[L’INSTANT RÉTRO] ‘Récréyassiong années 80 : des ngoûters, des odeurs, des saveurs !’ (Par Miss Nostalgiks alias Juliette Ba)

Miss Nostalgiks alias Juliette Ba
Tract – Ceux qui s’en souviennent ne me contrediront pas… Qu’est-ce qu’on l’attendait, ce moment…
Il y avait d’abord ce retour de l’école, coincée dans un bus au contrôleur taciturne, le front dégoulinant de sueur, la veste beige pokhoranesquement auréolée et odorante, positionné derrière sa cage minuscule ( je me suis toujours demandé comment ils arrivaient à caser tout leur quelqu’un dans un espace aussi réduit… ).
Avec des passagers tout aussi odorants et des vitres qui refusaient parfois de s’ouvrir…
J’avais une passion en ce qui me concerne pour le vrai « njogonal » à la sénégalaise… En l’occurrence les restants du thieb de midi… Ça dépendait des jours et des goûts personnels; mais, en général, c’était toujours un moment sympathique. Yassa, mafé, domoda, il y avait du choix… Celui que je préférais encore c’était le thiebou dieune. Le blanc là,… Avec cette pointe de yett si particulière… Il avait beau être amputé de l’essentiel du poisson et des légumes, la brisure de riz réchauffée et légèrement »khôgnée » était une bénédiction pour mes papilles comme pour mon âme de jeune adolescente …
Il y avait aussi le plan baguette croustillante… Diallo, boutiquier de son état, recevait sa livraison de pain chaud à 17h45 tapantes. Une fourgonnette 4L définitivement vintage, à la couleur aussi indéfinissable que sa cargaison était précieuse, se garait péniblement sur le béton pentu en prenant soin de caler ses roues avec les grosses briques qui servaient au « Petit Camp » des boys du kogne… Le croustillant chargement arrivait dans des sac en papier kraft estampillés Grands moulins de Dakar … Et chacun de repartir pour 90fcfa, avec la précieuse baguette au mieux précieusement enveloppée dans un torchon à carreaux, au pire innocemment calée sous une aisselle poilue et odorante …
Il y avait tout un tas d’options pour ce fameux goûter, tout dépendait de la lourdeur de la poche et de l’ouverture d’esprit gastronomique… Il y avait le basique « baguette croustillante » beurre ou baguette croustillante margarine … Le baguette-croustillante vache-qui-rit, ou le baguette-croustillante foromass guruyère … 100 frs la petite tranche carrée, là… le baguette- croustillante beurre chocoleca, la boîte de conserve rouge et blanche là avec 5 cm d’huile sur le dessus. Il fallait être musclé pour mélanger l’espèce de pâte avec l’huile afin d’obtenir un mélange plus ou moins homogène … Tchaay … Les générations Chocomousse et Nutella, vous ignorez tout de nos souffrances …
Il y avait le « baguette-croustillante » saucisson de boeuf… Certains chanceux avaient des pastels, des nems, des spaghettis, de l’omelette…
En tous cas le goûter de 16h était épique et incontournable…
Venaient ensuite les devoirs, une heure à mordiller son stylo bleu, se mettre du blanco sur les ongles, faire des rosaces avec le compas.
Recopier des pages et des pages de leçons… Réciter « Afrique mon Afrique », Apprendre les conjonctions de coordination en chantant à plein poumons : Mais, où, et donc, Or, ni, car 🎵🎶… On rajoutait deux pages du Bled par-ci, On rêvassait sur le Ngoné Latyr en couverture du livre d’histoire d’Iba Der et on finissait en arrosant le niébé qui poussait sagement sur du coton dans un coin de la cuisine de Joséphine, la nounou diola de votre enfance, celle qui chaque année à la rentrée revenait avec une bassine moitié madd, moitié …
Ensuite, il fallait réciter les leçons à Élimane, le maître que vos parents payaient au lance-pierre. Il venait vous « encadrer » tous les soirs de 17h30 à 18h30. En échange de votre silence, de quelques caramels « Tabaski » et de quelques « dadji-ngam-boy-coupé », il piochait allègrement dans la collection de romans policiers et/ou érotico-policiers de votre papa… Il était incollable sur Hercule Poirot et Miss Marple, mais également sur Boris Corentin et autre Prince Malko Linge dont vous découvriez les péripéties, lorsque viendrait également votre tour de lorgner vers la bibliothèque paternelle …
Bref.
On pouvait enfin tout ranger et préparer son cartable pour le lendemain…
Ensuite venait la douche.
Autour de 8-10-12 ans, on ne traînait pas trop dans les sanitaires hein … D’abord il n’y avait souvent que de l’eau froide et c’était donc un moment éprouvant où il fallait rassembler tout son courage pour foncer sous le jet très « frais » en gesticulant dans tous les sens à grand renfort de « Wooye sama ndeye wooye 🎶🎵 » – la mélodie de l’eau qui coule …
