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Burkina Faso : L’équation des violences djihadistes

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Les violences djihadistes avec lot effrayant de morts préoccupent les pays du Sahel. Au Burkina Faso, c’est la peur, la révolte et l’incompréhension. Les attaques contre les civils, surtout à l’occasion des marchés hebdomadaires se multiplient, et pour le moment, l’on ne trouve pas de solutions qui tiennent face à ce désastre de violences.

La situation sécuritaire s’est fortement dégradée durant la semaine écoulée au Burkina Faso avec au moins trois attaques terroristes d’envergure ayant fait une cinquantaine de morts, des blessés et plusieurs personnes portées disparues. Sous-équipées et mal entraînées, les forces de sécurité n’arrivent pas à enrayer la spirale de violences, malgré l’aide de forces étrangères, notamment de la France, présente au Sahel avec 5 100 hommes dans le cadre de l’opération Barkhane. Une manifestation est prévue ce lundi pour dénoncer la situation d’insécurité dans la région.
Panique et stupeur
Les récits des victimes et des témoins se suivent et se ressemblent de plus en plus. Samedi, dans le marché au bétail de Kompienbiga près de Pama (est du Burkina), des hommes armés « ont fait irruption sur des motos et ont commencé à tirer, surtout sur les gens qui tentaient de fuir » a raconté à l’AFP un habitant, chiffrant le bilan à une « trentaine de morts ». Au lendemain de cette nouvelle attaque difficile de savoir exactement ce qui s’est passé, tout juste sait-on qu’« un groupe [d’assaillants] a procédé à la fouille de ceux qui étaient restés sur place tandis qu’un autre groupe a poursuivi ceux qui ont fui », a-t-il poursuivi. « C’est difficile de dire combien de personnes ont été tuées. Il y avait des corps au niveau du marché, d’autres dans la brousse. »
« Plus d’une trentaine de corps ont été rassemblés hier », a témoigné un autre habitant, « sans nouvelles » de son frère présent au marché lors de l’attaque. Des massacres attribués aux groupes djihadistes ont fait au moins 50 morts vendredi et samedi au Burkina Faso : une trentaine de personnes ont été tuées lors de l’attaque d’un marché dans l’Est et au moins 25 dans des attaques de deux convois dans le Nord. Un élu local de la province de Kompienga parle, lui, de « plusieurs dizaines de morts, notamment des commerçants et des habitants de la localité ». « Le bilan provisoire de l’attaque lâche au marché de Kompienbiga est de 25 morts et de plusieurs blessés », selon un communiqué officiel du gouvernement en fin de journée dimanche.
Une source sécuritaire a confirmé que « l’attaque a été menée sur le marché de bétail, qui se tient habituellement les samedis » par « des éléments de groupes armés terroristes venus à bord de motocyclettes ». Le gouverneur de l’Est, le colonel Saidou Sanou, a assuré dans un communiqué que « cette énième attaque perpétrée par des ennemis du peuple vient une nouvelle fois rappeler la nécessité d’une franche collaboration entre les FDS [Forces de défense et sécurité] et les populations afin de vaincre l’hydre terroriste ».
Massacres en série
Le même samedi, une attaque contre un convoi humanitaire a fait au moins 10 morts au nord de Barsalogho (nord du Burkina) près de la déjà tristement célèbre localité de Foubé/Foulbé (l’appellation varie selon l’appartenance ethnique peule ou mossi), selon le communiqué du gouvernement. « L’attaque sur l’axe Foubé-Barsalogho perpétrée par des groupes armés terroristes a visé un convoi humanitaire de retour de Foubé après y avoir apporté des vivres. Le bilan provisoire est de 10 morts (5 civils, 5 gendarmes). »
Cette zone où les attaques sont fréquentes avait été le théâtre d’importantes violences intercommunautaires avec 50 morts, selon le bilan officiel, plus de 70, selon des sources peules. Après une attaque de djihadistes présumés de Yirgou-Foulbè, les villageois d’ethnie mossi (majoritaire au Burkina) en représailles s’en étaient pris aux Peuls. Le président Roch Kaboré s’était déplacé pour apaiser la tension. Dimanche, « des FDS, déployés sur les deux sites, assurent l’évacuation des blessés et procèdent à des opérations de ratissage », d’après le communiqué.
Ces deux attaques meurtrières surviennent après celle d’un convoi de commerçants vendredi également dans le Nord (Loroum). « Le bilan provisoire fait état de 15 morts, de blessés et de personnes portées disparues », selon un communiqué, samedi, du gouvernement, qui parle de « terroristes ».
« Les camions étaient escortés par des koglweogo [membres d’un groupe d’autodéfense local, NDLR], qui figurent parmi les victimes », a affirmé un habitant de Titao (Nord), sous le couvert de l’anonymat, précisant qu’« au moins quatre femmes » figuraient « parmi les morts ». « Deux camions ont été incendiés », a-t-il ajouté.
En janvier, neuf commerçants avaient été assassinés et un véhicule calciné lors d’une attaque sur ce même axe. Craignant ces fréquentes attaques dans le Nord, les transporteurs organisent des convois accompagnés par des koglweogo qu’ils payent. L’armée escorte aussi parfois ces convois.
L’est et le nord du Burkina Faso sont les régions les plus touchées du pays par les exactions djihadistes qui ont fait plus de 900 morts et 860 000 déplacés depuis cinq ans. Sous-équipées et mal entraînées, les forces de l’ordre du Burkina Faso, pays pauvre d’Afrique de l’Ouest, n’arrivent pas à enrayer la spirale de violence djihadiste, malgré l’aide de forces étrangères, notamment de la France, présente dans le Sahel avec 5 100 hommes dans le cadre de l’opération antidjihadiste Barkhane.
Les violences djihadistes, mêlées à des conflits intercommunautaires, qui touchent le centre du Sahel, ont fait au total 4 000 morts au Mali, au Niger et au Burkina Faso en 2019, selon l’ONU.
Réunion du G5 Sahel en juillet
C’est dans ce contexte que le président français Emmanuel Macron et les chefs d’État du G5 Sahel feront le point au « début du mois de juillet » sur la lutte contre les groupes djihadistes dans la région, a indiqué la semaine dernière le chef de la diplomatie française, saluant une situation qui s’améliore, même si elle reste « fragile ». Ce « rendez-vous à Nouakchott », « j’espère en présentiel », permettra de tirer un bilan des engagements pris au sommet de Pau (sud-ouest de la France) en janvier, a déclaré Jean-Yves Le Drian devant la commission des Affaires étrangères et de la Défense du Sénat.
Lors de ce sommet, la France et les pays du G5 Sahel (Niger, Tchad, Mauritanie, Burkina Faso, Mali) avaient décidé de resserrer les rangs face à la recrudescence des attaques djihadistes dans la région, sur fond de montée du sentiment antifrançais. Ils avaient notamment décidé d’intensifier leurs efforts dans la zone des « trois frontières » (Mali, Niger, Burkina), avec pour ennemi prioritaire le groupe État islamique au grand Sahara (EIGS).
Parmi les facteurs d’aggravation des tensions, il y a les rivalités entre groupes djihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’État islamique (EI) ainsi que les « instrumentalisations ethniques à l’intérieur même de cette confrontation ». « Mais ces divisions aboutissent aussi au fait que le rapport de force est en train de changer », a estimé Jean-Yves Le Drian, en évoquant de premières « victoires » sur les djihadistes.

Tract.sn (avec média)

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