[Ze Koronik, N°3] « Je-veux-être-ma-petite-entreprise-à-moi-comme-mon-futur-ex-patron » (Par Doc Gynéco)

Avec ses jeux d'émaux et ses mots d'émoi, Doc Gynéco soigne nos maux et émois, et met du baume à nos bobos...

HOMO GALSENSIS – Ce week-end, j’ai réussi à décoller de « Manifest » (oui, j’affectionne particulièrement les trucs bizarres où le temps s’arrête et où personne ne vieillit…)

Bref, je comatais devant Netflix, lorsque je me suis souvenue qu’une très bonne amie m’attendait pour le lancement de son salon de coiffure…
J’avais promis de venir la « soutenir »…

J’ai donc enfilé le premier jogging en velours un peu fashion et ma voiture étant toujours chez Modou, mon mécano (d’ailleurs, pourquoi est-ce que les mécanos s’appellent- ils toujours Modou, Laye ou Taffa… ?) Je suis sortie à la recherche d’un taxi.

Évidemment la loi de l’attraction m’a envoyé l’une des dernières R12 encore en circulation sur le territoire, avec à son volant Pa Moussa, aussi vieux que son outil de travail…

Après avoir répondu le plus poliment possible à ses questions ( suis-je mariée, suis-je musulmane, pourquoi ne suis-je pas voilée et le succulent « Khana pourtouguess nga ? ») J’ai fini par avoir la grâce infinie d’arriver enfin à destination…

À l’accueil d’une villa des années 80 restaurée a coups de crépi et de carrelage Mureaux, une jeune femme au sourire kaolakois m’accueille.

« Comment vous allez, ça va ? ». Je réponds à son sourire et la regarde biffer mon nom sur la liste.

Je suis ses indications et je m’avance vers la grande cour où se déroule la cérémonie. Il y a une cinquantaine de personnes très appliquée à se goinfrer de pastels et de nems. Chacune dégustant avec force bruits de bouche bissap sucré et « ginger » épicé. J’arrive à me dégotter quelque chose avec des bulles, un Sprite, je crois… Et je cherche la toute nouvelle propriétaire des lieux.

Dior, puisque c’est son prénom, époustouflante de dorures et d’ombres à paupières, passe d’un invité à un autre, se dandinant sur ses talons de 12 cm dont les lanières ont fini de lui saucissonner la cheville …

La perruque qui tombe sur sa chute de reins, vertigineuse, virevolte dans tous les sens à chaque fois qu’elle fait la bise …
Enfin elle m’aperçoit et m’étreint comme si j’étais ressuscitée…
« Wa chérie Yow, namone nala… »

Et de m’expliquer combien son chéri a investi dans son projet.
Dior a travaillé 10 ans dans l’un des plus gros salons de la capitale …
Elle en a usé, des tiarakh en cuir et des anti-inflammatoires… Une tendinite à l’épaule droite, une sciatique toujours tapie dans l’ombre à force de rester debout et des acouphènes parce que 10 ans à écouter sa patronne lui crier dessus et les clientes pester, en rajoutant le jacassement des sèche-cheveux… ( Vous comprenez …)

Alors, forcément, Dior ne rêvait que d’une chose, ouvrir son propre salon. Et même si il n’y a que deux bacs à shampoing et trois tresseuses, que le système de branchement électrique est plus que bancal et que la moitié de sa boutique représente des rayonnages où l’on trouve pêle-mêle, des cosmétiques, des accessoires de mode, des mèches humaines, et des sauces ketchup format king size ( allez comprendre…), tout cela encore recouvert de poussière de ciment, témoignage des récentes transformations, Dior a tout de même tenu à baptiser sa boutique « Des cheveux en Or avec Dior »… ( Ça c’est fait … ! )
Elle y tenait, à sa boutique …

Peu importe le temps, peu importe l’argent et j’ai envie de vous dire, peu importe la qualité du travail que fourniront ses coiffeuses payées 70.000 francs le mois, sa boutique a vu le jour et c’est tout ce qui compte …

