[ÉDITO, ET DIT TÔT] Le Joola, 20 ans après: Sunugaal, toujours dans «le transport des drames» (Par Cheikh Tidiane Coly)

SENtract – Le Sénégal, ce 26 septembre 2002, a passé une nuit cauchemardesque, et s’est réveillé dans une tragédie, un naufrage de bateau le plus meurtrier de l’histoire de la navigation maritime. Le bilan est plus que «Titanic», il est titanesque: environ 2000 morts, disparus, à jamais, en plein océan atlantique.

 

Des larmes ont été versées, en gouttes de «sanglots», dans cette étendue bleue qui a emporté, enfoui au fond de ses secrets maritimes, des parents, des proches, des connaissances… Des cris ont fusé de partout, des crises se sont installées, au-delà du Sénégal, dans l’incompréhension d’un accident «mondialement meurtrier», au quatre coins des continents, parce les victimes étaient de toutes les nationalités.

Alors, 20 ans qu’on en parle, sans qu’on ne sache désigner les coupables de cette tragédie. Eh, on n’oublie, à Sunugaal, on se plaît à nager dans les eaux purificatrices du «ndoggal Yàlla». Allah a bon dos, Il reconnaîtra les siens.

Et pourtant, on se rappelle, dès les premiers jours après le drame, les autorités, à l’emporte-pièce, ont pris des «mesures sécuritaires» au niveau des surcharges dans tous les types de transports, au-delà des eaux, sur la terre ferme. A l’échelle du trafic routier. Ainsi, Ndiaga-Ndiaye, car rapide et autre «calando» sont interdits de porter ou de faire transporter un cheveu de plus. La sanction est immédiate. Les clients ou passagers d’un jour, se sont mis, tout aussi, à ce jeu…

Cela n’a pas fait long feu. Un an après, le constat est désespérant: le Sénégalais a repris les mêmes habitudes. On se rend compte que ce sont de mesures cosmétiques appliquées à la hâte pour «noyer le poisson dans l’eau», le temps que les larmes s’assèchent et que les esprits se calment. Mais, on a beau manœuvrer, essayer d’effacer de notre mémoire nos propres négligences et turpitudes, l’océan de nos fautes et nos méprises nous reviennent tels des rebuts dans un ressac perpétuel de l’existence.

Et voilà que 20 ans après, au souffle de l’anniversaire de la commémoration de la tragédie du bateau «Le Joola», pendant que les quelques dizaines de rescapés, les parents de victimes pleurent encore les êtres chers à jamais perdus, les accidents – de la route – ont refait surface au Sénégal ?

Mais donc, on n’oublie que les routes tuent, occasionnent plus de victimes qu’un «Joola» dont l’épave est une des tombes peuplant, aujourd’hui, le cimetière des mers ?

On aimerait bien y croire ! Oui, qu’à la faveur d’un formidable sursaut national contre ces accidents qui se multiplient sur nos routes devenues des tombeaux à ciel ouvert pour les pauvres «Sénégalais et autres étrangers qui vivent parmi nous» , l’espoir d’un changement catégorique est permis.

Déjà, il y a la sortie du ministre des Infrastructures, des Transports et du Désenclavement, Mansour Faye, annonçant, jeudi 29 septembre, à Tambacounda, la tenue prochaine d’un conseil interministériel sur les accidents de la route. «Je vais tenir très bientôt une réunion interministérielle sur les accidents, dans le but de prendre les mesures appropriées. Nous devons faire réduire les accidents à défaut de les éradiquer», a-t-il dit. Mansour Faye rendait visite, à l’hôpital régional de Tambacounda, aux blessés d’une collision de voitures – l’accident a eu lieu à quelques kilomètres de Koussanar, mardi 27 septembre –  à l’origine de la mort de neuf (09) personnes dans cette région.

Toutefois, le ministre des Transports n’a pas avancé aucune date précise, concernant la tenue de cette rencontre, qu’au niveau des médias, et sur la place publique les débats fusent et enfument tels des pots d’échappement. On perçoit, bizarrement, une prise de conscience élevée de ce procès où chacun expose sa pensée et rarement partager son savoir, ses connaissances en la matière.

Certes, les langues se sont déliées de partout et particulièrement des transporteurs eux-mêmes, mais elles salivent plus dans le délire.

N’y avaient-il pas des réformes qui ont été mises sur les rails, pour la révision des conditions d’acquisition du permis – ou alors du permis à point – que les transporteurs eux-mêmes, encore eux, ont décrié allant jusqu’à se constituer «en opposants d’un régime qui veut leur barrer la route». Et la protection des vies dans tout ça ?

Il faut savoir ce que l’on veut. Nulle n’est à labri dans ces tergiversations pour prendre des mesures radicales contre ces comportements «éthyliques» de chauffards tuant sans remords.

Tout le monde sait ce qu’il faut: l’Etat doit prendre ses responsabilités. Et on peut citer le ministre Manour Faye quand il dit qu’il faut «un respect strict du Code de la route», et aussi prendre des «mesures vigoureuses».

Monsieur le ministre, vous l’affirmez, vous-même: «C’est regrettable, c’est de l’indiscipline et de l’incivisme (…) Il faut sévir et se montrer très sévère sur le contrôle routier».

Mais, le moment est venu, et les plaintes et complaintes abondent de partout. Ne rien faire, après tous ces constats… Il faut dire stop à un instant. Parce qu’il y va de la vie.

Par Cheikh Tidiane COLY 

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