La juge chargée d’examiner la demande d’expertise médicale formulée par l’opposition gabonaise pour évaluer la capacité du président Ali Bongo à gouverner après son AVC a été suspendue de ses fonctions.
Paulette Akolly, juge auprès de la cour d’appel de Libreville, a payé cher sa décision. Le 26 juillet dernier, la magistrate décide, alors que la Cour de cassation lui demandait de se dessaisir, de tenir une audience pour entendre la requête de l’opposition de désigner un médecin pour une expertise médicale sur l’état de santé du président Ali Bongo Ondimba. Depuis quelques mots prononcés fin mars lors de son retour à Libreville après cinq mois de convalescence à l’étranger, le président gabonais n’a pas repris la parole en direct et en public. Ce silence a poussé dix personnalités de l’opposition, du monde syndical et de la société civile à exiger que le chef de l’État au pouvoir depuis 2009 se soumette à une expertise médicale pour savoir s’il peut encore exercer ses fonctions, dix mois après avoir subi un accident vasculaire cérébral (AVC). Ce 19 août, elle a finalement été suspendue de ses fonctions, d’après un document émanant du secrétaire général du ministère de la Justice et de l’Intérieur, consulté par plusieurs médias.
L’audience compromise ?
En cause ? Le « refus de respecter » la décision de la Cour de cassation, « un manquement aux convenances de son état de magistrat », s’est justifié le ministère de l’Intérieur et de la Justice dans la décision d’interdiction émise par son secrétariat général lundi. La magistrate a donc l’interdiction d’exercer ses fonctions jusqu’au 30 septembre. Le 4 mai, un tribunal avait jugé en première instance irrecevable cette requête, au motif que seules la Cour constitutionnelle saisie par le gouvernement ou les deux chambres du Parlement pouvaient constater l’empêchement du président à gouverner.
La santé du président, un tabou ?
Mais la cour d’appel de Libreville avait refusé le 12 août de se dessaisir de cette requête d’une expertise médicale au motif qu’elle serait incompétente, comme le lui demandait la Cour de cassation, et avait fixé l’audience au 26 août. « L’objectif d’Ali Bongo est d’empêcher à tout prix cette audience » sur l’expertise médicale, estime Anges Kevin Nzigou, un des membres du comité de dix personnalités à l’origine de la requête. « Peut-être parce qu’ils ont déjà la réponse », ajoute-t-il. Contactés par l’AFP, ni le gouvernement ni les avocats du chef d’État n’ont souhaité commenter la décision. L’audience du 26 août n’a pas été annulée, même si le nom du remplaçant de Paulette Akolly n’a pas été annoncé.
Vendredi 16 août, le président a fait sa première apparition publique depuis son AVC, hors de son palais. Le chef de l’État se déplaçait avec une canne et son aide de camp l’a aidé à gravir quelques marches d’un escalier, ont constaté des journalistes de l’AFP assistant à la cérémonie. La cérémonie commémorative a duré une demi-heure, sur un parcours écourté par rapport aux années précédentes. Depuis l’AVC du président, la communication autour de sa santé reste très limitée. Après son hospitalisation le 24 octobre 2018 à Riyad, la présidence avait, dans un premier temps, affirmé qu’il avait eu « un malaise » dû à une « fatigue sévère ». Ce n’est que le 9 décembre que Libreville a parlé officiellement d’un AVC.