Un peu comme ceux qui à la faveur d’une élection présidentielle, d’un remaniement ministériel ou d’un gros turn-over dans les directions générales se retrouvent à la tête d’un ngandum groupe de presse alors qu’ils n’ont jamais été pigiste ou tenu un micro ( la base, un peu, quand même… ) Bref, en moins de temps qu’il n’en faut à un éjaculateur précoce pour lâcher son yaourt, certains se retrouvent à la tête d’une espèce de groupe de presse avec radio, télévision, site internet, presse quotidienne, presse mensuelle et omniprésence sur les réseaux sociaux… Les fréquences sont là, souvent octroyées après moults salamalecs, les bureaux aussi. Miraculeusement sortis de terre en Zone de Captage, six mois auparavant… Les deux derniers étages appartiennent au boss pendant que les 7 employés tristement polyvalents se partagent le rez-de-chaussée et le premier étage. Les autres étages n’ayant pas encore l’électricité…

Internet ne fonctionne pas parfaitement, les toilettes et les canalisations sont souvent bouchées, la clim ne fonctionne que dans le bureau du boss et les ventilos brassent l’air en chouinant : une chaleur, vrreument… »

Le groupe de presse survit cahin-caha avant de disparaître dans un anonymat assourdissant…

Du côté des politiques, c’est pareil …
Il y a toujours un plus petit que soi, à l’intérieur de soi … La montagne accouche toujours de quelque chose …
Que celui qui n’a jamais fait preuve de dissidence jette la première dalle …
Celui qui, fort de sa nouvelle popularité, récupère deux secrétaires et un trésorier pour aller porter son nouveau parti sur les fonds baptismaux, provoquant par là-même une crise d’apoplexie chez les « anciens » forcés.

Tels une awo accueillant la niareel de faire le deuil d’un traitement de faveur…

Celui qui bien sûr haranguera les foules d’Homo Galsensis frétillant à ses pieds, les yeux plein d’espoir et d’étoiles du berger … ( Oui, bon ..)

Bref,

Un peu comme les poupées Matrioshka, on trouve toujours celui qui « s’accouchant » lui-même, arrive à s’extraire de la meute soumise pour aller cueillir ses rêves … Être Calife à la place du Calife comme ce bon vieux Iznogoud, ou encore mieux : Dépasser le maître …
(Voilà c’est de ça qu’il s’agit mon frère !)

Quant à la manifestation et la création de la réalité à proprement parler… On y arrive parfois, ou parfois pas …

Bref je grignote un morceau de nem froid et quelque peu caoutchouteux et je sirote mon gingembre trop sucré mélangé à un arôme indéfinissable, lui même trop sucré, je fais quelques pas et je verse discrètement mon verre sur la pelouse de « Coiffure d’Or » avant de me rendre compte que c’est du synthétique, parfaitement étanche …

Bien sûr je croise le regard réprobateur de la jeune dame de l’entrée qui m’a vu faire … Et comme je n’ai pas d’explication pour avoir renversé sciemment mon cocktail aphrodisiaque sur 15 mètres carrés de faux gazon, c’est donc évidemment ce moment là que je choisis pour demander la route… Je cherche Dior du regard mais elle est trop occupée à présenter sa plaquette rose fucshia avec écrits en jaune fluo avec tout ce qu’elle propose … J’ai parlé avec son infographiste, c’est son neveu, il a 21 ans et rentre en terminale …

Je m’octroie donc la route toute seule…

Alors que Pa Moussa ( que j’ai rappelé because change-t-on une équipe conquérante ?) se gare devant la boutique et traverse la rue, cure-dent coincé entre ses lèvres, bouteille en plastique sous le bras pour aller tranquillement s’accroupir au pied d’un neem et laisser faire la nature, je m’installe en soupirant sur la banquette en fausse fourrure … Et si moi aussi j’avais créé ma boîte il y a 15 ans, laquelle des Matrioshka aurais-je été aujourd’hui…
Bref.

Votre-encore-et-toujours-salarié-Doc-Gynéco-alias-Juliette-Ba-sans-accent-merci

cheffe-koronikeuse chez Sentract (www.sentract.sn)

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