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Alternance de 2000 : Qui du Général Lamine Cissé ou d’Abdou Diouf est l’artisan du coup de fil à Wade ?

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Le général Lamine Cissé est donc décédé la semaine dernière, dans sa quatre-vingtième année. Il y a une polémique qui ne trouvera pas de réponse. Est-ce lui qui a convaincu Diouf d’appeler Wade le 19 mars 2000? Ou Diouf l’a t-il fait de son propre chef le 20 mars au matin? Dans leurs écrits respectifs, le général Cissé et Abdou Diouf divergent.

Dans les «Carnets secrets de l’alternance» parus en 2001, l’ancien ministre sénégalais de l’intérieur, le général Lamine Cissé livre sa vision des heures qui ont précédé la proclamation de la victoire électorale d’Abdoulaye Wade. Selon lui, Il est 23h40 le soir du 19 mars 2000 quand le général Lamine Cissé, ministre de l’intérieur décide d’annoncer au président Diouf qu’il a perdu l’élection présidentielle. «La situation est difficile pour vous et pour votre parti», commence le ministre de l’intérieur. L’entretien téléphonique va durer 20 minutes. Lorsque les deux hommes raccrochent, le président sortant Abdou Diouf a accepté sa défaite. Voici l’épisode central du passionnant livre écrit par le général Lamine Cissé. Un livre qui lève un coin de voile sur le second tour de l’élection présidentielle du 19 mars 2001 qui a vu la victoire de Me Abdoulaye Wade mettant fin ainsi à une opposition de vingt-six ans.

Nommé ministre de l’Intérieur en 1998, le général Lamine Cissé, ancien chef d’état-major général de l’armée sénégalaise, avait pour mission essentielle d’organiser les élections législatives de la même année et l’élection présidentielle de l’an 2000. Personnage attachant, militaire compétent, chevronné et respecté, homme d’esprit friand de facéties et d’anecdotes, le général Lamine Cissé aura été au centre de la vie politique sénégalaise entre 1998 et 2000, focalisant ainsi toutes les passions et autres ressentiments de l’ensemble de la classe politique. Le pouvoir comme l’opposition l’interpellaient et en appelant à sa conscience de militaire afin que les élections se déroulent dans la régularité et la transparence.

Homme de défis et de missions périlleuses parfois, le général Lamine Cissé s’est plu à assumer son rôle d’organisateur des élections et à mettre en valeur son dévouement à la démocratie. En dépit de toutes les attaques dont il a été l’objet de la part de l’opposition qui le jugeait en compromission avec le pouvoir en place, il a su tenir bon et se placer à égale distance des deux camps pour que l’équité et la démocratie triomphent au terme de l’élection présidentielle de 2000.

Cinq coups de fil pour convaincre Diouf

La mission la plus difficile du général Cissé a sans doute débuté au soir du 19 mars puisque dès 18h50, il avait le redoutable devoir d’amener le président Diouf à accepter et à digérer sa défaite. Le général commence à donner au président les premières tendances à partir des 275 bureaux de vote tests répartis sur tout le Sénégal. Selon le Général Cissé, ces tendances se sont révélées être d’une précision diabolique puisqu’elles donnaient 41,99 % à Abdou Diouf et 58,49 % à Abdoulaye Wade, (Les chiffres officiels et définitifs ont donné 41;51 % à Diouf et 58,49 % à Wade).

Dans ces conditions, l’urgence pour le général Cissé était de faire comprendre au président Diouf avec tact et progressivement qu’il lui fallait intégrer l’idée d’une défaite probable. C’est pourquoi entre 18h50 et 23h40 au soir du 19 mars, le général Cissé a téléphoné au président Diouf à cinq reprises. La tâche du ministre de l’intérieur était d’autant plus ardue qu’il lui fallait faire vite pour couper l’herbe sous les pieds de certains partisans du président sortant qui tentaient de proclamer leur candidat élu. Aussi, révèle le général, non seulement il fallait faire accepter à Abdou Diouf sa défaite mais il fallait également l’amener à la reconnaître publiquement. Pour ce faire le général Cissé a même recouru aux capacités de persuasion de l’ancien premier ministre, Habib Thiam, pour convaincre son ami Diouf d’accepter sa défaite. Le Général est allé même jusqu’à demander à l’aide de camp du président Diouf de lui signaler toutes les personnes reçues par ce dernier dans la soirée du 19 et dans la matinée du 20 mars. Il craignait ainsi que le président, qu’il a trouvé dans une totale solitude, le soir du 19 mars ne soit envahi dans la matinée du 20 mars par des personnes susceptibles de le dissuader d’accepter sa défaite.

