RACISME – Pauline, boulangère camerounaise en France, se fait traiter de chimpanzé au quotidien

RACISME – « Qui a fait cette faute-là, qui a donné une place pareille à une noire? ». Dans la ville des Hauts-de-Seine de Levallois-Perret, une boulangère a témoigné du racisme dont elle est victime au quotidien, suscitant un élan de solidarité impressionnant ainsi que de nombreuses réactions au sein de l’équipe municipale de la ville mais aussi du gouvernement.

Tout est parti d’une vidéo diffusée le 26 février par la Ligue de Défense Noire Africaine (LDNA), qui se présente comme un « mouvement luttant contre la Négrophobie, le Racisme, Discrimination ». Contactés par des habitants de Levallois-Perret, les membres de l’association se sont rendus à la boulangerie « Chemin des Pains » de Levallois-Perret et tenue par « Madame » Pauline », originaire du Cameroun.

Dans la vidéo de la LDNA, « Madame Pauline » raconte le racisme et les intimidations dont elle est régulièrement victime de la part de certains habitants. »Il y a des personnes qui me lancent ‘Chimpanzé’ (…) Franchement vous n’avez pas de place parmi nous », raconte la boulangère, dont le commerce se situe dans une rue très passante de la ville.

Les images, reprises par le site NegroNews, ont provoqué un tollé, atteignant jusqu’à la sphère gouvernementale. Sur Twitter, la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes Marlène Schiappa a invité « Pauline » à déposer plainte, afin qu’une enquête puisse être menée. Son cabinet a également contacté la commerçante, indique la LDNA et son tweet a été relayé par le porte-parole du gouvernement Benjamin Griveaux.

La mairie de Levallois-Perret mise en cause

Dans les trois vidéos, la commerçante et la LDNA dénoncent l’inaction de la municipalité de Levallois, ainsi que la complicité de la mairie et de la co-propriété pour gêner le commerce de Pauline. Dans un communiqué, la LDNA affirme ainsi que « la municipalité et la police municipale sont parfaitement au courant de ce qu’endure la maman » et que le maire de la ville « lui a adressé un courrier signé de sa main lui disant que ‘dans sa ville tout va bien’! ». L’une des vidéos montre d’ailleurs un échange tendu entre le représentant de la LDNA et la directrice de cabinet de Patrick Balkany, qui n’aboutit pas.

Contactée par Le HuffPost, Isabelle Balkany, première adjointe du maire de Levallois-Perret, nous a confirmé que la mairie était bien au courant de la situation et précise qu’une plainte avait déjà été déposée. « Il y a deux ans, un pasteur a écrit à la mairie pour signaler un problème avec la co-propriété et les insultes racistes », raconte Isabelle Balkany. La municipalité encourage alors la commerçante à déposer plainte, ce qui a été fait: « La commissaire nous l’a confirmé, les policiers ont pris la plainte », nous indique la première adjointe, qui affirme que les déclarations de la LDNA sur des dépôts de plaintes refusées sont « fausses ». Elle déclare cependant qu’en dépit de deux relances du commissariat, la commerçante n’a pas ramené les éléments dont elle disait disposer pour étayer sa plainte.

Interrogée sur la lettre signée par le maire Patrick Balkany et présentée dans la vidéo, Isabelle Balkany affirme qu’elle n’émane pas directement de la commerçante, mais d’un de ses amis. Cette missive aurait donné suite à deux rencontres avec des membres de l’équipe municipale, dont l’adjoint chargé de la sécurité publique. Ces rencontres n’ont cependant pas abouti concrètement, Isabelle Balkany évoquant un discours « confus » de la commerçante.

Quant aux accusations de complicité entre la mairie et la co-propriété, Isabelle Balkany les dément formellement. Evoquant un conflit ancien portant sur la transformation du commerce en restaurant, qui se serait heurté au veto du syndicat de la co-propriété, l’adjointe au maire rappelle que la municipalité n’a pas à intervenir dans cette affaire. « C’est un immeuble privé. Nous, ville, ne pouvons vraiment rien faire. On n’a pas à intervenir et nous n’avons pas à donner notre avis sur la question », martèle l’élue.

Un élan de solidarité

Sur les réseaux sociaux, ce témoignage a provoqué une vague de soutiens. « Depuis trois jours, j’ai vu l’élan de solidarité », a déclaré Pauline dans une vidéo diffusée en direct ce jeudi 28 février. Une cagnotte a été lancée pour pérenniser la situation financière de la boulangerie ainsi que pour couvrir les frais de procédures engagées par la commerçante contre le syndicat de co-propriété. 1132 euros sur les 3000 demandés ont été récoltés quelques heures seulement après sa mise en ligne.