[ÉDITO, ET DIT TÔT] Entre prêches et pêche, Sunugaal pèche par la violence (Par Cheikh Tidiane COLY)

Tract – Une violente bataille, inouïe même, a éclaté, dans la nuit du samedi 1er à dimanche 2 avril dernier, entre pêcheurs de Cayar et Mboro. Plusieurs blessés souffrant pour la plupart de brûlures ont été dénombrés… Ces vagues de brutalités ne sont point un scénario déroulant et enfilant un ‘poisson d’avril’, mais c’est bien plus qu’un serpent de mer slalomant depuis les eaux profondes avec un ‘poison d’avenir’ qu’il faut savoir annihiler dés à présent dans sa «face cachée de l’iceberg».  

 

Car la bataille rangée opposant les pêcheurs autochtones de Cayar aux saisonniers de Mboro qui a fait rage, à hauteur de Khodio, à Mboro Ndeund Kat, est une scène récurrente depuis des années. Et aujourd’hui, on est passé à des heurts beaucoup plus étonnants mettant en première ligne les jeunes.

Des pirogues ont été incendiées, un mort enregistré et plusieurs personnes victimes de brûlures ont été acheminées à l’hôpital. Des supplices «collatéraux» ont été infligés à des pêcheurs venus de Guet-Ndar qui ont vu quelques unes de leurs embarcations et ainsi que leurs filets partir en fumée. Quand, selon certains témoignages, nombre de pêcheurs s’étaient jetés à l’eau à la suite de l’attaque, pour regagner la berge et se cacher derrière les filaos. Et même en ces lieux, ils ont été poursuivis à coups de gourdins.

On eut cru la réalisation d’un film qui projette les images d’un Sunugaal sans gouvernail dans le ventre de l’Atlantique bedonnant et exhalant des plateformes pétrolières. Et là, la réalité dépasse la fiction. Et ce, depuis les émeutes de mars 2021. En pleine pandémie – parce qu’une affaire privée s’est muée en virus politique – des actes de violences et de vandalismes ont éclaté aux quatre coins du pays, avec des scènes de pillages et de saccages dignes des scenarri de chaos filmés et diffusés sur les réseaux sociaux dans un flux de commentaires aussi incroyables que dangereux. Plusieurs fois, pareilles images viennent perturber notre quotidien de Sénégalais «jàmm la xam», de créatures paisibles en somme.

 

On nous prêche constamment un «Senegaal benn bopp». Pourtant, encore…

En ce mars de Carême et de Ramadan, sur la terre ferme, dans une bataille «politico-juridiciaire» tisonnant une affaire de malversation pourtant sur 29 milliards de nos fameux francs CFA (pour laquelle Mame Mbaye Niang a réussi à faire ‘épingler’ Ousmane Sonko – devenu probable futur candidat à la présidentielle de 2024 – pour ‘non-détention’ des preuves de ses accusations), en cet avril 2023, en plein océan, où – parce que le poisson de chez nous est charrié au profit des flottes étrangères – le feu a tempêté avant que le premier tonneau de gaz de ‘Cayar offshore’ ne fasse des bulles sur l’Atlantique, à 65 kilomètres au nord-ouest de Ndakaru, on sent plus encore le souffle «soufre» de la jeunesse en mal dans sa peau entre les fumeuses calendes politiques et nébuleuses méandres sociales…

Et voilà qu’au moindre craquement, l’étincelle du cycle de la violence rejaillit sur fond de dénuement social dans un marasme politique qui ne dit pas son nom. Parce que le seul langage laissé à cette jeunesse, c’est celui de «l’acculturation socio-politique»: les partis ne font plus école (pour les masses et les camarades), et l’école est devenue une affaire privée (contre la majorité des populations). Alors pour ces laissés-pour-compte, il ne reste plus que la rue et la crue pour exprimer cet «État-dé-fait». Et leur désir  de se changer de la politique des vagues alliances «mburu ak soow», ou autres coalitions contre-nature qui finissent détériorées les entraînant dans des postures «diarrhéiques» détonnant de mal-être et malaise politico-sociaux est plus qu’exprimé. Il est porté en bandoulière.

Evidemment, il faut condamner ces violences ‘politiques’ d’où qu’elles surgissent, du pouvoir comme de l’opposition, décrier avec la dernière énergie cette propension dangereuse des communautés à se faire justice elles-mêmes.

Encore faudrait-il que tous les acteurs osent plonger dans cette mare déjà très boueuse pour faire revenir l’éclaircie et la bonne pratique des débats politiques qui forment continuellement et fondent résolument les grandes nations démocratiques, évitant ainsi de pécher dans la bonne gouvernance des pêcheries pour qu’elles fournissent suffisamment de poissons aux communautés qui ne demandent que ça pour voguer et voter dans le calme et la sérénité. En 2024, pour un Sénégal «Réewu Jàmm».

Cheikh Tidiane Coly Al Makhtoum

Directeur de Publication

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