« Interroger l’islamisme, ce n’est pas désigner à la vindicte les musulmans » (Par Elgas)

Photo de propagande montrant des combattants de l'Etat islamique en Syrie, en novembre 2015. ZUMA PRESS/MAXPPP/MAXPPP

[ Publié pour la première fois le 12 avril 2016, sur medium.com, par le « Printemps républicain », mouvement français de gauche et de centre gauche lancé en mars 2016 dont Elgas a été l’un des premiers signataires du manifeste, mais dont il s’est depuis lors démarqué. ] – Islamisation de la radicalité ou radicalisation de l’islam ? le politologue français spécialiste de l’islam Olivier Roy a tranché :  »l’islam n’explique pas le terrorisme ». Olivier Roy a donné corps et sursis au persistant déni de gauche sur les motivations religieuses du terrorisme. Il lui a apporté du ressort au moment même où l’aveuglement semblait s’essouffler pour oser affronter la blessure de la lucidité si chère à René Char. Sa formule “islamisation de la radicalité” qui tient à distance et acquitte l’islamisme, exonère d’une même traite l’islam de toute reddition de compte sur ses déchirures internes, sied à merveille à gauche. C’est un élément de rebond inespéré sur fond de maternalisme d’empathie et d’absolution pour l’islam dont le Plenelisme est la variante familière, la contre-tribune de chercheurs contre Kamel Daoud, la mouture grossière et heureusement — la trahison. Longtemps en effet, prospérant discrètement à l’ombre du paternalisme orientaliste et raciste, le maternalisme envers l’islam s’offre à nous à visage découvert, au gré de ses accointances anticoloniales, de sa quête inextinguible d’orphelins à materner. Maternalisme qui devait inexorablement frayer avec une certaine conscience de gauche. L’écho du slogan de Roy raisonne dans ce champ. Il fédère un spectre large. C’est le voile douillet sous couvert de scientificité et de parole savante pour prolonger le sommeil, et doper les gages moraux de la gauche. Sans tarder, elle a fait mouche. La formule en un temps record a en effet essaimé, reçu l’assentiment de toute la classe sociologisante et tend à devenir un paradigme.

L’Islam comme aimant

Experts ou idéologues ?

L’islam a à voir, pas l’écrasante majorité des musulmans

Si le terrorisme est une maladie de l’islam, règle-t-on pour autant le problème ? A l’évidence non. Les explications géopolitiques, sociales, économiques, culturelles, sont sinon aussi importantes, décisives à tout le moins. Dans le mille-feuille de conflits au Moyen Orient, ici encore irrigués par l’opposition chiites/sunnites, il serait impardonnable de ne pas convoquer des responsables centraux : l’aventurisme va-t’en- guerre des occidentaux et leur complicités avec des régimes dictatoriaux sur l’autel d’un économisme sans vergogne. Les occidentaux ont ôté le couvercle d’une cocotte minute déjà bouillante. Ne pouvait s’ensuivre que la déflagration qui s’exporte et contamine le monde entier. Les guerres dans les pays musulmans, quelques soient les alibis, ceux recevables comme ceux mensongers et opportunistes, avec leurs corolaires d’exactions, d’humiliations, sur fond d’un passé colonial non résorbé, ont nourri le terrorisme. L’occident doit s’honorer de reconnaître ces forfaits dont les séquelles survivront aussi longtemps que l’arbitraire en présidera les visées. Nulle duperie en revanche, le salut ne viendra pas non plus de l’occident, de quelque manière que ce soit, seuls les acteurs moyen-orientaux décideront de leur sort. Les prétentions pêchent par deux excès : la volonté supposée de libération comme celle de l’autoflagellation rédemptrice. Il faut expliquer, car ce n’est pas excuser. Il faut tout expliquer, et on retrouve cette profondeur de l’enquête chez Scott Altran.

Nécessité et urgence de bonne sociologie

Sortir d’un franco-centrisme

Elgas

[1] Les français jihadistes, David Thomson, Ed Les Arènes, 2014

[2] Un silence religieux, La gauche face au djihadisme, Jean Birnbaum, Ed Seuil, 2016

[3] La double impasse, Sophie Bessis, Ed La découverte, 2014

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