[ANALYSE] NEMEKOU TOUR : 2024, Ousmane Sonko se débarrasse de ses alliés et veut y en aller en solo

Ousmane Sonko sur la rampe de lancement pour 2024 ?

Sen’Tract, Tract du Sénégal – Le leader du Pastef, Ousmane Sonko, après avoir restructuré son parti, sillonne le pays dans le cadre de son « Nemekou tour » sans ses alliés de la coalition Yewwi Askan Wi (YAW). Certains pensent que cette échappée solitaire pourrait fragiliser l’unité de la coalition Yewwi Askan Wi. D’autres, au contraire, soutiennent que cela n’entrave en rien les acquis consolidés de la coalition. Au contraire, disent-elles, elle pourra faciliter un rapprochement de ces leaders avec les potentiels votants à la présidentielle de 2024.

La politique étant une épreuve pénible puisque, en plus d’énormes moyens financiers et d’efforts physiques inhumains, elle exige des stratégies et des stratagèmes. Ceux qui s’y adonnent doivent avoir plusieurs cordes à leur arc pour espérer conquérir les suffrages des électeurs. Ousmane Sonko, en choisissant de faire son « Nemekou tour », est sans doute conscient de la nécessité de descendre sur le terrain à la rencontre des populations. Lesquelles sont de potentiels électeurs. Le but de ces rencontres serait de mieux comprendre les enjeux et les attentes des administrés. Ce afin de pouvoir concocter une offre politique à même d’emporter leur adhésion et, donc, de se traduire en bulletins dans les urnes, indique le quotidien Le Témoin sous la plume de Zaynab Sangaré.

Malgré l’engagement politique et la détermination d’Ousmane Sonko, ses adversaires politiques refusent de lui laisser le terrain. Même s’ils ne l’attaquent pas directement avec des jets de pierre et autres, certaines attitudes des forces de sécurité semblent taillées sur mesure pour le gêner aux entournures dans ses déplacements. L’exemple de l’étape de Joal avec des jets de lacrymogènes de gendarmes sur le cortège du leader de Pastef en attesterait.

Il n’empêche, cette tentative d’intimidation — ainsi a été considéré cet incident — a été mal appréciée par les populations au niveau national. Ce vent de sympathie provoqué par un acte pas très intelligent a semblé conforter Ousmane Sonko dans sa quête d’aura et d’électeurs. Même s’il déclare qu’il n’a demandé à personne de se joindre à lui sur le terrain politique, les images montrent qu’il draine parfois des foules et décroche par ricochet des leaders de divers camps.

Seul, sans Khalifa Sall, Barthélémy Diaz, Déthié Fall et Cie, Ousmane Sonko se comporte comme une sorte d’éclaireur pour l’opposition. Sa descente politique pourrait, dans le cadre de la coalition, être un catalyseur pour motiver les populations à faire le choix du changement. A l’arrivée, seul le résultat des urnes compte. Rien d’autre ne tient. Ousmane Sonko en est conscient. Et laboure donc inlassablement son champ électoral, sourd aux cris d’orfraie de ses adversaires du pouvoir.

SEYBANI SOUGOU, POLITOLOGUE : « Le Nemekou Tour ne doit pas être confondu avec une campagne électorale »

Seybani Sougou, politologue, considère que ce serait une erreur d’avoir une lecture axée sur les bains de foule pour juger de la réussite ou de l’échec du « Nemekou Tour ». D’après lui, cette activité, étant une stratégie politique qui vise à aller à la rencontre des populations, à tâter leur pouls et à évaluer la situation, ne doit pas être confondue avec une campagne électorale.

Il indique qu’on doit permettre à Sonko d’ajuster son programme sur certains points au contact des réalités du terrain. Et il est logique que Khalifa Sall et Déthié Fall n’aient pas accompagné Sonko dans sa tournée. Pour cause, eux aussi sont à la tête de mouvements et de partis et sont de potentiels candidats (sauf s’ils déclarent le contraire). On voit mal de potentiels candidats se mettre au service d’un autre candidat !

 Ainsi, selon M. Sougou, on peut tout de même noter que lorsque les gendarmes ont utilisé des gaz lacrymogènes sur le cortège de Sonko à Joal, la conférence des leaders de Yewwi a publié un communiqué pour lui témoigner un soutien total, tout en dénonçant les agissements illégaux des forces de l’ordre. « La solidarité entre membres de la coalition Yewwi, à ce stade, n’est pas remise en cause », constate-t-il.

Seybani Sougou a évoqué les résultats des élections législatives du 31 juillet dernier qui ont eu pour conséquence, à ses yeux, une recomposition totale de la scène politique. Pour la première fois dans l’histoire politique du Sénégal, rappelle-t-il, la mouvance présidentielle ne dispose pas d’une majorité confortable pour pouvoir mener ses réformes. « Cette configuration nouvelle a créé un contexte favorable à la coalition Yewwi Askan Wi dont les résultats spectaculaires, en termes de sièges, à l’Assemblée nationale portent l’empreinte personnelle de Sonko. Puisque sa participation active dans la campagne a été déterminante. A 15 mois de la présidentielle, l’approche d’Ousmane Sonko, consistant à réorganiser et restructurer son parti pour se mettre en ordre de marche est pertinente. Car, une élection présidentielle n’est pas une élection comme les autres. Elle nécessite une stratégie politique, une machine électorale parfaitement huilée, et une organisation capable de porter et de vulgariser son projet », explique Seybani Sougou.

