[INTERVIEW] Bertrand Aboudi : ‘Placer la femme et la jeune fille au cœur de la transition écologique’

Alain Bertrand Aboudi Ngono est Géo-environnementaliste, spécialiste des questions de Transition énergétiques et dynamiques territoriales.

Tract – Entretien avec Alain Bertrand Aboudi Ngono, Géo-environnementaliste,  spécialiste des questions de Transition énergétiques et dynamiques territoriales. Il assure la direction exécutive de l’organisation camerounaise Care For Environment, et il est par ailleurs Chef du Projet FSPI-TEFEM (Transition Écologique au Féminin) financé par l’ambassade de France au Cameroun.

 

Care For Environment: petite historique

Care For Environment est une association à but non lucratif créée en 2017 par le Pasteur Steve Mael DIZE, Eco-théologien. A sa création en 2017, sa dénomination était Christians For Environment. Celle-ci a changé sa dénomination en 2018 lors de sa légalisation un an après sa création le 18 Février 2018 par l’autorisation N°049/2018/RDA/C19/SAAJP du 18 février 2018 et devient Care For Environnement.

Quelles sont les missions Care For Environment en faveur de la conservation  de la biodiversité et la protection de l’environnement dans le bassin du Congo ?

Vu le contexte de la crise climatique de notre temps, CFE-Cameroun s’est donné pour mission d’œuvrer  pour préserver, sauvegarder l’environnement et la biodiversité et la promotion du droit à un environnement sain. Et pour mener à bien ces missions, CFE s’est fixé les objectifs suivants :

  • Promouvoir le respect et la protection de l’environnement
  • Promouvoir une transition écologique durable sous toutes ses formes.
  • De manière particulière, promouvoir la vulgarisation des innovations juridiques, technologiques et étatiques pour la protection des forêts du bassin du Congo
  • Sensibiliser contre le déséquilibre des écosystèmes, la gestion des déchets, la désertification et sur la nécessité de reboisement
  • Promouvoir la lutte contre les énergies fossiles et sensibiliser sur l’importance d’une transition énergétique durable ( des énergies renouvelables)
  • Contribuer à limiter les effets du changement climatique
  • Promouvoir l’économie circulaire et l’entrepreneuriat vert
  • Promouvoir la défense des droits humains et porter une assistance aux personnes vulnérables de suite de la criminalité climatique
  • Promouvoir le bénévolat et volontariat jeune sous toutes ses formes

Économie circulaire, transition écologique, villes intermédiaires… que de grands concepts en ce début de siècle frappé par les polycrises: quel est le positionnement opérationnel de Care For Environment dans tout cela?

L’évolution critique de la démographie contribue à la déforestation, la dégradation des forêts, la forte demande énergétique ainsi que la production des déchets du monde de notre temps nécessitant de réels changements de comportement, ainsi que les modes de consommations, d’où la mutation et naissances de nouveaux concepts tels que économie circulaire, transition écologique ou énergétique, villes intermédiaires afin de trouver des solutions objectives pour y remédier et atténuer les changements climatiques.

C’est dans cette optique que CFE-Cameroun de façon opérationnelle se positionne à travers des projets de développement axés sur des activités et actions communautaires. Autrement dit, CFE agit à travers  des conférences, colloques, causeries éducatives, campagnes de sensibilisation (actions de terrain) et le « Green Camp », qui est le camp d’initiation des jeunes sur l’entrepreneuriat vert et à l’économie circulaire. C’est un programme annuel qui forme les jeunes sur la gestion et enjeux climatiques, les énergies renouvelables (techniques de montage des panneaux solaires), l’entrepreneurial vert (valorisation des déchets, fabrication du charbon écologique et pavé écologique) et enfin l’agriculture biologique (fabrication engrais biologique, pesticides et agricole hors sol en milieu urbain).

Dans la même perspective, CFE-Cameroun est promoteur de l’Académie Africaine pour l’Entrepreneuriat Vert et le Développement (RADEV) qui a trois filières ouvertes à savoir : Agriculture biologique, économie circulaire et énergie renouvelable pour la formation des jeunes.

Vous portez un projet visant à former 100 jeunes filles sur les énergies renouvelables au Cameroun. De quoi est-il question concrètement ?

Effectivement depuis le mois de décembre 2023, CFE a bénéficié d’un financement de l’Ambassade de France au Cameroun et du FSPI (Fond de Solidarité pour les Projets Innovants). Le dit projet est intitulé : «Transition Écologique au Féminin » FSPI-TEFEM avec pour objectif majeur de « placer la femme et la jeune fille au cœur de la transition écologique».

