[INTERVIEW] «La France ne peut plus accueillir d’immigrés » (Manuel Valls, socialiste et ex-Premier ministre français)

Manuel Valls, ici décoré de l'Ordre de la Grand-Croix, par Macky Sall

Interview ce 16 mars de Manuel Valls, ancien Premier ministre français et socialiste qui a soutenu Emmanuel Macron pour sa réélection. Valls est né Espagnol en Espagne et a été naturalisé en France où il a immigré. Mais il ne veut plus d’immigrés pour la France et veut « assimiler » ceux qui y sont déjà. 

Aller au bout de la réforme des retraites, est-ce un acte de courage?

Manuel Valls : Le courage, ce n’est pas la brutalité. Le problème majeur est celui du sens et de la justification de cette réforme. Les Français savent qu’une réforme des retraites est nécessaire pour des raisons démographiques et financières et pour conserver l’exception française de notre régime social. Ils ont le sentiment que la réforme n’est pas juste. L’histoire des 1 200 euros a été terrible pour la crédibilité du projet! Cela accentue la défiance envers la parole politique.

 

N’êtes-vous pas également à l’origine de cette défiance?

Une partie de la gauche voit dans le mandat de François Hollande l’exercice d’une trahison…
Je prends toute ma part, mais j’avais averti que nous pouvions disparaître. Notre logiciel était dépassé et le socialisme une langue morte. Les procès en trahison sont une vieille rengaine à gauche. Clemenceau en savait quelque chose.

Pouvez-vous nous donner votre interprétation de ce qui a miné la gauche ces dernières années?

 

La paresse… Dans les années 2000, sur fond d’anti- sarkozisme et de victoires aux élections locales, nous nous sommes refusés à trancher dans de nombreux débats de fond. Arrivés au pouvoir, nous n’étions pas au clair sur l’Europe, la fiscalité, l’État, la décentralisation ou l’immigration… Dans l’opposition, nous nous sommes mobilisés contre les réformes des retraites de 2003 et de 2010, et pourtant nous ne sommes pas revenus sur le passage de l’âge de la retraite de 60 à 62ans. Au contraire, avec la réforme Touraine, nous avons allongé la durée de cotisation. Le problème n’est pas d’avoir trahi, c’est de ne pas avoir dit la vérité sur la réalité des déficits publics et assumé davantage nos choix européens, économiques et fiscaux, qui ont été utiles au pays.

Vous connaissez bien Mélenchon. Qui est-il vraiment?

Un véritable populiste qui se caractérise par le bruit et la fureur, proche de la pensée de Carl Schmitt, cet adepte de la guerre de tous contre tous, qui n’aimait pas la démocratie parlementaire et qui décréta qu’un opposant est un ennemi devant être combattu voire, si possible, anéanti. Dans la crise politique actuelle, il y a un vide majeur, celui de la gauche républicaine et réformiste. C’est la première fois depuis deux siècles que la gauche, sous ses différentes formes, se retrouve dans cette situation. Elle est dominée par une gauche populiste que je crois peu démocratique, antirépublicaine et marquée par une grande violence. Nous sommes loin de l’humanisme de Camus ou de la subtilité de Willy Brandt. Voilà pourquoi j’avais parlé de «gauches irréconciliables».

Mitterrand disait en matière d’immigration qu’un «seuil de tolérance » avait été franchi. Le pensez-vous également s’agissant de notre époque?

Soyons francs: notre échec à intégrer et à assimiler – ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de réussites – est évident. Cette réalité nous explose au visage depuis des années. Nous subissons un détournement du droit d’asile, une hausse de l’immigration familiale, une homogénéité des zones d’origine, une concentration géographique des populations immigrées pauvres qui ne peut conduire qu’à renforcer des ghettos gangrenés par la violence et le trafic. Il faut une autre politique de peuplement, avec pasplusde40%delogements sociaux dans les villes et pas plus de 30 % d’étrangers dans un quartier. Par ailleurs, nous n’avons pas besoin d’immigration économique…

Même en considérant les emplois non pourvus et le vieillissement de la population?

Alors, il faudra des quotas très ponctuels dans des secteurs qui ont du mal à recruter, avec des règles simples. Il faut également une plus grande fermeté aux frontières de l’Europe pour dire vraiment stop à l’immigration illégale.

Vous parleriez d’«immigration zéro»?

C’est un slogan. Il y aura toujours des flux migratoires que nous devons maîtriser et choisir. Mais nous devons privilégier l’assimilation et la reconstruction des quartiers populaires. Et l’Europe doit investir massivement en Afrique, dont la population aura doublé en 2050.

Vous avez été ministre de l’Intérieur. Vous n’ignorez pas la complexité de la maîtrise des flux migratoires…

Évidemment, et personne ne peut rester indifférent aux drames qui se produisent en Méditerranée. Mais il faut sortir du discours général sur «une politique ferme mais humaine ».La France ne peut plus accueillir d’immigrés. Et, si le cadre européen ne le permet pas, il faudra reprendre des éléments de notre souveraineté.

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