Elle avait 17 ans, lui 27. Elle disait avoir été violée à une soirée, et il a été acquitté. Mais ce 6 novembre à la Cour criminelle de Courk (sud de l’Irlande) ce n’est pas tant le verdict qui a indigné que les arguments mobilisés par l’avocate de l’accusé.

Dans sa dernière plaidoirie, selon l’Irish Examiner qui a couvert le procès, Maître Elizabeth O’Connell intime les jurés de considérer la tenue de la jeune fille : «Est-ce que les preuves excluent la possibilité qu’elle ait été attirée par l’accusé, et qu’elle était disposée à rencontrer quelqu’un, à être avec quelqu’un ? Vous devez regarder comment elle était habillée. Elle portait un string avec des dentelles.»

Le fait de reprocher à une femme qui se dit victime de viol sa manière de s’habiller, conjugué à l’acquittement de l’accusé, a déclenché un mouvement de protestation : en ligne avec le hashtag #ThisIsNotConsent («Ce n’est pas un consentement»), photos de sous-vêtements à l’appui, ou dans les rues de plusieurs villes irlandaises. Et même au parlement de l’île, où la socialiste Ruth Coppinger a brandi une culotte en dentelle lors de la séance du 13 novembre des questions au gouvernement (un peu avant 33 minutes), pour dénoncer les violences faites aux femmes et évoquer le procès polémique. Plusieurs observateurs ont aussi déploré cette stratégie courante consistant à blâmer la victime d’un viol, y compris dans les tribunaux.

Si le propos de l’avocate de la défense a particulièrement choqué, et a pu influencer la décision, il semble toutefois excessif de dire que la seule évocation des sous-vêtements de l’adolescente a permis à l’accusé d’être acquitté à l’unanimité par les jurés (huit hommes, quatre femmes), comme vous le sous-entendez dans votre question. Et comme l’ont écrit de nombreux médias, selon qui «un homme [a été] acquitté pour le viol d’une ado car elle portait un string».

Plus largement, les versions de la soirée où le viol se serait produit divergent : l’homme assure que la jeune fille était consentante et qu’ils se sont embrassés (ce que personne n’a vu), et l’adolescente dit le contraire. Un témoin dit avoir vu l’homme avec la main sur sa gorge de la jeune fille, mais l’intéressé dit que la scène a été mal interprétée.

C’est du moins ce qu’on lit dans l’Irish Examiner. Contacté, le journaliste qui a couvert le procès refuse d’en dire plus qu’il n’en a écrit. Le procureur qui plaidait pour la plaignante explique à CheckNews être tenu au silence par le Code du barreau irlandais. Tout comme l’est sa consœur, qui a utilisé l’argument du string.

Impossible donc de savoir si l’exhibition des sous-vêtements de l’adolescente a joué un rôle prédominant dans le verdict. La seule certitude, c’est que l’avocate a bien utilisé cet argument, qui revient à rendre responsable la victime. Pour la directrice du Cork Sexual Violence Center citée par le New York Times, le «problème n’est pas juste l’avocate, mais le système» qui lui permet d’utiliser cet argument.