Accueil 2N2D-Nit Ndiaye Dof Diop Silvia Romano, 25 ans, ex-otage au Kenya, traitée d’ingrate par la presse...

Silvia Romano, 25 ans, ex-otage au Kenya, traitée d’ingrate par la presse italienne pour sa conversion à l’Islam

Jeune femme de 25 ans volontaire dans une ONG, Silvia Romano avait été enlevée au Kenya en novembre 2018. Détenue en Somalie par le groupe islamiste des chebabs, elle a pu revenir en Italie dimanche 10 mai. La presse transalpine célèbre le travail des services secrets, mais souligne aussi la conversion de cette Milanaise, qui a embrassé la foi musulmane.

C’est la fin d’un long feuilleton qui a tenu en haleine tout un pays. Samedi 9 mai, la presse italienne a donné la nouvelle tant attendue : Silvia Romano, la jeune femme enlevée au Kenya en novembre 2018 alors qu’elle travaillait comme bénévole pour une ONG, a été libérée. La conclusion positive d’un long périple reconstruit par le Corriere della Sera sur la base des témoignages de la protagoniste de cette histoire.

“Je pleurais sans arrêt”

“Silvia Romano a été enlevée par trois hommes dans le village de Chakama, à 80 kilomètres de la ville de Malindi, au Kenya, avant d’être transférée vers la Somalie”, raconte le quotidien milanais, qui rapporte ensuite le récit de Silvia Romano à la première personne :

Nous avons voyagé pendant environ un mois, d’abord à moto, puis, parfois, à pied. Nous marchions jusqu’à huit ou neuf heures par jour. J’étais désespérée, je pleurais sans arrêt, le premier mois a été terrible. Ensuite, on m’a déplacée tous les trois à quatre mois.”

Silvia Romano a changé six fois de cachette, en restant toujours en Somalie, pays d’origine du groupe islamiste des chebabs, avec qui une négociation s’engage pour obtenir la libération de la jeune Milanaise. “Les services secrets italiens ont collaboré avec leurs collègues turcs, qui ont des contacts sur place”, affirme le journal romain Il Fatto Quotidiano, qui indique que “déjà fin avril, les services transalpins, avec le support logistique de leurs homologues turcs, avaient signé un pacte avec les islamistes”. Un accord dont les détails financiers demeureront secrets, mais qui a porté ses fruits, puisque Silvia Romano a atterri à l’aéroport de Rome le dimanche 10 mai. Dix-huit mois après son enlèvement.

“Silvia, l’ingrate”

Si hier, l’heure était encore aux célébrations dans les colonnes de la presse transalpine, ce lundi 11 mai, les premières images de la jeune volontaire et les déclarations qui ont suivi ont alimenté des polémiques dans certains quotidiens. Silvia Romano est descendue de l’avion vêtue d’un jilbab vert (un habit porté par les femmes musulmanes de cette région d’Afrique) et a déclaré qu’elle s’était “convertie à l’islam, mais sans conditionnement, de façon volontaire”, écrit le site d’information Open, en rapportant les déclarations de la bénévole. Silvia Romano a indiqué que sa conversion a eu lieu à la suite de la lecture du Coran durant cette longue période de captivité. Une conversion qui aurait également poussé la jeune Milanaise à changer de nom, puisque selon la presse transalpine, elle s’appellerait désormais Aicha.

Voilà qui a poussé une partie de la presse de droite italienne à s’insurger contre cette conversion vécue comme une trahison. “Musulmane et heureuse, Silvia l’ingrate”, titre en une de son édition quotidienne Il Giornale. “Nous avons libéré une musulmane”, renchérit le journal conservateur Libero Quotidiano. Des accusations qui ne figurent pas dans les autres grands titres de la presse italienne, qui ne manquent pourtant pas de souligner – pour bon nombre d’entre eux – cette conversion inattendue sur leurs premières pages.

“Une double victoire pour les chebabs”

De son côté, sans porter de jugement de valeur sur le choix de la jeune femme, le quotidien de centre gauche La Repubblica définit le dénouement de cette histoire comme “une double victoire des chebabs”. Une affirmation justifiée comme il suit :

Avec l’enlèvement de Silvia Romano, les chebabs somaliens ont obtenu une double victoire, non seulement d’un point de vue financier, mais aussi en ce qui concerne leur propagande. La conversion de la jeune femme, qui ne s’est pas faite par la contrainte, comme elle l’a elle-même déclarée, donne à ce groupe pour la première fois une nouvelle image. D’assassins cruels, les chebabs peuvent désormais être considérés des geôliers pleins de compassion, puisqu’ils ont réussi à pousser leur otage à embrasser leur dieu. Alors qu’Al-Qaida est encore à la recherche d’un leader, et que l’État islamique essaye péniblement de relever la tête, le groupe somalien réussit un coup qui lui donne enfin une position de premier plan dans l’univers des djihadistes.”

Tract (Avec Courrier International)