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Coronacrise : La fin du chemin de croix pour les bergers peulhs ?

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Les peulhs, généralement connus pour son penchant de berger et de nomade, souffre avec son bétail des mesures restrictives de déplacement entre régions du Sénégal dans un contexte de coronavirus. Puisqu’avec la diminution de la pluviométrie dûe aux changements climatiques, les pâturages se réduisent consécutivement. La seule solution serait le nomadisme. L’allègement du dispositif de prévention avec la levée annoncée des déplacements inter-régions sera une bouffée d’air pour eux.

Les boeufs et les vaches blanches se dirigent d’un pas pesant vers le village pour leur seule ration d’eau de la journée. Les gardiens du troupeau suivent de près dans leur tenue aux couleurs vives
Bientôt, les bêtes vont marcher des kilomètres sous la conduite des hommes et un soleil brûlant à travers les régions semi-désertiques du Nord du Sénégal, à la recherche des maigres touffes dardant du sable.
« D’ici dix jours, je veux transhumer. Il n’y a pas d’eau, il n’y a pas de pâturage », se lamente Adama Ba, qui vit de son troupeau de 100 têtes.
« J’ai peur maintenant, parce qu’il n’y a rien ici », se désole-t-il en langue peule
Adama Ba, 56 ans, fait partie des milliers d’éleveurs peuls bloqués dans la région de Louga, au Sahel, depuis l’apparition de la pandémie de nouveau coronavirus en mars.
Les éleveurs peuls, héritiers d’une tradition ancienne, se déplacent du nord vers le sud au cours de la saison de transhumance, au gré de la végétation. Puis ils remontent vers le nord avec la saison des pluies. En dehors des mois de transhumance, ils vivent dans et autour de villages comme celui de Mbétiou Peulh, qui ponctuent de loin en loin la plaine aride parsemée d’acacias squelettiques.
Depuis des années, le déficit pluviométrique, imputé au changement climatique, réduit la ressource. Ces derniers mois, les restrictions imposées aux mouvements par les autorités soucieuses de limiter la propagation du Covid-19, coïncidant avec la période la plus pénible de la saison sèche, ont encore durci les conditions.

Les éleveurs ont vu se restreindre un espace vital déjà inhospitalier.
« Les éleveurs pastoraux, ils font partie de la couche la plus impactée par la crise », dit le député local Yoro Sow, « ils sont extrêmement vulnérables ».
Leur principale source de revenus s’est tarie quand les autorités ont fermé les marchés où ils vendent habituellement leur cheptel.
– Chute des prix –
Les marchés hebdomadaires, ou « loumas », attirent les négociants venus d’aussi loin que la capitale Dakar, à près de 300 km, et étaient le coeur battant de la région jusqu’à leur fermeture en mars.
Les autorités permettent aux éleveurs de vendre quelques têtes et distribuent de la nourriture pour les aider à alimenter le bétail. Mais cela ne suffit pas.
La saison sèche est toujours éprouvante, dit Mamadou Cissé, inspecteur vétérinaire au ministère de l’Elevage. Mais la fermeture des « loumas » et les limitations de déplacement ont été « très, très, très difficiles » pour la profession, poursuit-il.
Les prix auxquels les éleveurs vendent la viande ont chuté, les acheteurs profitant de la situation pour tirer les tarifs vers le bas, disent éleveurs et responsables locaux.

Une bête qui se négociait à 75.000 francs CFA (115 euros) part pour 35.000 (53 euros), dit Diégane Daff, conseillère municipale dans la petite ville de Barkedji. Des sommes redépensées dans la nourriture des bêtes et les sacs de riz pour la famille.
La pandémie frappe sévèrement toute l’économie du Sénégal, pays très rural de 16 millions de personnes, très majoritairement musulmanes, dont 40% vivent sous le seuil de pauvreté selon la Banque mondiale.
Mais la région est particulièrement touchée, dit Diégane Daff.
« Le village est en crise parce qu’ici, c’est une zone sylvo-pastorale, on n’a que de l’élevage et un peu d’agriculture », dit-elle. Les éleveurs survivent en se portant mutuellement assistance autant que possible, dit-elle.
Une ONG locale, Adid, estime à des dizaines de milliers le nombre d’éleveurs affectés.
– Refuge –
De nombreux Peuls se tournent en dernier ressort vers ce qu’on appelle le « Ranch de Dolly ».
Le Sénégal a réservé ce territoire de 87,5 hectares aux activités pastorales en 1969.
Le terrain est ceint d’un mur. Il a l’air aussi sec que ses alentours. Mais les éleveurs y font moins paître leur bétail en période d’abondance. La ressource végétale y subsiste donc plus longtemps à la saison sèche.
Les éleveurs y accèdent gratuitement. Ils y campent dans des huttes au milieu de leurs bêtes.
Le « Ranch » sert à chaque saison sèche. « Le coronavirus est venu simplement accentuer une situation drastique qui était déjà là », dit Mamadou Sow, vétérinaire du gouvernement établi sur place. Mais les éleveurs sont bel et bien venus plus nombreux cette année, dit-il.
Devant des centaines de bovins aux cornes en forme de lyre, Djibi Djarga Sow, 63 ans, se rappelle une époque où le fourrage était plus riche, et le lait et la viande meilleurs.
Il a marché 250 km pour atteindre le ranch, rapporte-t-il, badine à la main.
« Dolly est le refuge, c’est le point de refuge pour nous », dit-il.
Quand on lui demande ce que peuvent faire les éleveurs, il répond que prier est le seul recours.

Trqct.sn (avec média)

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