Ce projet a pour cibles uniquement les femmes et les jeunes filles. Les objectifs qui devront être atteints par ce projet sont les suivants :

– Sensibiliser les femmes et les jeunes filles en transition écologique à travers deux ateliers de sensibilisation des 100 femmes et 100 hommes dans les villes de Yaoundé et Bafoussam sur la masculinité positive à fin de comprendre l’importance et implication des femmes comme pilier majeur dans la transition juste.

– Former les femmes et jeunes filles de ces deux régions aux énergies renouvelables à travers un atelier de formation de 100 femmes et jeunes filles en installations des systèmes électrique solaire.

– Réduire l’empreinte écologique des femmes de ces deux régions à travers un atelier de formation de 50 femmes en fabrication du charbon écologique.

– Former  50 femmes agricultrices aux techniques d’agriculture biologique et l’octroie de 10 machines à coudre solaires aux femmes et jeunes filles.

La particularité de notre projet est transversale et les secteurs d’interventions dans sa phase de réalisation sont entre autre l’énergie, l’agriculture et les forêts avec une approche d’innovation.

Pensez-vous que les énergies renouvelables sont-elles la clé de résolution des problèmes énergétiques de l’Afrique ?

Les besoins justifiés de la croissance démographique en particulier (besoins énergétiques) conduisent à accroître les effets de la crise climatique de notre temps et de l’Afrique en particulier. C’est pour cette raison que nous faisons recours aujourd’hui au concept de transition énergétique qui désigne l’ensemble des transformations du système de production, de distribution et de consommation d’énergie effectuées sur un territoire dans le but de le rendre plus écologique. Concrètement, la transition énergétique vise à transformer un système énergétique pour diminuer son impact environnemental.

De ce fait est-ce que nous en Afrique, au vu des défis et des enjeux de la crise climatique actuelle, des défis sociaux et crises sécuritaires et par dessus tout de la demande énergétique croissante, nous pouvons dire que seule les énergies renouvelables pourront être la porte salutaire? NON. Et ce, parce que les États africains disposent d’énormes potentiels en énergies fossiles et renouvelables donc la combinaison et la gestion rationnelle des deux peuvent permettre à l’Afrique en général et aux pays d’Afrique subsaharienne en particulier de résoudre la question liée à la disponibilité énergétique dans tous les lecteurs en tenant compte de la gestion environnementale.

Je le dis parce que nous devons comprendre que les énergies fossiles dont dispose l’Afrique aujourd’hui doivent lui permettre de développer davantage le secteur industriel et de transport tout en tenant compte de la gestion de l’environnement. Malgré que les projets d’énergie renouvelable soient très coûteux, l’Afrique gagnerait, au vu de son potentiel en ressources naturelles, rechercher des financements qui permettront la réalisation de ces projets.

Au regard du déploiement de Care For Environment au Cameroun, et partant vers d’autres territoires du monde et du continent africain, quelles sont les perspectives que vous envisagez pour en matière d’énergie, d’environnement et de changement climatique?

En termes de perspectives, nous pensons que la question environnementale aujourd’hui n’est plus exclusivement sous la responsabilité des professionnels du domaine, d’où la pertinence du caractère transversal des débats qui animent le monde d’aujourd’hui sur la question de changement climatique. C’est pour cette raison que CFE propose :

  • De mobiliser les différents acteurs ( Autorités administratives, religieuses et traditionnelles, les organisations de la société civile, chercheurs, scientifiques, journalistes, étudiants, artistes, peuples autochtones et tous les jeunes à la recherche des solutions innovantes pour lutter contre les effets du changement climatique)
  • De mettre l’accent sur la formation des jeunes sur le bénévolat et volontariat des jeunes dans le volet environnemental, afin que ceux-ci soient des relais dans les communautés
  • Associer l’Etat à toutes les réflexions à travers les plaidoyers sur l’insécurité climatique
  • Travailler en coalition et collaboration avec les leaders des autres organisations
  • Travailler en collaboration avec les organisations et associations des jeunes des autres sous régions d’Afrique et du monde en vu de promouvoir le partage d’expérience
  • Placer la communauté locale au cœur de toutes les réflexions
  • Communiquer abondamment sur ce que nous faisons comme activités et actions dans la recherche des résolutions sur la crise climatique.

Propos recueillis par Baltazar ATANGANA