Sidy Diallo, 65 ans, confiné, réalisera un semi-marathon dans son appartement

Sidy Diallo, courant pieds nus, au marathon de Doha en 2019

Avis à tous les coureurs. A 65 ans, Sidy Diallo avait prévu de prendre le départ des 42 km de Boston le 20 avril ; mais l’événement a été reporté au 14 septembre. Peu importe pour l’homme qui court pieds-nus. Ce lundi 20 avril, il accomplira un semi-marathon chez lui dans son appartement de Montigny-le-Bretonneux (Yvelines, France) : 25 mètres, de la cuisine à une chambre, en passant par son salon et par un escalier de 15 marches. Un parcours qu’il refera pas moins de 844 fois! Au compteur : 12.660 marches (la grande muraille de Chine n’en compte « que » 5.164) et un dénivelé total de 2.279 mètres. « Je veux montrer qu’on peut positiver et investir pour le futur de sa santé en toute circonstance », explique celui qui a 225 « vrais » marathons à son actif. Lundi, il invite tous les athlètes à le rejoindre virtuellement pour la distance de leur choix. A vos marques, prêt, partez!

Mais qui est Sidy Diallo ?

« Mais il est fou… » est sûrement la phrase qui revient le plus quand des coureurs croisent Sidy Diallo. C’était déjà le cas il y a quelques années lorsque ce médecin généraliste de formation devenu diplomate montait et descendait les escaliers menant au RER C pour patienter en attendant l’arrivée du train. Surtout quand il le faisait à même le bitume. Car en plus de s’être mis tardivement à la course, Sidy Diallo a une petite particularité : en 2015, il a décidé d’enlever ses baskets. C’est donc pieds-nus qu’il a voulait prendre le départ du Schneider Electric Marathon de Paris le 5 avril dernier , sauf s’il faisait « extrêmement froid ». Le confinement de la coronacrise l’en a empêché.

J’ai fini en marchant. Mais j’étais en quelque sorte rassuré car j’avais peur d’avoir une crise cardiaque

Tout commence en 2008 à Chicago. Alors consul général adjoint de France, Sidy Diallo voit les coureurs du marathon de cette ville de l’Illinois passer en bas de chez lui. « Au début, je me disais que c’était réservé aux gens exceptionnels, j’étais convaincu que ce n’était pas pour moi, se remémore-t-il. Et puis, à un moment, je me suis dit que j’étais comme eux ». Lors d’un discours au consulat, Sidy Diallo plaisante et se lance un défi : participer à cette course mythique l’année suivante. A l’époque, il souffre du pied gauche et s’aide parfois d’une canne pour marcher. Il ne tiendra pas sa promesse. Enfin si, mais avec une année de retard. En 2010, à 55 ans, il prend part à son premier 42,195 km. Avec des chaussures à l’époque, mais non sans difficultés. « Au 19e km, j’avais les jambes raides. J’ai fini en marchant. Mais j’étais en quelque sorte rassuré car j’avais peur d’avoir une crise cardiaque et de ne pas pouvoir rentrer chez moi! » Son temps : 5h20.

Un marathon par semaine

Cela ne l’a pas refroidi pour autant. Son objectif d’alors est de se qualifier pour l’épreuve de Boston. Il lui faut pour cela terminer un marathon en moins de 3h45. Il y aura celui de Paris en avril 2011 (3h46), celui de Toronto le mois suivant (3h55), un dans l’Indiana en juin (3h42, synonyme de qualification), puis dans le Michigan (3h34) pour assurer ses arrières. Il est loin le temps où le médecin était persuadé que le corps humain ne pouvait pas supporter plus de deux marathons par an. En 2012, Sidy Diallo en court douze, dont trois (La Rochelle, Lisbonne et Pise) en 21 jours. Il réalise à Berlin son record personnel, en 3h14. « Finalement, je me suis dit que je pouvais en faire un par semaine », raconte-t-il. En 2013, ce sera 48! Rien que ça.

Sidy Diallo à Doha en 2019.

Sidy Diallo à Doha en 2019.

(DR.)

De quoi avoir quelques anecdotes à raconter. « En janvier 2012, dans l’ascenseur d’un hôtel à Miami, tous les Américains me regardaient bizarrement. En fait, j’ai compris qu’ils me prenaient pour un athlète kenyan! Pourtant, j’avais 57 ans, les cheveux grisonnants, je mesure 1m82… », rigole-t-il aujourd’hui.

Sidy Diallo est né en Guinée en 1955, dans un village de montagne. Enfant, il rejoignait à pieds l’école située à 7 km de chez lui. A 18 ans, il part à Cuba pour suivre des études de médecine. Sept ans plus tard, il rentre en Afrique, continent qu’il fuira trois ans plus tard, en 1983 : l’ethnie peul, à laquelle Sidy Diallo appartient, est persécutée par le dictateur Sékou Touré. C’est contre sa volonté et en tant que réfugié qu’il arrive en France en 1983, à 28 ans.

Le marathon, ce n’est rien du tout, il n’y a pas de quoi être fier

« Le marathon, ce n’est rien du tout, il n’y a pas de quoi être fier, estime-t-il. C’est une reconstitution de l’activité normale des humains qui courraient pour attraper des animaux et se nourrir. Nous n’aurions jamais dû cesser de courir. » Pour se rapprocher davantage de cette activité ancestrale, Sidy Diallo franchit une étape supplémentaire en 2015. A Rome, il chausse, à 60 ans, des chaussures minimalistes ; quelques mois plus tard, en octobre à Zagreb, c’est son premier 42km pieds-nus (3h57). « Ça s’est très mal passé. Il faisait très froid. J’étais naïf, mais j’ai fini. Mes pieds étaient anesthésiés », raconte le marathonien. Une bonne douche chaude et le sang est revenu. Trois semaines plus tard, il recommençait à Berlin. Et encore, et encore. « C’est la manière la plus naturelle pour nous de courir. »

Retour aux origines

Sidy Diallo affiche désormais 67 marathons pieds-nus à son compteur et un ultra de 90 km réalisé en Afrique du Sud en juin 2018. « Les chaussures agissent comme un corps étranger. Pieds nus, je suis plus performant. Quand je passe la ligne d’arrivée, je ne suis pas fatigué, je suis prêt à refaire le parcours. Les gens sont étonnés », confie Sidy Diallo, qui a écrit un livre intitulé Running man. L’homo sapiens est un prodigieux coureur podonudiste (Afnil).

Le 5 avril, il prendra le départ de son 8e marathon de Paris. Mais entre temps, en 2020, il en aura déjà couru sept! Muscat (Oman), Miami, Tokyo – le premier avec son fils cadet de 18 ans -, Los Angeles, Barcelone, Séoul et Rome. A 65 ans, il ne compte pas s’arrêter là et entend bien porter son message le plus longtemps possible : « Je cours pieds-nus pour la survie de l’espèce humaine. Plus on se tourne vers nos origines de chasseur-cueilleur, plus on est heureux. La médaille, c’est notre trophée de chasse ; d’ailleurs certains font semblant de la croquer. Peu importe le chrono, il faut courir. »

Sidy Diallo explique son projet de semi-marathon en, appartement dans cette vidéo :

https://youtu.be/55dV0Omi2kA