L’analyste politique ne pense pas que le fait qu’Ousmane Sonko ait décidé de faire un « « Nemekou Tour » sous le label de son parti Pastef soit un handicap. Etant donné qu’il a déclaré publiquement qu’il sera candidat à la présidentielle de 2024, il est cohérent qu’il occupe et anime le terrain politique. D’après Sougou, cette stratégie peut même s’avérer payante. « A ce jour, aucun autre membre de la coalition Yewwi, y compris Khalifa Sall, n’a fait état publiquement de sa volonté d’être candidat. Même si, une ou deux autres candidatures émergeaient au sein de la coalition Yewwi, ça ne devrait pas générer des tensions. D’autant qu’on a l’habitude de dire que l’élection présidentielle, c’est avant tout la rencontre entre un homme et un peuple », rappelle Seybani Sougou.

 N’empêche, il reste d’avis que la logique d’élections législatives n’est pas celle d’une élection présidentielle. Ce qui importe, retient-il, c’est que les membres de la coalition Yewwi Askan Wi puissent s’accorder sur les termes de l’alternance souhaitée par une majorité de Sénégalais. Du moins selon notre interlocuteur.

AMADOU TIDIANE WONE, ANALYSTE POLITIQUE : « Le Pastef, dans sa restructuration adopte une démarche d’ouverture et d’écoute à saluer »

Amadou Tidiane Wone, en observateur attentif de la scène politique nationale, évoque la restructuration politique du parti Pastef. Il dit avoir constaté que ce jeune parti innove en se dotant de structures de conseil, parfois confiées à des personnalités non encartées. Il s’agit, d’après l’ancien ministre de la Culture du résident Wade, d’une démarche d’ouverture et d’écoute qui mérite d’être saluée. La publication des décisions prises par la direction du Pastef révèle également que plusieurs générations d’hommes et de femmes d’expérience, en provenance de divers horizons, se retrouvent autour du projet Pastef. Cette convergence d’expertises et d’expériences laisse croire à une maturité consacrée. Et, certainement, à des formes nouvelles d’expression du projet de Pastef. Pour élargir la base sociale, c’est une démarche salutaire et porteuse de sens, pense l’ancien ambassadeur du Sénégal au Canada.

Amadou Tidiane Wone refuse cependant la thèse d’un éloignement entre Ousmane Sonko et la coalition Yewwi Askan Wi. Bien au contraire ! Selon lui, il ne faut pas oublier que Yewwi est une coalition électorale qui a bien fonctionné. Mais chaque organisation membre garde la latitude d’organiser ses structures et de les animer. En fonction des enjeux à venir, les modalités d’une organisation nouvelle verront certainement jour. « Ne cherchons pas à voir le mal partout ! », prévient-il.

 Amadou Tidiane Wone rappelle que le Sénégal n’est pas encore en période de campagne électorale pour la présidentielle. Dans son entendement et sa compréhension, le « Nemeku Tour » est une innovation basée sur des visites de proximité et des causeries intimistes entre le leader du Pastef et le Sénégal des profondeurs. Il s’agit pou Ousmane Sonko de tâter le pouls du Sénégal profond. Il s’agit aussi de fouetter l’ardeur militante de la base de son parti, de poser un regard sur les réalités vécues dans les coins et recoins du Sénégal.

Aussi, l’analyste croit que les forces de l’ordre gagneraient à garder leur sérénité et surtout à ne pas créer de problèmes là où, manifestement, il n’y en a pas. En revanche, la politique a ses échéances et les postures qui s’y rattachent. « Vous croyez que Barthélémy Diaz, maire élu de Dakar, a le temps de quitter la capitale pour faire du ‘Nemeku Tour’ ? Laissons le travailler ! Mise à part la période de la campagne électorale, chacun des leaders que vous avez cités a des activités professionnelles et politiques », préciset-il. Des activités qui peuvent ne pas s’inscrire dans la dynamique de la gestion interne du parti Pastef… « Rien de plus à mon humble avis ! », estime Amadou Tidiane Wone.

Ailleurs, il relève qu’à la sortie d’une campagne électorale plutôt victorieuse, Yewwi, Wallu et toute autre organisation ou personnalité politique intéressée, maintiendront la cadence au lieu de se lancer dans des batailles fratricides qui les éloigneraient du message sorti des urnes. « Unis vous êtes forts, divisés vous êtes faibles ! Telle est la voie indiquée par le Peuple », conclut l’ancien ministre de la Culture.

Alioune Tine, fondateur Afrikajom Center, regrette les intimidations des forces de l’ordre

Alioune Tine, fondateur Afrikajom Center, a livré son sentiment sur la présence des forces de l’ordre dans le « Nemekou Tour » du leader du Pastef. Selon lui, un chef de parti politique qui va sur le terrain à la rencontre des populations pour faire la promotion de son projet, ce n’est pas le problème du préfet ni celui de la gendarmerie ou de la police à part s’il y a nécessité de l’encadrer pour éviter un désordre public. Ces forces de l’ordre peuvent l’accompagner. Mais, il n’y a pas de sens de faire des pressions pour l’intimider.

Le fondateur d’Afrikajom Center a indiqué de manière claire que la liberté de circuler fait partie des prérogatives des partis politiques. Et Alioune Tine rappelle que le Président, lui-même, va dans quelque temps faire sa tournée, alors que le préfet, la police et la gendarmerie sont dans l’administration. Ces derniers, insiste-t-il, doivent se comporter de manière à ce que personne n’imagine qu’ils appartiennent à un parti. L’Etat, relève-t-il, doit faire protéger tous les citoyens.

 Le droit-de-l’hommiste rajoute que dans son tweet, il a rappelé à Ousmane Sonko que « maintenant ce serait bien que toi, PROS, que tu dises que tu es prêt à rencontrer le président Macky Sall pour discuter afin d’apaiser le champ politique et avoir des relations saines de nature à civiliser et dédramatiser la compétition politique et la démocratie.» Voilà ce qu’on appelle un vœu pieux au vu du contexte actuel !