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Sahel : Négocier ou pas négocier ? That is the question !

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Négocier ? Oui, mais… L’éventuel retrait des Américains du Sahel, les attaques de plus en plus violentes et meurtrières de la part des djihadistes, le déplacement massif des populations, sans compter le coup porté à de l’économie de la région sont autant de motifs valables aussi chez les populations que chez les politiques pour envisager la possibilité de négociations. La question est une patate chaude surtout chez ces derniers quand, du côté burkinabé, on évoque le nom du président Blaise Compaoré, chassé du pouvoir par un soulèvement populaire en octobre 2014. Un interlocuteur bien embrassant ! Mais ces pays saignés par le terrorisme ont-ils vraiment le choix ?

Conférence de presse à l’issue du Sommet de Pau, le 13 janvier 2020. Photo : Reuters

Le mur qui apparaissait jusqu’ici infranchissable entre les leaders de la région et les chefs rebelles djihadistes commence à se fissurer. Le mot négociation, jusqu’ici tabou et rejeté à l’unanimité dans les capitales du Sahel, rentre peu à peu dans le vocabulaire des responsables politiques. Il faut dire que le sursaut militaire semble repoussé toujours à plus tard faute de moyens. Le renfort en hommes et en matériel militaire annoncé à Pau par Emmanuel Macron risque d’être en effet insuffisant face à l’enrôlement toujours plus grand de nouveaux djihadistes dans les villages déshérités de la brousse sahélienne. Les leaders africains sont donc inquiets. L’homme de la rue aussi. Si celui-ci met en cause l’efficacité du dispositif français, lui aussi pas assez important, c’est qu’il estime que la victoire n’est peut-être pas au bout du fusil.

Des soldats français tirent au mortier depuis leur base militaire de Ménaka. -PHOTOGRAPHIE DE PASCAL MAITRE

Les renforts européens sont pour le moment hypothétiques et sans garantie. Leur intérêt : montrer que la France n’est pas seule au Sahel. Le départ des moyens militaires américains de la zone, certes pas encore totalement validés par Donald Trump, augmente le doute dans l’opinion. Il faut en effet savoir que, sans les drones et les avions américains, le combat déjà difficile des forces françaises deviendra quasiment mission impossible, avec un renseignement très diminué. Craignant l’échec de la riposte conduite par la France mais aussi la perte de leurs partenaires occidentaux, des responsables africains ouvrent de nouvelles pistes. Un plan B, risqué, difficile à mettre en oeuvre, mais qui pourrait, estiment-ils, être un jour la solution pour éviter le pire. Une tentation de la négociation qui gagne les capitales de la région.

À bord d’un hélicoptère entre Gao et Ménaka, un soldat français guette la moindre activité des islamistes. -PHOTOGRAPHIE DE PASCAL MAITRE

Identifier ses interlocuteurs

Au Burkina Faso, ce n’est pas l’envie qui manque, mais des interlocuteurs pour les autorités. L’ancien président déchu Blaise Campaoré, en exil en Côte d’Ivoire, entretenait grâce à ses intermédiaires des contacts au Mali avec des responsables d’Al-Qaïda, en particulier pour négocier la libération d’otages. Il construisait en même temps son image de parrain régional, accueillant autour d’une même table des chefs touaregs et des ministres maliens. Des figures terroristes du Mali étaient même vues à Ouagadougou. Depuis, elles ont été tuées dans les opérations successives du dispositif français Barkhane.

Aujourd’hui, le parti de Campaoré ne cache pas que la négociation est une des solutions pour sortir de l’impasse. « Dans la situation actuelle, il faut l’envisager, cela peut être un apport important dans la lutte contre le terrorisme », affirme le premier vice-président de son parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès. Blaise Campaoré a même proposé sa contribution. Ce qui l’amènerait à redevenir comme jadis une sorte d’intermédiaire avec les chefs terroristes. Une initiative refusée par le président Roch Marc Christian Kaboré, qui a décidé de maintenir les élections présidentielles cette année dans son pays malgré la terreur qui sévit dans plusieurs régions. Officiellement, pas de négociations à l’ordre du jour. Mais personne ne sait ce qui se passera pendant le prochain mandat. L’opposition est plus nuancée. Le président du Mouvement patriotique pour le salut, Augustin Loada, explique qu’il est difficile de connaître quelles sont les revendications des terroristes, sans savoir qui sont les interlocuteurs. Un vrai problème.

Faire le tri des négociations possibles

En effet, au Burkina Faso, la terreur est délivrée par les combattants djihadistes aussi bien aux populations civiles qu’aux militaires. Une démarche délibérée qui rappelle celle des groupes terroristes algériens à l’époque du GIA, qui suppliciaient leurs victimes et massacraient surtout les civils. Aujourd’hui, c’est l’État islamique dans le grand Sahara qui commet les pires méfaits dans la zone des trois frontières. Son chef n’est pas malien, mais du Sahara, un territoire contesté au Maroc par le front Polisario soutenu par l’Algérie. Rescapé des frappes françaises qui ont éliminé la plupart de ses anciens acolytes, Adnane Abou Walid al-Sahraoui a prêté allégeance à l’État islamique qui a perdu son chef, al-Baghdadi, et son territoire, en Irak. Mais à part commettre des bains de sang contre des innocents, le projet politique d’al-Sahraoui est inconnu et donc empêche toute approche pour une éventuelle négociation au Burkina Faso.

