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Les romans africains de cette rentrée : Mabanckou, Patrice Nganang, David Diop….

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Selon le magazine des éditeurs Livres hebdo, 567 nouveaux titres, dont 186 titres étrangers seront publiés d’août à octobre 2018. Les littératures venant du monde noir occuperont une place privilégiée dans cette rentrée littéraire dont les premiers titres seront en librairie dès le 16 août. Voici les incontournables qui feront le bonheur des aficianados des littératures issues de l’Afrique, la Caraïbe et des Amériques noires.Bonne découverte.


Avec une quarantaine de nouveaux titres, le monde noir d’Afrique, des Antilles et d’Amérique ne passera pas inaperçu en ce moment de rentrée littéraire. Parmi les têtes d’affiche cette année, le Franco-Congolais Alain Mabanckou, le Sud-Africain JM. Coetzee, l’Egyptien Alaa El Aswany ou encore la Britannique de père Jamaïcain Zadie Smith et les Algériens Boualem Sansal et Yasmina Khadra, qui reviennent sur le devant de la scène avec des récits forts, émouvants et en prise avec les violences et les dysfonctionnements de nos sociétés mondialisées. Mais ce sont les primo-romanciers qui risquent de faire l’événement cette année avec leurs textes de grande qualité, prometteurs d’un avenir fécond. Cette rentrée littéraire compte aussi des essais, des mémoires remarquables par quelques-unes des grandes  plumes du monde noir telles que Ta-Nehisi Coates, Souleymane Bachir Diagne, Henri Lopes, Dany Laferrière.

Le Mabanckou nouveau est arrivé !

Alain Mabanckoou est romancier et professeur de littérature francophone à l’Université de Californie-Los Angeles.. Seuil

Alain Mabanckou est une des têtes d’affiche de cette rentrée littéraire 2018. Tous les médias se l’arrachent, réclamant l’interview de la star en exclusivité. Il faut dire que Les cigognes sont immortelles, ce nouveau roman sous la plume d’un des auteurs les plus en vue des lettres africaines, est un modèle de perfection avec son écriture à la fois maîtrisée et ambitieuse. L’auteur de Black Bazar et de Verre cassé entraîne ses lecteurs dans le tohu-bohu de Pointe-Noire, ville du Congo-Brazzaville dont il est originaire. A travers la grille de lecture d’un narrateur adolescent au regard naïf, le roman restitue le tohu-bohu de l’Afrique post-coloniale où les grandes puissances tirent les ficelles de la vie politique et dont la violence ne manque pas de bouleverser la vie des petites gens.

A la fois récit d’apprentissage et récit historico-politique, ce roman marque peut-être un tournant dans la carrière déjà très riche de son auteur Franco-Congolais qui veut donner désormais à son œuvre une orientation plus engagée. « Je ressens le besoin de dire ce qu’est mon continent et comprendre pourquoi il va à la dérive  », déclare-t-il dans une vidéo de présentation de son nouvel opus.

Les cigognes sont immortelles, par Alain Mabanckou. Editions du Seuil, 301 pages, 19,50 euros. Parution le 16 août 2018.

Une brillante plaidoirie de JM. Coetzee contre l’«  holocauste » animal

Le Sud-Africain J.M. Coetzee a reçu le prix Nobel de littérature en 2003. Editions du Seuil

« Il m’est venu à l’esprit que les gens toléraient le massacre d’animaux parce qu’ils n’avaient jamais l’occasion d’en voir un. Ni d’en voir, ni d’en entendre, ni d’en sentir un. Il m’est venu à l’esprit que s’il y avait un abattoir au milieu de la ville, où chacun pourrait voir, entendre, sentir ce qui se qui se passe à l’intérieur, les gens pourraient changer de pratique. Un abattoir de verre. Un abattoir avec des murs en verre. » Comment prévenir l’abattage des animaux qu’elle qualifie d’un « nouvel holocauste », telle est l’obsession d’Elisabeth Costello, personnage de J.M. Coetzee que les lecteurs de ce prix Nobel sud-africain (2003) ont croisé au fil de son œuvre singulière.

