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INTERVIEW – Madické Niang : « Je n’ai pas trahi les Wade »

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Très proche de l’ancien président Wade, Madické Niang, candidat à la présidentielle sénégalaise, dit ne faire que son devoir en briguant la magistrature suprême. Et promet de se retirer si Karim Wade était finalement autorisé à participer au scrutin du 24 février.

Les intimes d’Abdoulaye Wade ne sont pas nombreux. Ceux qu’il a perçus comme successeurs éventuels le sont encore moins. Mais Madické Niang est de ceux-là – peut-être même est-il le seul à avoir bénéficié de la pleine confiance de l’ex-président des années durant. En septembre, leur relation, vieille de plus de trois décennies, s’est pourtant brusquement dégradée.

En cause ? La décision de ce florissant et coquet avocat de présenter une « candidature alternative » à celle de Karim Wade, à laquelle seuls son père et quelques barons du Parti démocratique sénégalais (PDS) font encore mine de croire.

Accusé d’avoir trahi Abdoulaye Wade, dont il a été le premier conseil et plusieurs fois le ministre, Madické Niang se défend et assure ne faire que son devoir en défiant Macky Sall à la présidentielle du 24 février 2019.


Pour la première fois depuis l’annonce de sa candidature au début d’octobre, le natif de Saint-Louis se confie sur les raisons de son choix. De cet entretien dans sa vaste villa du quartier huppé des Almadies, à Dakar, il ressort une impression : celle d’un homme marchant désormais sur un fil, tiraillé entre ses ambitions présidentielles et sa loyauté revendiquée au clan Wade.

Jeune Afrique : Pourquoi vous présentez-vous à la présidentielle alors que Karim Wade est toujours officiellement le candidat du PDS ?

Madické Niang : Mon ambition n’est pas née aujourd’hui. En 2012, le président Wade m’a dit que, de tous ceux qui l’entouraient, j’étais celui qui avait le plus de chances de reconquérir le pouvoir. Entre-temps, il y a eu l’affaire Karim Wade, son arrestation et sa nomination comme candidat du PDS.

Je peux aujourd’hui révéler qu’à l’époque le président Wade et son fils avaient souhaité que je sois candidat à l’investiture. Je leur avais dit non. D’abord, parce que je ne pouvais pas m’opposer à Karim en raison des liens très proches que j’ai avec son père.

Ensuite, parce que j’étais son avocat et que je devais tout faire pour qu’on le libère dans les meilleurs délais. Enfin, parce qu’il fallait un large consensus interne pour montrer que Karim était notre candidat légitime.

JE SUIS LIÉ À VIE À LA FAMILLE WADE

Pensez-vous qu’il est définitivement hors jeu, même si le Conseil constitutionnel n’a pas encore statué sur les candidatures ?

J’ai beau ne pas être d’accord, le pouvoir peut nous opposer de sérieux arguments pour écarter sa candidature. Notre recours devant le Conseil constitutionnel contre la loi modifiant le code électoral a été rejeté.

J’ai plaidé devant la Cour suprême pour l’inscription de Karim Wade sur les listes électorales, mais elle a rendu une décision défavorable, qui est définitive et inattaquable. C’est à partir de ce moment-là que j’ai écrit au président Wade pour défendre l’idée d’une candidature alternative.

Êtes-vous en contact avec Karim Wade ?

Je n’ai jamais parlé de mes relations personnelles en interview. Je peux juste vous dire que je suis lié à vie à cette famille.

MA CANDIDATURE EST UNE CANDIDATURE ALTERNATIVE, POUR FAIRE EN SORTE QUE LE PDS SOIT REPRÉSENTÉ

Qu’allez-vous faire si Karim Wade rentre au Sénégal avant l’élection, comme il l’annonce depuis des mois ?

Je ferai partie des leaders présents pour l’accueillir. Je serai parmi ceux qui se battront pour qu’il ne soit pas incarcéré. Je serai parmi ceux qui iront manifester pour que sa candidature soit acceptée. J’ai la conviction qu’il a été injustement condamné et qu’on veut l’écarter de cette élection. J’ai toujours été à ses côtés. Depuis six ans, je n’ai ménagé aucun effort pour le défendre.

Retireriez-vous votre candidature si la sienne devait finalement être validée ?

Oui. Je l’ai dit et je le répète : ma candidature est une candidature alternative, pour faire en sorte que le PDS soit représenté.

Pourquoi n’a-t-il toujours pas quitté Doha et reste-t-il muet ?

Il choisit librement sa stratégie. Il est à Doha, chez des amis et en sécurité. Je suis sûr qu’il envisage de rentrer le plus rapidement possible au Sénégal. Pour le reste, il parle, il envoie des messages et il intervient sur toutes les questions. Il ne veut juste pas accorder d’interview.

Vous avez été au cœur des négociations secrètes pour sa libération en juin 2016. Quel est l’accord qui a été passé avec les autorités sénégalaises ?

Je suis avocat et suis tenu au secret professionnel. La seule chose que je peux dire est que j’ai négocié en total accord avec mon client. La suite me donne raison. Si ses droits n’avaient pas été respectés, Karim n’aurait pas pu continuer à élargir sa base politique et à s’exprimer sur toutes les questions qui concernent le pays.

AVEC ABDOULAYE WADE, NOTRE RELATION EST FUSIONNELLE ET ELLE LE RESTERA

Votre candidature vous a valu la réprobation d’Abdoulaye Wade. Que lui répondez-vous ?

Je lui ai déjà dit que l’histoire me donnerait raison. Voilà deux mois que ma candidature a été lancée. L’adhésion forte des Sénégalais montre que je constitue une alternative sérieuse, comme lui-même l’avait pensé. J’ai déjà atteint le nombre requis de parrainages. Partout, lors de mes tournées à l’intérieur du pays, les masses sont venues vers moi.


