Que penser des contours de la concertation nationale que le président camerounais appelle de ses vœux pour la fin septembre ? Pour le site Lepoint.fr, La question est posée.
C’est mardi en fin d’après-midi sur les réseaux sociaux que l’annonce surprise du discours de Paul Biya a commencé par circuler : « Le chef de l’État tiendra une allocution à la nation à 20 heures. » Trois heures plus tard, le président camerounais a finalement annoncé la convocation fin septembre d’un « grand dialogue national » précisément sur le conflit meurtrier entre des groupes séparatistes de la minorité anglophone et les forces de sécurité dans l’ouest du pays. « J’ai décidé de convoquer, dès la fin du mois en cours, un grand dialogue national qui nous permettra […] d’examiner les voies et moyens de répondre aux aspirations profondes des populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, mais aussi de toutes les autres composantes de notre nation », a déclaré le chef de l’État, 86 ans et au pouvoir depuis près de 37 ans, dans une « adresse à la nation » retransmise sur les antennes de la radio et la télévision nationales.
« Un dialogue national » ouvert à tous…
Ce qu’il faut savoir c’est que depuis novembre 2016, les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest sont confrontées à une grave crise sociopolitique, les populations originaires de ces zones s’estimant marginalisées. Il y a plus d’un an, celle-ci a dégénéré en conflit armé entre séparatistes en lutte pour la création d’un État anglophone indépendant et soldats. Les combats et les exactions de part et d’autre ont fait plus de 2 000 morts depuis début 2017, selon Human Rights Watch, et forcé plus de 530 000 personnes à fuir leur domicile, selon l’ONU, dans ces régions peuplées majoritairement par la minorité anglophone qui représente un peu plus de 16 % de la population du Cameroun.
… sauf aux séparatistes
Dans son discours, Paul Biya a aussi réitéré son offre de « pardon » aux séparatistes armés qui « déposent volontairement les armes », mais promis à ceux qui s’y refuseraient de subir « toute la rigueur de la loi » et de « faire face aux forces de sécurité et de défense ». Le président faisait certainement allusion au leader des séparatistes anglophones, Julius Ayuk Tabe, qui a été condamné à la prison à vie le 20 août avec neuf de ses partisans. Nombre d’observateurs estiment que cette condamnation n’est pas de nature à favoriser le dialogue, puisque les séparatistes réclament notamment la libération des prisonniers. En réponse, les indépendantistes ont appelé à deux semaines de blocus dans les régions anglophones après ce jugement. « La propagande des sécessionnistes a voulu présenter les décisions de justice récemment rendues à l’encontre d’un certain nombre de nos compatriotes, dans le contexte de cette crise, comme un obstacle au dialogue envisagé. Il n’en est rien », a tenté de rassurer le président Biya.
Bien avant sa condamnation, Julius Ayuk Tabe s’est dit ouvert au dialogue, tout en posant comme préalable sa libération, ainsi que celle des autres des prisonniers anglophones. Il a aussi exigé le retrait de l’armée des régions anglophones, une option que Yaoundé n’envisage absolument pas. Au lendemain de cette importante prise de parole, les réactions s’enchaînent dans les médias et sur les réseaux sociaux. Deux camps semblent s’affronter entre ceux qui dressent un satisfecit général pour cet appel au dialogue et ceux qui au contraire estiment que rien ne va changer.
L’opinion nationale partagée
Pour le quotidien L’Essentiel, « le chef de l’État vient d’annoncer la tenue avant fin septembre des assises d’un dialogue national autour de thèmes susceptibles de ramener la paix dans cette partie du pays ». « Le locataire du palais présidentiel d’Étoudi a évoqué les moyens de mettre non seulement fin aux exactions du mouvement indépendantiste qui sévit dans cette partie du pays, mais aussi de réconcilier tous ces sécessionnistes autoproclamés avec leur République », renchérit Défis actuels. « Retour de la paix dans le NO/SO : Paul Biya plante le décor du dialogue », résume Infomatin dans sa manchette. Au contraire, pour le bihebdomadaire Aurore Plus« Biya snobe tout le monde ». « Une fois de plus, Paul Biya reste constant dans sa position. Le Cameroun reste uni et indivisible et les ennemis de la nation seront punis sans état d’âme », poursuit l’article qui évoque notamment la question de la grâce aux leaders anglophones actuellement emprisonnés à une peine à perpétuité.