Bref nioune daal, on fait rek,Taf taf !
Un coup de Monsavon pour les uns, de Life buoy pour les autres, de Persavon ou tout simplement de Sabou Saf ( mo nu saf !) Avec ou sans njampeh lorsque personne ne contrôlait, le njampeh était optionnel… Et le tour était joué…
NOUS ETIONS FIN PRÊT.E.S
Joséphine avait reçu des instructions très claires de la part des parents qui ne rentraient jamais avant 20h30 … La télévision, c’était après le goûter, les devoirs et la douche.
Du coup, sage comme l’image que vous feigniez d’être, vous faisiez le mort. Ne pouviez plus … Et enfin, Joséphine abandonnait sa sauce tomate pour vous offrir VOTRE moment !!!
Exceptionnellement, vous aviez le droit de vous asseoir dans le salon des invités, sur une natte spécialement étalée pour vous sur le grand tapis persan rouge bordeaux … Pas question de salir les napperons ( atroces, je vous le concède…) qui ornaient solennellement le dossier de chacun des fauteuils en velours jaune moutarde khawma vert olive qui meublaient le salon des invités… ( Les couleurs de nos parents là, hein … ).
Pas besoin de télécommande, il n’y avait qu’une seule et unique chaîne… La sacro-sainte ORTS !!!!
Voir apparaitre la mire de barre était un réel ravissement pour nos jeunes âmes … Nous regardions avec tendresse apparaître le drapeau et entonnions comme un seul homme l’hymne national …
Quelques images peu intéressantes, que l’on regardait d’un oeil distrait, une espèce de flash d’information en wolof, un spot publicitaire de la Spt et puis enfin…
ENFIN
Il était là.
19h00.
LE DESSIN ANIMÉ !!!
Le seul et l’unique de toute la p… de journée télévisée de l’ORTS…. Le moment pour nous …
Écoliers assidus ou adolescents pré-pubères… Le moment où les choses devenaient sérieuses, waw waw !
D’aussi loin que je me souvienne,.c’est de cette époque que je garde le souvenir des fameux « papillons dans le ventre « …
Peu importe le dessin animé, j’avais l’ivresse …
Clémentine, Bouba, Sport Billy, Tom Sawyer, Le Tour du Monde en 80 jours, Le Village dans les Nuages, Onze, Manu le Libéro, Fraggles Rock, Les Trois Mousquetaires, Alice au Pays des Merveilles, Gigi, Il était une fois la Vie, …
Tchaay li !
Peu importe !
Plus tard, nous aurions aussi droit aux feuilletons : Arnold et Willy, Cosby Show, la Vallée des Peupliers, Catherine, Château Vallon, Dallas, Dynastie, Bonjour Maître…
Peu importe …
Bien plus tard, j’attendrai avec autant de plaisir, « Midi Première » ou « Génération 80 » de notre regretté Moïse Ambroise Gomis …
Je vous confie un secret : J’en voulais à l’ORTS chaque fois qu’elle programmait « Télé Variétés »… J’étais trop jeune pour apprecier notre regretté Maguette Wade, ses magnifiques émissions et son magnifique générique « Thiossane – Expérience de Thiaroye »
Ndeyssaane… 🇸🇳🥰
Encore Aujourd’hui, j’ai des papillons dans le ventre lorsque j’entends tous ces génériques …
Il faut le reconnaître…
C’était une excitation pure … Venue tout droit de notre imaginaire.
Nous n’avions pas d’autres préoccupations… Vitalys allait-il mourir, Bouba retrouverait-il Frisquette, d’Artagnan finirait-il par épouser Constance et Clémentine remarcherait-elle dans la vraie vie …
Bilaye walaye, pas de factures à payer, pas de patron à ménager… Juste nos âmes d’enfants à nourrir…
Nous allions dîner les yeux plein d’étoiles et allions nous coucher, retrouvant la bulle bleue de Clémentine ou le Monde mystérieux d’Alice …
Bien sûr, nous ne pouvions pas savoir que quitter ce monde magique pour intégrer le collège, le lycée, la fac et tous les tra-la-la, nous ferait perdre quelques unes de nos plus belles illusions …
Voilà pourquoi, encore aujourd’hui, presque 40 ans après, je reste une inconditionnelle du pain thon et du thieb réchauffé, je ne peux m’empêcher de sauter quand je vois une marelle et je continue d’écouter Chantal Goya et Dorothée en me dandinant et en sautant partout… Mettez -moi un générique de dessin animé et vous allez voir ce que vous allez voir !
Et c’est désormais sur des groupes comme « Rétros et Souvenirs du Sénégal » que je vais cultiver ma Nostalgie…
Ndeyssaan, nous vivâmes khawma nous vécûmes…
En tous cas daal …

Votre-Miss-Nostalgiks-alias- Rétro-Vibes Juliette-Ba-sans-accent-chapô

Tract

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