[Édito] ’Faim’ de mandat, intoxication avisée: les Sénégalais réclament un sérum électoral, vite! (Par Cheikh Tidiane COLY)

Tract – Après 2019, alors que le Sénégal prenait le pouls du second mandat de son président, amputé de deux bonnes années (7ans ramenés à 5), une altération a bourgeonné  dans cette césure de manière récurrente. Et la démocratie en fut malade, secouée depuis lors par des spasmes politico-socioéconomiques…

 

Passé le temps de la sapidité d’une deuxième victoire à l’élection présidentielle, le pouvoir en place se retrouve encore face à une nouvelle vague d’adversaires emmitouflés, mais pas cagoulards depuis quelques années, dans de nouveaux habits de jeunes hommes politiques qui veulent prescrire une nouvelle semence sur l’échiquier de la gestion des affaires de l’Etat quand on sait que ni la Crei, ni l’Ofnac et encore… n’ont pu venir à bout des scandales financiers – Ô combien nombreux et ahurissants – au pays de Lat Dior Ngoné Latyr.

La bataille entre Ousmane Sonko, le jeune leader du parti Pastef arrivé 3ième à la présidentielle de 2019 et Macky Sall, le tombeur de Gorgui Wade, s’active et prend une ampleur vertigineuse en 2021. En cette année de la pandémie Covid qui ravagea des millions de personnes à travers le monde, le Sénégal s’est enivré d’une péripétie privée-publique, politico-sociale, où l’on visionna la fréquentation nocturne d’un Sonko dans un salon de beauté au sortir duquel une masseuse nommée Adji Raby Sarr l’accusa de viol. La machine judiciaire s’active et, les partisans et sympathisants du leader de Pastef se dressent en bouclier contre ce qu’ils considèrent comme une fiole de fausses accusations pour entacher la célébrité d’un adversaire politique téméraire osant secouer les murs d’une république aux prises de caciques qui ne veulent rien lâcher. Il y eut du feu, des maux, du sang et des morts. Et entre 2021 et 2024, ils tonnent et tombent encore.

Macky semble être un président qui veut régner sans une opposition forte. Il en est allergique. Il n’est à l’aise qu’avec les partis de contribution. Sinon, c’est la guerre des tranchées, d’abord sourde (entre 2012 et 2020) ensuite poudrière à partir de 2021. Dans la première niche, le fils de Me Abdoulaye Wade, Karim Meïssa appelé «ministre du ciel et de la terre» étant sacrifié sous l’autel de la «demande sociale» jusqu’à sa résurrection au paradis qatari ; Khalifa Ababacar Sall, le maire de Dakar qui voulait tenir tête aux apories de l’autorité, fut offert comme ‘échange marchandise’ – entaché et attaché dans les fonds d’une caisse d’avance… – par le généreux (ténébreux ?) Parti socialiste qui a fini de pactiser avec le pouvoir pour le pourboire. Ce pari réussi, Macky Sall pensa, royalement enfoui dans son fauteuil, tenir ses adversaires politiques comme des mouchoirs. A jeter après usage et usure, en prison. On nous dira que la politique n’y est pour rien, que c’est la justice qui fait son travail.

Néanmoins, entre la politique et la justice, les sections séparatrices sont maintes fois entremêlées dans une jonction diabolique qui pousse à la fracture sociale. Jamais, elles n’ont détruit autant de voix et de vies au printemps de leur espoir.

Aujourd’hui, on a laissé cette ‘épidémie de mandat plus’ nous agiter, nous enfiévrer et elle semble hors de contrôle au Sénégal. Le thermomètre s’est emballé et le tensiomètre est hors d’usage.

Les boussoles sont introuvables pour nous orienter dans ces orages de décisions qui ont fini de miner le pays et détonner dans un nuage d’incertitudes.

Disons-le, osons les mots pour les maux : ‘les politiciens ont tout foutu en l’air’. Nous vivons dans les décombres de leurs méfaits de situationnistes et sinistres élus du peuple.

Pour des individus capables de jouer avec les lois, les articles et leurs alinéas, conditionner un chantage sur les populations ne constituerait sans doute qu’un insignifiant amusement entre deux instructions politiques révélées par le baragouin des cauris. Quelques fois, on semble migrer dans les buissons du paranormal où nous nous retrouvons avec des fantômes instables, quand ce ne sont des vampires enflammés.

Au sommet, ils n’ont même pas été dégoûtés de s’entendre faire une aussi scandaleuse accusation sur leur Premier ministre ‘bien-nommé’ Amadou Ba en ceignant les décharges du Conseil constitutionnel. Le pauvre Amadou, se faire accuser de la sorte et lui dire qu’on lui renouvelle ‘toute sa confiance’ et patati et patata… La nuit est longue pour un ‘meeting national des consciences’ tourmentées par et pour une élection qui devait se tenir traditionnellement et presque constitutionnellement le dernier dimanche de février !

Et dans cette réunion coloriée dialogue national sans le contingent important de l’opposition, il y eut amplement tout sauf une concertation où le président sortant(restant encore ?) a droit à tous les honneurs, les horreurs étant pour ceux qui ont refusé d’être du parti, oups, de la partie de jets de fleurs.

On va même jusqu’à annoncer une amnistie pour tous… On libère ceux qui ont été qualifiés d’adorateurs-adhérents aux « forces occultes » et autres faciès d’ébène, on relâche les « terroristes au-champ » des rues publiques, on réanime les pyromanes de Tata…, on lave à grande eau tout le monde supposé tombé sous ces chefs d’accusation comprenant – nous citons : l’appel à l’insurrection, la constitution d’une association de malfaiteurs, l’atteinte à la sûreté nationale, la conspiration contre l’autorité de l’État, des actes visant à compromettre la sécurité publique, l’incitation à des troubles politiques d’envergure, et la participation à une association de malfaiteurs en relation avec un groupe terroriste.

Et auparavant, on oublie qu’on ne pouvait désigner un coupable sans lui faire un procès, et donc qu’il fallait passer par la laborieuse formalité d’exposition des preuves. Tout ça pour ça.

Finalement, on veut repeindre la barque Sunugaal délabrée par la vanité des hommes aveugles de leur défaillance, oublieux de leur mortalité.

Alors, il faut nous sauver de ce Sénégal dont les symboles qui fondent sa fierté sont secoués- le Baobab a perdu les pédales, pardon ses racines, et le Lion a vu sa crinière dégarnie au fond du lac Faé d’où Alassane Dramane Ouattara, le président-fondateur du 3e mandat ivoirien, a voulu rectifier le tir en faisant remonter son collègue Macky Sall à la surface en le qualifiant d’homme d’État exceptionnel, démocrate sincère dévoué à la cause de son pays et à la grandeur de l’Afrique.

Demain, après monologue partisan, dialogue national, et épilogue électoral, comment prendrons-nous ces éloges, sonnant comme un adieu foot-politique, rebondissant en ballon de l’histoire des hommes qui ont fait le pays de Senghor ? Toujours est-il qu’on retiendra beaucoup plus cette complainte, tenace comme l’odeur d’un panachage de bile, de brûlé et de goudron: ‘Il était une fois le Sénégal, entre 2021 et 2024…’

Cheikh Tidiane COLY -Al Makhtoum