Elisabeth Costello est le personnage central de L’abattoir de verre, le dernier livre de fiction sous la plume de l’auteur de Disgrâce. A la fois double de l’auteur (elle est professeur de littérature et romancière tout comme l’auteur), elle est une héroïne pas comme les autres. Elle n’est pas dans l’action, mais dans l’abstraction. Elle incarne des idées, des interrogations universelles : Pourquoi sommes-nous en vie ? Que signifie d’être humain ? Qu’est-ce qu’une belle mort ? Des interrogations qui sont au cœur des sept récits qui composent le nouveau volume que consacre Coetzee à son héroïne vieillissante. Elle lui inspire quelques-unes des plus belles pages de cet opus, animées par l’empathie pour les animaux que nos sociétés mécanisées, obsédées par leur « business plan » ont transformé, en des « êtres négligeables ».

L’abattoir de verre, par J.M. Coetzee. Traduit de l’anglais par Georges Lory. Editions du Seuil, 167 pages, 18 euros. Parution le 16 août 2018.

David Diop raconte l’aventure ambiguë des enrôlés de force africains dans la Première Guerre mondiale

Un premier roman émouvant sur la bravoure et la le désarroi des tirailleurs sénégalais sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale. Ed. du Seuil

Les tirailleurs sénégalais sont les oubliés des célébrations cette année de la fin il y a cent ans, de la Première Guerre mondiale. Le beau et puissant premier roman du Franco-Sénégalais David Diop, intitulé Frère d’âme vient rappeler le rôle joué par les contingents africains sur les champs de bataille en Europe de l’Ouest pour hâter la fin de cette première boucherie de l’ère moderne.

Alpha Ndiaye et Mademba Diop ont 16 ans quand ils débarquent en Europe pour combattre sous le drapeau français. Le roman s’ouvre sur un drame : Mademaba tombe, blessé à mort et demande à son ami d’enfance de lui couper la gorge pour mettre fin à sa souffrance. Alpha refuse, mais finira par obtempérer. Puis, il portera dans ses bras le cadavre de son ami d’enfance jusqu’à la prochaine tranchée. Se retrouvant désormais seul dans la folie du grand massacre, Alpha perd la raison et distribue la mort, semant l’effroi. Il tranche les chairs ennemies, estropie, décapite, éventre. Sa sauvagerie scandalise, entraînant son évacuation…

Né à Paris de parents franco-sénégalais et maître de conférences à l’université de Pau, David Diop a déclaré que son livre est né de l’émotion qu’il a ressentie en lisant des lettres de poilus. Mais les tirailleurs n’ont pas laissé de lettres. Partant des documents de l’époque, il a imaginé la bravoure, le racisme, le désarroi, la folie… Cela donne un récit évocateur, époustouflant de lucidité d’analyse et d’humanité.

Frère d’âme, par David Diop. Editions du Seuil, 176 pages, 17 euros. Parution le 16 août 2018.

Retour sur la guerre civile camerounaise avec le talentueux Patrice Nganang

Patrice Nganang est l’auteur de plusieurs romans et d’essais. JC Lattes

Professeur de littérature francophone aux Etats-Unis et romancier, Patrice Nganang est l’auteur de plusieurs romans dont les plus connus ont pour titre Temps de chien (2001) et Mont Plaisant (2010). Ecrivain engagé et novateur, le Camerounais avait donné la parole à un chien dans Temps de chien pour raconter les heurs et malheurs du Cameroun depuis son indépendance. « Quand j’écris, je me place du point de vue de la liberté totale, celle de la feuille blanche, mais aussi celle des villes africaines où on urine sur les murs de commissariats…  », Nganang aime-t-il répéter.

C’est dans cet esprit de liberté totale qu’il a écrit son nouveau roman dans lequel il revient sur la guerre que les autorités françaises ont livrée dans les années 1950 et 1960 aux rebelles camerounais, et qu’ont poursuivie les dirigeants politiques mis en place à la tête du Cameroun au moment de l’indépendance. Refoulée par l’historiographie coloniale, cette guerre avait fait plusieurs dizaines de milliers de victimes.

Empreintes de crabe est le septième roman de cet auteur camerounais. Le passé de violences et de disruptions que le Cameroun a traversé est évoqué par le viei homme Nithap qui rend visite à son fils installé aux Etats-Unis. L’homme qui a connu de près les turbulences de cette époque restitue la tragédie que fut pour la population camerounaise ce conflit interethnique, dont la mèche fut allumée par le colonisateur en partance pour pouvoir continuer à garder sa mainmise sur le pays. A la fois saga politique et historique, ce nouveau roman de Patrice Nganang explore aussi les liens que la diaspora camerounaise entretient avec son pays, puisant dans les souffrances collectives du passé la force de faire face aux douleurs de l’exil d’aujourd’hui.

