[Tribune] Hommage à Mamadou DIA, décédé le 25 janvier 2009 (par Momar-Sokhna DIOP)

[Tract] – Voilà  presque 12 ans que le Président Mamadou Dia nous a quitté. En lui rendant hommage, nous honorons une personnalité qui se confond avec l’histoire de l’Afrique et en particulier du Sénégal. 

 

    En effet, Mamadou Dia, c’est sans aucun doute, le père de l’indépendance d’un peuple, le peuple sénégalais. Une indépendance dont il a contribué à forger les conditions qui s’articulaient autour de l’abolition de l’économie de traite. 

    Mamadou Dia s’était fortement attaché à instaurer un socialisme humaniste enraciné dans les valeurs sociales et culturelles du Sénégal. 

    Dans son ouvrage « Afrique, le prix de la liberté  », Mamadou Dia démontre qu’il a été un acteur majeur de la vie politique sénégalaise entre 1948 et 1962.   Dès la proclamation de la République indépendante du Sénégal le 20 Août 1960, il fallait rapidement mettre en place de nouvelles institutions et élaborer une nouvelle constitution. Il s’agissait d’une réforme majeure pour laquelle Mamadou Dia et Senghor s’étaient mis d’accord sur un régime bicéphale. La nouvelle constitution du Sénégal fut adoptée le 25 août. Senghor fut élu Président de la République et chef de l’État le 5 Septembre 1960 par un collège électoral réuni en congrès.  

    Le 7 septembre, investi chef du gouvernement/président du conseil, Mamadou Dia consolida la politique de construction nationale et de développement. Il engagea le parachèvement du processus de décolonisation et rechercha des solutions à l’éclatement de la Fédération du Mali. Il réforma les structures administratives et politiques pour doter le pays, depuis la base jusqu’au sommet, des instruments de son développement. 

    Il donna une orientation nouvelle à l’office de commercialisation agricole, outil nécessaire à la réussite de la promotion du paysannat. Selon Dia, le progrès était là. Il s’agissait de mettre en place des structures de participation, des techniques nouvelles de formation, d’information et d’éducation des masses rurales, des formules d’encadrement technique et institutionnel répondant aux exigences du développement participatif.

    C’est ainsi que l’équipe qu’il dirigeait réussit à établir un plan de développement économique et social qui reposait sur une approche profondément enracinée aux réalités locales. Ce travail consistait à cartographier de façon précise, en notant leurs besoins et leurs ressources, les espaces dans lesquels se révélait une problématique de développement partagée par la population qui y résidait. 

    Cette première perspective d’aménagement du territoire et de réorganisation administrative initiait la décentralisation des pouvoirs. Les espaces socioéconomiques et administratifs restructurés ont permis un transfert des compétences, du sommet à la base. Afin d’accompagner cette politique de développement autocentré, Dia mit en place l’École Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM), appelée à former des hauts cadres de l’administration et de la justice capables de mettre en œuvre la nouvelle organisation d’une administration au service du développement et d’une justice soucieuse de l’équité démocratique. 

    Dia lança également l’École Nationale d’Économie Appliquée (ENEA) pour compléter la formation des cadres. Son objectif était de balayer au plus vite l’économie de traite qui écrasait la majorité du peuple. Grâce à l’aménagement du Delta à travers le projet de construction du barrage de Dagana, et plus largement par la construction  de la vallée du fleuve Sénégal, des cultures vivrières se mettaient en place de même que l’approvisionnement en énergie hydraulique. 

    Des projets rizicoles en Casamance, dans le Sine Saloum,  d’aménagement des Niayes à partir du Lac de Guer pour favoriser le maraichage étaient engagés. La Société Africaine de Raffinage (SAR) et les Industries Chimiques du Sénégal (ICS) permettaient d’exploiter le phosphate et les produits pétroliers. 

    Sur le plan financier, Dia créa des crédits populaires de façon à permettre aux coopératives de disposer de moyens financiers et bancaires. La Banque Sénégalaise de Développement (BSD) fut créée. Toutes ces réformes ont eu comme résultats la croissance de la Production Intérieure Brute (PIBE) et une hausse du niveau de vie des populations. 

    Sur le plan africain, Dia participa à la création de l’Union Africaine et Malgache (UAM) qui a permis la réalisation de la Compagnie interafricaine de navigation aérienne (Air Afrique) et de la Banque Africaine de Développement (BAD). Ces deux institutions favorisaient les échanges directs entre peuples africains, la mise en place de moyens financiers, monétaires et économiques harmonieux. 

    Toutes ces initiatives ont été sabotées parce qu’elles ne correspondaient pas aux politiques du Fond Monétaire International, de la Banque mondiale et de la France. C’est la raison pour laquelle un complot fut fomenté contre Mamadou Dia qui voulait tout simplement libérer le pays des servitudes du néocolonialisme. Il s’agissait d’un complot contre la nation Sénégalaise. La politique de Mamadou Dia se voulait de destruction créatrice. Elle inquiétait. Ce combat, Senghor ne l’avait pas compris ou choisi. C’est peut-être la raison pour laquelle le Sénégal peina à affirmer et vivre son indépendance. 

 

Momar-Sokhna DIOP professeur d’économie/gestion et auteur de plusieurs ouvrages dont « Sénégal diagnostic d’un pays candidat à l’émergence L’harmattan 2019 ; Quelles alternatives pour l’Afrique, 2009.