Gambia: la société civile active le gouvernement à engager des poursuites contre Jammeh

Incumbent Gambian president Yahya Jammeh (C) leaves the polling booth after casting his marble for presidential election in a polling station, in Banjul on December 01, 2016. The first of some 880,000 eligible voters headed to polling stations despite an internet blackout imposed overnight in a nation long accused by rights groups of suppressing freedom of expression. The Gambia's unique voting system, which sees citizens vote by dropping a marble into a coloured drum for their candidate, could not be rigged, he added, meaning "there is no reason for anybody to protest."/ AFP PHOTO / MARCO LONGARI

SENtract – Des organisations de la société civile en Gambie ont pressé les autorités d’engager des poursuites contre l’ancien dictateur Yahya Jammeh, à l’approche d’une prise de position très attendue du gouvernement sur le sujet.

 

Le gouvernement de ce pays enclavé d’Afrique de l’Ouest a théoriquement jusqu’au 25 mai pour se prononcer sur les recommandations produites six mois auparavant par une commission qui a enquêté pendant plus de deux ans sur les méfaits perpétrés sous M. Jammeh entre juillet 1994 et janvier 2017 et dénoncé des assassinats, actes de tortures, disparitions forcées, viols et castrations, arrestations arbitraires, persécutions…

Entre 240 et 250 personnes sont mortes entre les mains de l’Etat et de ses agents, selon la commission, qui a préconisé des poursuites contre l’ancien autocrate, aujourd’hui en exil, et ses complices présumés. Les autorités gambiennes sont supposées répondre sous la forme d’un Livre blanc.

Les Organisations de la société civile (Civil Society Organisations, CSOs), regroupement d’association de victimes, d’avocats ou de femmes ont publié cette semaine leur propre Livre blanc. Le document, consulté vendredi par l’AFP, vise à « faire pression » sur le gouvernement alors que « les CSOs et l’opinion publique sont sceptiques quant au fait que le gouvernement (du président Adama) Barrow soit prêt à appliquer les recommandations » de la commission.

Parmi les victimes et les interlocuteurs de la société civile consultés par le groupe de travail formé par les CSOs, « les points de vue sont unanimes sur le fait que le gouvernement doit mettre en oeuvre entièrement les recommandations » de la commission. Yahya Jammeh et les 69 autres personnes désignées par la commission comme des auteurs présumés de méfaits « doivent, sans exception, rendre des comptes pour leurs crimes », soulignent les CSOs.

Si la commission ouvre la porte à des amnisties, aucune mesure semblable ne doit être prise sans consulter les victimes, disent-elles. Les CSOs formulent également des préconisations plus larges comme la réforme des institutions et des forces de sécurité pour que de tels abus ne se reproduisent pas. « Le gouvernement doit faire la preuve de sa volonté politique de rendre justice aux victimes », poursuivent-elles.

Depuis la remise du rapport de la commission en novembre 2021, le président Barrow, dont l’élection en 2016 avait mis fin à plus de 20 ans de dictature, n’a pas donné d’indication claire sur ses intentions, sinon pour dire que la décision n’appartenait pas qu’à lui.

Son prédécesseur Jammeh continue d’influer sur la vie politique de son pays. M. Barrow a été réélu en décembre 2021 après un accord entre son parti et celui de M. Jammeh. Le président a aussi choisi en avril un ancien allié de M. Jammeh pour présider le Parlement nouvellement élu.

Avec AFP