[Tribune] Suppression de la Ville de Dakar : une ligne rouge avec des conséquences socio-économiques désastreuses (Cheikhou Oumar Sy, Président d’OSIDEA)

Invité à l’émission Grand Jury du Dimanche 12 Décembre 2020, M. Oumar Guéye, Ministre des collectivités territoriales, a eu à argumenter difficilement et dans un langage abracadabresque le coup d’Etat rampant contre la Mairie de Dakar en mettant en avant la suppression de la Ville de Dakar qui pour lui est une incohérence d’autant plus que le CGCT parle de Département et de communes.

Dans son argumentaire le Ministre a fait fi du chapitre 5 et aux articles 167 à 187 du CGCT qui traitent de la ville, de la formation de ses organes, de ses compétences, de ses finances et de ses relations avec les communes et au décret n° 2014-830 du 30 juin 2014 portant création des Villes de Dakar, Pikine, Guédiawaye, Rufisque et Thiès. 

Cette obsession suicidaire à vouloir coûte que coûte créer des niches électoralistes afin d’affaiblir l’opposition à travers une désarticulation systématique, d’abord de nos communes traditionnelles vers une communalisation intégrale (créant ainsi des mairies sans aucune ressources), ensuite de vouloir sacrifier nos villes au profit d’un gain de légitimité électoral, va porter un préjudice grave à la cohérence de nos politiques publiques.  

En argumentant cette théorie martienne, le Ministre vient d’annuler de facto les prochains Jeux Olympiques (JO) que devaient accueillir la ville de Dakar (même s’ils ont été repoussés pour 2024 à cause de la pandémie). Les JO sont accueillis par des villes et non des départements. Du point de vue marketing, c’est une très mauvaise communication. 

Il s’y ajoute que le statut de ville a une connotation économique dont l’un des objectifs principaux est d’attirer les investisseurs et de booster l’image du pays. Il serait peu commode, dans une rencontre internationale, que le Président de la République dise au Maire Bill De Blasio de New York que la capitale du Sénégal est Dakar, mais celle-ci n’est qu’un département. A côté, nos voisins comme le Mali continueront d’avoir des villes (Bamako, Sikasso, Kayes etc . ) 

Dans la norme, les coups d’états sont l’œuvre généralement de l’opposition ou des militaires, mais dans ce cas de figure les putschistes sont ceux qui détiennent légalement le pouvoir et n’ont d’autres objectifs que de préserver le pouvoir, même s’il faille réduire la Nation à sa « simple expression ». Il s’y ajoute que conserver le pouvoir par tous les moyens ne veut forcément pas dire que le développement économique va suivre. Pour preuve, malgré toutes les réalisations du chef de l’Etat, le gouvernement a du mal à vendre les produits au point de mettre en place une Task Force et, initier des rencontres entre les ministres et la presse. Cela nous préserverait du contexte où le Secrétaire Général lui-même somnole au point de nous servir la stratégie d’une communication laborieuse. 

L’urgence, et la pandémie l’a montré, est dans la réorganisation de nos communes et de nos régions en pôles de développement économiques, où les villes seront les vitrines d’une coordination des politiques locales. L’Etat doit aussi respecter ses citoyens et ne pas leur imposer une chirurgie esthétique sans avoir organisé un référendum sur cette question avant de faire disparaitre la ville. C’est un abus de pouvoir excessif. 

Alors, il faut que nos hommes politiques retrouvent leur esprit complétement obnubilé par les arcanes du pouvoir.