En définitive, le général Lamine Cissé finira par convaincre le président Diouf en lui disant «Si vous félicitez votre adversaire comme vous l’avez promis à votre directoire de campagne, vous serez le vainqueur moral de cette élection.» Abdou Diouf finit par abdiquer en téléphonant à son challenger et vainqueur. Le Sénégal venait de basculer dans l’alternance et le soldat au coeur de la démocratie, pourtant tant décrié notamment à cause des cartes d’électeurs qu’il a fait confectionner en Israël, venait d’éviter au Sénégal de partir dans des dérives incertaines.

Cela c’est la version du général Lamine Cissé. Abdou Diouf en a livré une autre version complètement différente, dans ses Mémoires publiés en 2014 :

« Non, je n’ai jamais voulu m’accrocher au pouvoir. Je n’ai jamais voulu aller à contre-courant de la volonté clairement exprimée d’un peuple qui m’a longtemps fait confiance, et qui m’a beaucoup donné. Je ne suis pas un homme à m’accrocher à un pouvoir que j’ai perdu par les urnes. Les Sénégalais ont encore en mémoire mon peu de combativité vers la fin, car j’avais senti que le peuple voulait l’alternance.

« Le jour du second tour, le 19 mars 2000, au fur et à mesure que me parvenaient les chiffres du scrutin, je me faisais une idée de la suite. J’étais dans ma chambre, entouré de ma famille. Habib Thiam me tenait régulièrement informé des résultats diffusés par les radios. Les chiffres tombaient, et par la volonté exprimée dans les urnes, le pouvoir que m’avait confié le peuple était en train de basculer vers le camp adverse. Je n’avais plus de doute, le peuple sénégalais était en train de s’offrir sa première alternance politique après quatre décennies de présence de notre parti à la tête du Sénégal.

Cette nuit-là, vers 23 heures, mon ami Babacar Touré, président du groupe de presse Sud Communication, m’a appelé. Je lui ai annoncé que j’avais perdu. Il m’a dit : « Monsieur le Président, voulez-vous faire une déclaration ? » Je lui ai répondu : « Je ne veux pas faire de déclaration orale, je veux faire une déclaration écrite, parce qu’à partir du moment où quelqu’un d’autre a gagné, je ne veux plus qu’on entende ma voix. Je suis maintenant dans l’ombre, c’est lui qui doit être en pleine lumière. Mais demain matin, à la première heure, j’enverrai une déclaration écrite. » Babacar Touré a d’ailleurs porté témoignage quand je suis devenu secrétaire général de la Francophonie, lorsqu’il m’a invité à la conférence de la rédaction du journal Sud Quotidien.

Le lendemain, je me suis réveillé très tôt et je suis allé à mon bureau pour appeler Wade, le féliciter. Je tenais à le faire avant de publier ma déclaration. Je n’ai pu l’avoir au téléphone du premier coup. J’ai donc reçu mes collaborateurs : Bruno Diatta, ambassadeur et chef du protocole, Ousmane Tanor Dieng, Cheikh Tidiane Dièye, conseiller spécial en communication. J’ai ensuite demandé à mon secrétaire d’appeler à nouveau Wade en insistant : « Tu appelles et tu insistes, il faut absolument que je lui parle, et tout de suite. » Il est tombé sur Pape Samba Mboup, qui est parti chercher Wade. Je l’ai félicité chaleureusement en lui souhaitant plein succès pour lui, pour le pays. J’ai ajouté que j’étais à son entière disposition pour une rencontre en vue de la prestation de serment et de la passation de service. C’est à ce moment que j’ai envoyé ma déclaration, qui était prête depuis le matin à la première heure. »

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