Le président du Mali, Ibrahim Boubacar Keïta, face ses soldats, à Gao en novembre 2019.
-Photo Souleymane Ag Anara. AFP

Au Mali, en revanche, plusieurs discussions à haut niveau ont déjà eu lieu. De la même manière que les Américains en Afghanistan qui négocient avec les talibans natifs du pays, et non pas avec les djihadistes saoudiens ou syriens de l’État islamique, les émissaires de Bamako cherchent le contact avec des chefs rebelles maliens. Ici, pas de négociations avec des djihadistes étrangers, qui ont été tués poura été ouvert avec le prédicateur Amadou Koufa, qui s’est autoproclamé chef de la rébellion peul et dirige la Katiba Macina, à l’origine de la plupart des attaques contre l’armée dans le centre du Mali, autour de Ségou. Il a aussi dans ses unités des djihadistes d’autres ethnies, y compris des Dogons en rébellion contre le gouvernement.

Un soldat français patrouille dans les rues de Ménaka.
–PHOTOGRAPHIE DE PASCAL MAITRE

Le combat de Koufa dépasse celui du djihad et de l’instauration de la charia. Il est perçu aussi par les éleveurs et aussi les agriculteurs (que l’on a trop tendance à opposer) comme le chef d’une rébellion paysanne abandonnée des autorités, des familles touchées par la sécheresse, la pauvreté, le manque d’écoles, la corruption. Une sorte de Robin des bois, version islamiste. En novembre dernier, un avocat de Bamako l’a rencontré. Un entretien diffusé sur les réseaux sociaux. Du jamais-vu. Hassan Barry, connu pour être le défenseur dans les prétoires de Peuls accusés de terrorisme, a précisé ensuite que cette rencontre était « strictement encadrée » et « connue des plus hautes autorités du pays ». Une mission quasi officielle, confirmée par un proche de la présidence.

Une zone grise où se superposent des liens anciens

Des soldat français patrouillent au marché de Gao. PHOTOGRAPHIE DE PASCAL MAITRE

Mais Amadou Koufa n’est pas le seul grand chef rebelle. Il est allié avec le Touareg Iyad Ag Ghali. Parler avec ce chantre de l’indépendance du nord du Mali qui s’est battu contre l’armée rencontre moins de partisans au sein du pouvoir. Ce chef traditionnel qui a versé dans le djihadisme commande le Groupe pour le soutien de l’islam et des musulmans, regroupant plusieurs mouvements terroristes, dont les combattants d’Amadou Koufa. Tous ont prêté allégeance à Al-Qaïda et se battent parfois contre l’État islamique, pour se disputer la conduite du djihad. Si les anciens rebelles touaregs qui ont signé les accords d’Alger en 2015 viennent enfin d’accepter que l’armée et un gouverneur reviennent à Kidal, il n’existe pas, officiellement, de négociation avec Ag Ghali, dont la tête est mise à prix, mais qui est toujours passé sous les radars, y compris de l’armée française. Il se cacherait en Algérie, à quelques centaines de mètres de la frontière, et pourrait représenter une carte pour l’avenir. Il est Malien, connu par tous les députés et les élus touaregs qui, eux-mêmes, sont proches de leurs collègues de Bamako. Au Niger, des liens ancestraux existent entre familles touarègues maliennes et nigériennes. Des nomades d’Agadez sont issus des mêmes clans que ceux du massif des Ifoghas au Mali, fief traditionnel de la rébellion. Ils ont servi pour libérer des otages d’Areva.

Un véhicule blindé traverse le village d’Andéramboukane près du Niger. Les militants islamistes montent parfois des attaques au Niger voisin puis se replient au Mali.
PHOTOGRAPHIE DE PASCAL MAITRE

Des négociations pas acceptées par tous

Ces approches avec l’ennemi ne font toutefois pas l’unanimité au Mali. Beaucoup craignent le double langage des terroristes qui chercheraient, en outre, à faire libérer leurs prisonniers, comme c’est déjà arrivé, y compris pour négocier la libération d’otages français. Mais ce ne serait pas la première fois dans la région. En Algérie, la « sale guerre » a pris fin en 1999 après un référendum sur la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale », six ans après l’adoption de la loi sur la « Concorde civile » qui prévoyait une amnistie pour ceux qui déposaient les armes et qui n’étaient pas coupables de crimes de sang. Des milliers de moujahidines ont profité de ces accords avec le pouvoir. Le prix à payer pour la paix après chaque guerre.

À Paris, on s’oppose à ces démarches. « Une idée catastrophique » pour le chef d’état-major François Lecointre. Une position compréhensible, à l’inverse de celle des États-Unis qui poursuit ses pourparlers avec les talibans après 19 ans de guerre. Contre l’avis au départ de son allié, le gouvernement afghan, qui a longtemps été contre avant de se rallier à la démarche américaine, qui n’a rien donné jusqu’à présent. Des négociations du même genre qui, si elles s’engageaient un jour au Sahel, prendraient du temps et transformeraient certainement le paysage politique de la région.

Tract.sn (avec média)

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