temps, à Yaoundé, dans l’école bilingue de Bastos, où le président a pris l’habitude de voter, les murs s’ornaient de peinture neuve et les portes de vernis. Qu’importe si la rentrée scolaire n’y avait pas eu lieu en raison des préparatifs du 7 octobre. Rien ne devait arrêter la marche vers un septième mandat.

Le « Vieux Lion », assis sur la marmite politique de son pays depuis si longtemps, peut-il pour autant s’en contenter ? Pour la première fois depuis 1992 et l’élan qui avait porté John Fru Ndi à la porte de la présidence, le Cameroun se réveille avec une opposition forte. Sur les cendres d’un Social Democratic Front (SDF) qui semble avoir perdu davantage qu’une bataille, elle peut se targuer d’avoir mobilisé une bonne partie de l’opinion derrière son fer de lance, Maurice Kamto. Peaufinant sa stratégie depuis 2012, le candidat du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), dont beaucoup doutaient de la capacité à rassembler, aura tenté jusqu’au bout de contrecarrer les plans du président.

Sucession de plaidoyers

Fort d’une campagne populaire très remarquée et du soutien de dernière minute d’Akere Muna, il s’est déclaré vainqueur dès le 8 octobre, prenant de vitesse Elecam, l’instance camerounaise des élections. Sûr des chiffres collectés par ses équipes, il a plaidé sa cause, les 16 et 17 octobre, devant un Conseil constitutionnel dont il avait demandé la récusation de certains membres, par ailleurs militants du parti au pouvoir. Dans une succession de plaidoyers particulièrement suivis – à travers la retransmission en direct à la télévision nationale, une première –, Kamto et son équipe ont dénoncé la fraude et affirmé que, dans sept régions, Paul Biya se serait vu accorder de façon abusive 1 327 000 voix sur la base de procès-verbaux non signés.

Refusant de reconnaître des résultats « absolument faux », réclamant l’annulation de l’élection, Kamto en a appelé à la responsabilité du Conseil. « Il s’agit d’un contentieux historique entre le Cameroun aplati cherchant à se relever […] et le Cameroun de l’arrogance régnante. N’acceptez pas d’être l’instrument du passage en force », a lancé le candidat du MRC au terme d’un discours parfaitement maîtrisé. La diatribe n’aura pas suffi. Tous les recours déposés par l’opposition ont été rejetés. Mais les audiences du Conseil ont bel et bien consacré deux hommes : l’un à la présidence, l’autre, qui s’est incontestablement affirmé à la barre, dans l’opinion.

Légitimité juridique

Jusqu’où ira Maurice Kamto ? Le natif de Bafoussam le sait : sa victoire populaire ne peut être un succès total si l’adversaire a pour lui la légitimité juridique. Jean Ping, au Gabon, en a fait l’amère expérience. Pour ne pas l’imiter, le patron du MRC doit-il compter sur le soutien de la rue ? Peut-il espérer poursuivre sur sa lancée jusqu’aux législatives de l’an prochain ? Son directeur de campagne, Paul Éric Kingue, rêve de grandes manifestations populaires, tout en sachant qu’un appel à la révolte déclencherait l’ire d’un pouvoir prêt à en découdre, sans oublier le risque de dangereuses dérives anti-Bamilékés.

Plus mesuré, Kamto souhaite éviter les troubles. Il cherche, en équilibriste, la solution pour récolter les fruits d’un printemps démocratique dont il se veut le symbole. Il a jusqu’à aujourd’hui raisonné en avocat, épuisant les recours légaux. À 64 ans, le voilà désormais face à son destin politique.

J.A

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