[ Tribune ] Violences et bavures policières : pas d’amalgame entre la France et les États-Unis (Momar-Sokhna Diop)

L’affaire George Floyd, une marque de violence policière américaine menant au meurtre de cet homme, déclenche, partout dans le monde et en particulier en France, des mouvements de révolte contre les abus inacceptables des hommes de tenue.

En effet, cet acte tragique remet à la une de l’actualité française l’affaire Adama Traoré, mort le 19 juillet 2016 à la gendarmerie de Persan dans le Val-d’Oise, après son interpellation à Beaumont-sur-Oise. Il s’agit d’une mort provoquée par un vigoureux placage ventral des gendarmes qui l’aurait étouffé. En tous les cas, la justice se serait ressaisie de l’affaire afin d’apporter plus d’éclairages.

Aujourd’hui, nombreux sont les français qui s’indignent de la prolifération des violences ou des bavures policières qui, je rappelle, consistent à employer la force hors du cadre défini par le code de déontologie de la Police et de la Gendarmerie nationale.

Toutefois, il faut éviter les amalgames. Ce serait réducteur de s’appuyer sur ces pratiques inacceptables et d’en déduire que « la police française est raciste ». Il serait également imprudent de considérer que le racisme est au même degré aux USA qu’en France.

Aux USA, l’idéologie de la supériorité de la race blanche est toujours présente et établie par des groupes très bien organisés. En France, elle l’était. Mais elle est remplacée, plutôt, par une xénophobie entretenue par des mouvements extrémistes qui en font leur fonds de commerce politique.

Il y’ a surement au sein de la police des personnes racistes, qui tiennent des propos ou qui adoptent des attitudes à caractères racistes. Ce sont malheureusement des maux qui affectent de plus en plus de corps de métiers dont la police et l’éducation nationale pour ne citer que ces secteurs. Et nous déplorons et combattons tous ces faits.

Pour ma part, je ne pense pas que la police nationale est une institution raciste. Au sein de la police, sont engagés, normalement, des français non en fonction de la couleur de leur peau, mais en fonction de leurs compétences.

Le problème auquel sont confrontés la police et la plupart des corps de métiers est le manque de moyens et de formation. Les conditions de travail dans ces institutions de la République sont de plus en plus déplorables. Nous l’avons remarqué lors de l’apparition du Covid-19 dans le secteur de la santé.

Il s’agit de difficultés issues des politiques libérales mises en place par les régimes qui se sont succédés.

Les conséquences se manifestent au niveau du recrutement des agents chargés de respecter et de faire respecter les principes fondamentaux de la République française énoncés dans sa devise : « Liberté, Égalité, Fraternité ». Souvent, les directions des ressources humaines recrutent des agents pour combler les urgences sans compter le manque d’effectifs dans les dites banlieues délaissées par les politiques publiques.

Ce sont les raisons pour lesquelles les personnels de la sécurité nationale, très démunis, se retrouvent à gérer des situations pour lesquelles ils n’ont pas été préparés à affronter en amont. Et malheureusement, ces difficultés sont plus fréquentes dans les zones sensibles où sont parquées, en majorité, les familles défavorisées souvent d’origines noires africaines et magrébines.
Cela dit, je pense qu’il faut apaiser les tensions et se mobiliser pour aider la police, l’éducation, la santé à se donner les moyens de leur refondation.

Il s’agit de leur doter d’infrastructures dignes de ce nom et d’agents compétents qui connaissent et qui respectent les missions pour lesquelles ils sont recrutés. Alors, comme le métier d’enseignant et de soignant, celui de policier ne s’improvise pas. Il s’apprend et se consolide régulièrement tout au long d’une carrière.

Ces maux de la police se retrouvent dans les secteurs où on peut rencontrer des personnels qui adoptent des comportements qui ne correspondent pas à ceux que l’on attend d’eux.
Notre rôle ne doit pas consister à se fonder sur ces cas isolés pour qualifier la police d’institution raciste.

Je rappelle que le racisme est un concept très clair. Peut être considérée comme raciste, toute personne qui croit profondément qu’il appartient à une race supérieure à une autre. C’est par exemple le fait d’être convaincu que « la race blanche est supérieure à la race noire » comme le défendaient Le Comte de Gobineau connu pour son essai sur l’inégalité des races humaines et tous les ethnocentristes européens racistes qui ont été les organisateurs de l’esclavage, de la colonisation et du néocolonialisme. Ceux-là, il faut continuer de les combattre comme l’avait fait le professeur Cheikh-Anta Diop et dont les disciples continuent le travail.

La France est un grand pays malade. Notre rôle, en tant que citoyen responsable, ne consiste pas à la stigmatiser. Il s’agit de l’aider à se débarrasser de ces virus de mal-gouvernance et de politiques discriminatoires mises en place depuis des décennies, continuant ainsi de masquer les difficultés et de creuser les inégalités sociales sources de toutes ces tensions que nous vivons.

Momar-Sokhna DIOP
Professeur d’économie-gestion / Ecrivain