Tshisekedi règne mais ne gouverne pas : deux juges « préfèrent refuser » leur mutation par le président congolais

Deux juges de la Cour constitutionnelle de République démocratique du Congo (RDC), nommés en juillet à la Cour de Cassation par le président Félix Tshisekedi, ont refusé ce changement de poste préférant « achever » leur actuel mandat, selon une correspondance consultée et authentifiée mardi par l’AFP.

Les juges de la Cour constitutionnelle sont théoriquement inamovibles durant leur mandat.

La décision présidentielle intervient dans un climat de tensions autour de l’indépendance de la magistrature, au sein de la coalition au pouvoir, formée des partisans du président Tshisekedi et de ceux de l’ex-président Joseph Kabila, majoritaires à l’Assemblée nationale, au Sénat ainsi qu’au gouvernement.

Mardi, au cours d’une cérémonie retransmise à la télévision d’État, plusieurs hauts magistrats nommés à la Cour de cassation, au Conseil d’Etat et aux parquets généraux près ces juridictions ont prêté serment devant le président de la République.

Etaient absents, alors qu’ils étaient attendus, les juges Noël Kilomba Ngozi Mala et Jean Ubulu Pungu, nommés en juillet 2014 à la Cour constitutionnelle par le président de l’époque Joseph Kabila pour un mandat de neuf ans, et nommés le 17 juillet présidents à la Cour de Cassation par l’actuel chef de l’Etat.

Une absence due au recours que les deux magistrats ont déposé contre la décision présidentielle, a assuré sur Twitter Michée Mulumba, l’un des assistants du président Tshisekedi.

Dans une lettre conjointe adressée au président de la République, dont l’AFP a reçu mardi une copie, les deux juges expliquent, qu’en « conformité à la Constitution », ils se trouvent « dans l’obligation de rester à la Cour constitutionnelle pour y achever nos mandats constitutionnels » de neuf ans. Il assure également avoir appris leur nomination à la Cour de Cassation « par la voix des ondes et sans consultation préalable ».

« Après [nos] mandats constitutionnels, nous demeurerons totalement et entièrement à la disposition de la République », ajoutent-ils dans cette lettre datée du 27 juillet.

Etaient également absents de la cérémonie de serment des nouveaux magistrats, les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, tout comme le Premier ministre Sylvestre Ilunga, tous membres du camp Kabila.

Plus haute instance judiciaire du pays, la Cour constitutionnelle est composée de neuf juges nommés pour un mandat de neuf ans. Trois sont désignés par le président de la République, trois par le Parlement et trois par le Conseil supérieur de la Magistrature (CSM).

La composition de la Cour est renouvelée par tiers tous les trois ans, trois juges quittant leur poste après tirage au sort. Le prochain renouvellement est prévu en avril 2021.

Les magistrats de la Cour constitutionnelle sont les juges pénaux du président de la République et du Premier ministre et sont chargés du contrôle de « la constitutionnalité des lois, des actes ayant force de loi, des édits et des règlements intérieurs des chambres parlementaires ».

Le 15 juillet, la présidence congolaise avait annoncé la démission du président de la Cour constitutionnelle Benoît Lwamba, dans un contexte de tensions autour de l’indépendance de l’appareil judiciaire.

Fin juin, le Premier ministre avait demandé l’ouverture d’une action disciplinaire contre des magistrats ayant participé à l’arrestation du ministre de la Justice Célestin Tunda Ya Kasende, autre membre du camp Kabila, interrogé plusieurs heures au Parquet avant d’être relâché, au lendemain d’un présumé incident avec le chef de l’Etat en Conseil des ministres.

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