Empreintes de crabe, par Patrice Nganang. Editions JC. Lattès, 510 pages, 22,90 euros. Parution le 22 août 2018.

La prose poétique d’Aminata Aïdara

« Je suis quelqu’un » est le premier roman sous la plume de la talentueuse journaliste et bloggeuse Aminata A¨dara. Gallimard

A 34 ans, l’Italo-Sénégalaise Aminata Aïdara n’est pas inconnue du grand public. Elle est anthropologue, journaliste, bloggeuse et écrivain. Francophone, mais aussi italophone, elle s’est fait connaître en publiant en 2014 un recueil de nouvelles intitulé La ragazza dal cuore di carta (La Fille au cœur du papier). L’immigration, le métissage, le mélange des cultures sont ses sujets de prédilection.

Son premier roman, Je suis quelqu’un, raconte l’histoire d’une famille éclatée entre le Sénégal et la France. Une famille patriarcale où les femmes ont malgré tout réussi à s’émanciper. C’est aussi l’histoire de la quête identitaire d’une jeune fille paumée, tiraillée entre le monde traditionnel et celui des cités sans foi ni loi.

Le désarroi d’Estelle face à sa famille disruptive, face à sa propre souffrance existentielle, elle l’exprime à travers des délires cathartiques qui constituent les plus belles pages de ce roman poétique, quasi-rimbaldien. Les soliloques d’Estelle se lisent comme autant de textes de poésies urbaines rythmés par le refrain « Je suis quelqu’un ». « Je suis quelqu’un qui a souvent porté seul la couronne de la vie, emprunté seul le chemin de la paix. Les hommes qui voulaient m’accompagner n’ont fait que mettre des obstacles en forme de bisous, du sel sur le sol, des rires qui semaient le doute sur la bonne route… ». Une poète est née !

Je suis quelqu’un, par Aminata Aïdara. Editions Gallimard, coll. « Continents noirs », 353 pages, 21,50 euros. Parution le 23 août 2018.

La quête des origines de la Guadeloupéenne Estelle-Sarah Bulle

Estelle Sarah-Bulle est Guadeloupéenne et Là où les chiens aboient par la queue est son premier roman. Liana Levi

A la recherche de ses origines, la narratrice du très beau roman de la Guadeloupéenne Estelle-Sarah Bulle, Là où les chiens aboient par la queue, interroge son père et ses deux sœurs, dont la vieille tante Antoine hospitalisée à Paris. Femme de caractère, celle-ci avait quitté la ferme miséreuse de ses parents à Morne-Galant dès qu’elle a eu 16 ans pour aller s’installer à Point-à-Pitre. C’était en 1947 lorsque la Guadeloupe n’était pas encore un département français. La jeune femme s’ennuyait au fin fond de la campagne. Des raisons plus impératives la conduiront vingt ans plus tard à Paris.

« Voilà une éternité que je vis à Paris, et c’est comme si je n’avais toujours pas trouvé de chez moi », raconte la septuagénaire à sa jeune nièce. C’est sans doute parce qu’elle n’a pas trouvé à Paris ce qu’elle était venue y chercher et où les Blancs la prennent toujours pour une Africaine, qu’elle se souvient avec nostalgie de Morne-Galant et de l’histoire familiale qu’elle restitue avec moult détails pour sa nièce. A travers son évocation d’une famille guadeloupéenne typique des années 1950, l’auteur donne à lire dans ces pages l’histoire collective des Antilles françaises, jalonnée de turbulences sociales et de catastrophes naturelles.

A la fois mémoire de la société antillaise rurale où elle a grandi et métaphore des Antilles d’antan, le personnage de la tante Antoine illumine ses pages avec ses souvenirs empreints de tendresse et d’empathie pour le passé. Il y a dans ce roman de la jeune génération antillaise quelque chose de Patrick Chamoiseau qui sait si bien mêler la grande et la petite histoire et aussi du Gisèle Pineau pour son évocation lyrique des époques à jamais révolues.

Là où les chiens aboient par la queue, par Estelle-Sarah Bulle. Editions Liana Levi, 288 pages, 19 euros. Parution le 23 août 2018.

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