[Interview] Lilly Rose Agnouret, « Les Africains ont, je le pense, du mal à parler de ce qui se passe dans leur chambre à coucher »

SENtract – Dans cet échange, la romancière gabonaise Lily Rose Agnouret, qui a déjà publié plusieurs faits littéraires en autoédition, nous plonge dans son imaginaire érotique et romantique.

 

Lilly Rose Agnouret, discrète, effacée, mais très prolifique. Dites-nous comment êtes-vous venu à l’écriture des romances érotiques ?

J’ai ouvert une page sur Facebook en août 2012 pour partager mes écrits. C’était la mode en ce temps-là. On parlait des chroniques, sur Facebook. Il s’agit en fait, de romans à épisode, posté au quotidien et accessible à la lecture par toutes personnes connectée et intéressée.

Cela a été un boost qui m’a conduit à sortir mon premier roman en 2015. Pour cela, je suis passée par la plateforme d’Amazon, qui permet aux auteurs de faire paraître leurs œuvres, en autoédition. Je suis dans l’autoédition depuis ce moment-là.

Il faut dire que j’ai beaucoup lu les romans Arlequin, les romans de la collection Adoras (édités en Côte d’ivoire). C’était ma «cam», comme on dit. Je voulais imaginer des personnages gabonais. Imaginer des histoires d’amour à la gabonaise.

Pourquoi les romances érotiques et pas autre chose ?

J’aime l’idée d’écrire sur des couples qui se rencontrent et finissent par s’aimer. J’aime l’idée de décrire l’acte charnel, celui qui unit deux personnes adulte et consentante. Cet acte qui est sublimé lorsque les personnes s’aiment. Et comme parfois j’ai l’esprit coquin, j’aime écrire sur les couples qui dérangent. Ces couples qui sont à l’image de la société dans laquelle on vit et dans laquelle sans cesse, l’union libre s’impose, le mariage est bafoué, la monogamie est remise en cause. Bref, tout m’interroge et j’en fais des histoires, pour inciter les lecteurs à s’interroger sur la société dans laquelle nous évoluons.

Pourquoi des romances érotiques ? Je n’en ai aucune idée ! Les idées me viennent et je les pose sur du papier. Non, plus sérieusement, je me suis lancé là-dedans, car il y avait peu de romans dans le genre. Les Africains ont, je le pense, du mal à parler de ce qui se passe dans leur chambre à coucher. Tant que ce que j’écris n’est pas là pour choquer ni déranger, j’écris. Libre à chacun de lire ou non.

Un amour véritable, c’est quoi ?

Je suis d’avis que l’amour véritable se nourrit de partage, de confiance. L’amour véritable, c’est déteindre positivement sur son partenaire ou sa partenaire au point qu’il arrive que l’on communique par un échange de regard, sans avoir de mot. L’amour véritable est conciliant.

Vos intrigues sont de pures fictions où vous puisez un peu dans votre vécu personnel ?

Tout ce que j’écris tiens de la fiction. Heureusement pour moi !(rire) Que serais-je, sinon ? Une experte dans le domaine de la luxure ? NON, NON, NON. J’invente, j’imagine. Je fais vivre des personnages qui sont différents de moi. Je les mets en situation en me demandant ce que je ferais si jamais, je me retrouvais dans telle ou telle situation. C’est plutôt magique de voir les personnages évoluer et prendre vie.

Dans un contexte africain, gabonais en particulier, où le circuit littéraire est encore naissant, comment pensez-vous que la scène éditoriale est pour les nombreux auteurs qui voudraient publier ?

Au Gabon, le livre circule très peu. Si on en trouve à Libreville ou à Port-Gentil, les choses sont plus difficiles lorsque l’on est à l’intérieur du pays. Donc, oui effectivement, le circuit du livre est bancal, fragile. Au niveau des éditeurs, je sais qu’il y en a peu au Gabon. Ils se comptent sur les doigts d’une main. Je n’en sais pas plus car, pour la majorité des livres que je lis, je les achète sur les librairies en ligne, ou alors en format électronique.

Je pense que les éditeurs Africains doivent intégrer l’idée de proposer les livres en format audio. Cela rendra le livre accessible à tous, peu importe l’endroit où l’on se trouve, en brousse ou en ville. Tout le monde est connecté. Quoi de plus facile que de se procurer un livre audio, via les paiements par mobile money, comme on le fait pour la musique ?

Dans un monde de crises et en crise, comment parvenez-vous à tirer quelque chose de positif nécessaire pour votre écriture ?

Je suis une grande rêveuse. Il me suffit d’avoir de la musique pour écrire et laisser mon imagination fleurir. Le sourire de mes enfants aide beaucoup en cette période. On n’arrête pas de s’aimer parce que le monde va mal. Je suis d’avis que l’amour en cette période trouble est crucial. Tant qu’il y a des gens pour s’aimer il y aura toujours de quoi s’émerveiller et écrire.

Comment se porte la littérature gabonaise ?

La littérature Gabonaise se porte plutôt bien. Il y a un boum dans les parutions littéraires en ce moment. Le nombre est là. Reste à savoir ce qu’il y a de meilleur, de bon et de médiocre dans tout ça. Les critiques littéraires seront là pour faire le tri, je suppose.

Merci Lilly!

 

Baltazar Atangana Noah

Critique littéraire