Regrettez-vous d’en être arrivé là avec lui ?

Notre relation est fusionnelle et elle le restera. Lui-même m’a écrit pour me dire que le lien qui nous unit est fort et que rien ne devrait le rompre. J’ai immédiatement répondu pour lui dire que je partageais cette conviction et lui rappeler la place qu’il occupe dans mon cœur.

Pensez-vous vraiment que votre candidature n’a rien changé ?

Nos relations ont changé sur le plan politique, pas sur le plan personnel. Il faut dissocier les deux, lui-même le fait. Abdoulaye Wade a dit que je resterai toujours son frère. Pour moi, il restera toujours mon ami, mon frère et ma référence politique.

Êtes-vous toujours en contact avec lui ?

Oui, mais ce ne sont pas des contacts fréquents car je suis toujours sur le terrain. Nous échangeons directement ou par l’intermédiaire d’amis.

Pourquoi refuse-t-il tout autre candidat que son fils pour le PDS ?

Il ne supporte pas l’injustice. Or il considère que Macky Sall a décidé d’éliminer Karim de la course à l’élection présidentielle en le condamnant injustement. Aucun père ne peut accepter cela.

Comment expliquez-vous qu’il ait rompu, parfois violemment, avec tous ceux qui ont un jour espéré lui succéder à la tête du PDS ?

Il y a eu des situations qu’Abdoulaye Wade n’a pas acceptées. Quand il se rend compte que quelqu’un est en train de tisser sa toile à son insu, il considère qu’on lui a manqué de loyauté et agit en conséquence. C’est ce qui s’est passé avec certains.

JE NE SUIS PAS QUELQU’UN QUE MACKY SALL PEUT MANIPULER, J’AI DONNÉ TOUT CE QUE J’AVAIS À DONNER AU PDS, AU PRÉSIDENT WADE ET À SA FAMILLE

Peut-il imaginer que vous avez à votre tour manqué de loyauté ?

Je lui aurais manqué de loyauté si je m’étais déclaré candidat bien avant la décision de la Cour suprême. La majorité du PDS estime depuis longtemps qu’il faut une candidature alternative. Malheureusement, cette majorité est restée silencieuse.

Pendant deux ans, j’ai subi des pressions énormes de nombreuses personnes. Je leur ai toujours répondu la même chose : tant que la candidature de Karim a des chances d’aboutir, je tairai la mienne. Aujourd’hui, j’ai le devoir d’être candidat.

Que répondez-vous à ceux qui estiment, au sein du PDS, que votre initiative affaiblit le parti ou même qu’elle est téléguidée par Macky Sall ?

Ce que je fais profite au parti. Des gens qui n’avaient jamais soutenu le PDS sont venus vers moi. Des leaders politiques et religieux m’ont apporté leur soutien. Ma candidature n’est pas téléguidée par le pouvoir. Qui peut croire cela ?

Abdoulaye Wade a eu pour dessein de m’installer comme son second, il l’a déclaré à Touba et ailleurs. Je ne suis pas quelqu’un que Macky Sall peut manipuler. J’ai donné tout ce que j’avais à donner au PDS, au président Wade et à sa famille. Je ne suis pas un homme qui trahit.

JE SUIS TOUJOURS MEMBRE DU PDS, CAR JE N’AI REÇU LA DÉCISION D’AUCUNE INSTANCE RÉGULIÈRE DU PARTI M’INFORMANT DU CONTRAIRE

Êtes-vous toujours membre du PDS ?

Oui, car je n’ai reçu la décision d’aucune instance régulière du parti m’informant du contraire.

Comme le président Wade, vous êtes un mouride et un membre influent de cette communauté. Le khalife a-t-il tenté une conciliation entre vous et le clan Wade ?

Le khalife ne se mêle pas d’affaires politiques. Il est à la tête d’une confrérie à laquelle appartiennent des Sénégalais de tous bords. Il nous manifeste sa sympathie et son affection, mais il s’en tient là.

Vous sentez-vous soutenu par la communauté mouride ?

Je suis très proche d’elle. J’ai la chance de bénéficier des prières du khalife chaque fois que je le rencontre. J’ai enregistré des milliers de parrainages à Touba. La communauté mouride me soutient, comme d’autres.

LE BILAN DU MANDAT DE MACKY SALL EST DÉSASTREUX

Quel bilan tirez-vous du mandat de Macky Sall ?

Il est désastreux. Les Sénégalais continuent de faire face à de grandes difficultés. Depuis six ans, les autorités n’ont pas trouvé de solutions. Je n’ai jamais vu un président être élu sur la base d’un programme qu’il change une fois arrivé au pouvoir.

Il disait notamment qu’il allait lutter contre la pauvreté. Or celle-ci a gravement augmenté dans notre pays. Il a attendu sa dernière année au pouvoir pour parler d’une année sociale. Il a été incapable de répondre aux attentes dans tous les secteurs.

Sa réélection dès le premier tour, prédite par ses partisans, vous paraît-elle possible ?

Non. Je le contraindrai à un second tour et je gagnerai.

Quel message souhaitez-vous adresser à Abdoulaye Wade et à son fils ?

Je veux leur dire que rien ne peut me faire dévier de mon objectif : battre Macky Sall, permettre aux victimes d’injustices – à commencer par Karim Wade et Khalifa Sall [l’ancien maire de Dakar] – de recouvrer leurs droits, soutenir les Sénégalais les plus défavorisés… Je leur dis aussi que je suis un homme d’honneur et que je continue à me considérer comme un membre de leur famille.

JA

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